Love Interest est une terme générique pour désigner l’amant ou la maîtresse, état avéré ou en devenir. Le Love Interest est un caractère qui détermine une relation singulière du personnage principal.
Certains auteurs considère ce caractère comme d’importance pour une histoire, presque un élément constitutif de cette histoire. C’est dire qu’il en est indispensable.
D’autres auteurs sont bien plus réservés quant à son usage qu’il considère alors comme un cliché donc quelque chose de totalement inutile.
Pour la théorie narrative Dramatica, la narration vient habiller la structure sous-jacente. Pour cette théorie, une histoire doit d’abord se concevoir selon une structure. La narration ou Storytelling est quelque chose qui vient se greffer par-dessus l’ossature de la structure.
Selon Dramatica, le Love Interest possède des critères qui appartiennent soit à la narration, soit à la structure et en conséquence, ce concept de Love Interest intervient sur les deux plans.
A la fois narration et structure
Sur le plan narratif, le Love Interest est précisément ce que l’on attend de lui ou d’elle. C’est un personnage avec lequel le héros ou l’héroïne ont une histoire d’amour.
Cette façon de voir ce personnage ne nous apprend cependant pas grand-chose sur lui. On n’en sait pas plus sur la relation qui l’unit au personnage principal.
D’un point de vue fonctionnel, ce Love Interest pourrait être dans le camp de ceux qui s’opposent au protagoniste. Ainsi, le Love Interest endosse la fonction d’antagoniste. Il pourrait être aussi un personnage qui supporte le héros ou l’héroïne dans ses projets et qui reste un peu en retrait. En ce cas, sa fonction archétypale serait celle du sidekick, ce personnage fidèle et loyale au protagoniste ou au personnage principal lorsque celui-ci n’est pas le protagoniste (Dramatica fait la distinction).
Quelle que soit la fonction empruntée par le personnage (antagoniste ou sidekick, par exemple), le héros ou l’héroïne en est amoureux.
D’un point de vue structurel, la fonction positionne la relation qui existe entre eux entre deux antipodes ou stratégies ou tactiques dans l’effort pour réaliser l’objectif que Dramatica dénomme Story Goal.
Et ce concept de Love Interest ne nous apprend rien sur la personnalité de l’être ainsi aimé. Car la personnalité d’un personnage n’est pas relative à sa fonction dans l’histoire.
Reprenons pour donner un peu de chair (quelqu’un que l’on peut reconnaître aux passions qui l’animent) à ce que Dramatica nomme les personnages objectifs, c’est-à-dire ceux qui sont identifiés par leurs fonctions respectives dans l’histoire (notez que ce sont bien des fonctions respectives car si vous aviez des personnages qui occupent une fonction similaire, ce serait redondant et confus pour le lecteur qui ne comprendrait plus qui est qui ou bien qui fait quoi).
Pour Dramatica, il existe 8 fonctions dramatiques essentielles (autrement appelées archétypes) : le protagoniste, l’antagoniste, les archétypes Reason & Emotion, les archétypes Sidekick & Skeptic et les archétypes Guardian & Contagonist (je vous renvoie à DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (6) pour en apprendre plus sur ces concepts).
Faisons court : le protagoniste s’efforce d’atteindre le but qu’il s’est fixé. L’antagoniste essaie de l’en dissuader. En soi, cet aspect des choses répond à la logique de l’histoire.
Comme c’est assez réducteur comme définition, Dramatica s’est aperçue qu’il existait aussi une qualité chez deux des personnages qui intervient dans la dynamique de toute histoire et qui lui donne son côté le plus fascinant.
Cette qualité que Dramatica regroupe sous le vocable de personnages subjectifs ne considère plus l’histoire vue de l’extérieur mais selon le point de vue particulier des deux personnages concernés. Il y a deux personnages subjectifs : le personnage principal et l’Influence Character.
Le personnage principal est le personnage qui représente la position du lecteur dans l’histoire. C’est ainsi que ce personnage principal sera le récipiendaire de l’empathie du lecteur. C’est ce que l’on appelle habituellement l’identification.
Quant à l‘Influence Character, il donne un point de vue, une idéologie ou encore un système de valeurs ou de croyances qui viendront s’opposer au point de vue, à l’idéologie ou encore au système de valeurs ou de croyances du personnage principal.
En somme, vous avez l’apparence que renvoie la fonction (personnages objectifs) et vous avez ce qui est en-dessous de cette apparence, ce qu’elle cache, en quelque sorte, le cœur du personnage (personnages subjectifs).
Le héros
Dramatica considère que le protagoniste qui fait avancer l’histoire par ses actes et décisions et le personnage principal n’ont pas être un même personnage. Certaines histoires exploreront l’essence du personnage principal par ses émotions et ses sentiments sans que les actes et décisions de ce personnage principal aient une quelconque influence sur le devenir de l’histoire.
Lorsque le personnage principal non seulement représente la position du lecteur mais aussi qu’il est un agent actif de la progression de l’histoire, Dramatica le range sous l’archétype du héros.
Cette façon de voir les choses permet à un personnage principal d’être autre chose que le protagoniste. Par exemple, James Bond est certes le personnage principal mais il n’est pas le protagoniste.
En effet, Bond n’intervient qu’après le méchant de l’histoire, qui veut conquérir le monde, se soit manifesté. C’est donc bien le méchant qui met tout en branle et qui active Bond.
Alors Bond doit stopper le protagoniste dans sa volonté de conquête du monde. C’est ainsi que bien qu’il soit le personnage principal de ses histoires, James Bond est l’antagoniste qui vient s’opposer aux désirs morbides du protagoniste. C’est sa fonction dans l’histoire.
L’Influence Character peut lui aussi endosser n’importe quelle fonction. Il lui arrive d’être l’antagoniste mais c’est loin d’être une obligation. S’il est antagoniste, cet Influence Character essaiera d’empêcher la volonté du protagoniste de se concrétiser et dans le même temps, par sa seule présence, il tentera aussi de lui faire admettre un nouveau système de croyances et cela que le personnage principal soit protagoniste ou n’importe lequel des autres personnages objectifs.
D’ailleurs, il peut être compliqué de faire du protagoniste le personnage principal et dans le même temps faire de l’antagoniste l’Influence Character parce que comme ces deux personnages centraux de l’histoire ont chacun leur ligne dramatique, qu’ils sont diamétralement opposés concernant le Story Goal et qu’ils le sont tout autant concernant leurs valeurs et leurs systèmes de croyances, lorsqu’il advient un événement qui les implique tous deux, il est difficile de concevoir cet événement en regard de la ligne dramatique qu’il est censé développer.
La relation entre le protagoniste et son antagonisme est passionnante à suivre. Elle ne doit cependant pas emporter dans son élan les développements personnels de chacun de ces personnages car le personnage principal tout comme l’Influence Character ont leurs propres lignes dramatiques qui se développeront hors de leur relation.
Selon Dramatica, il est préférable de faire du protagoniste le personnage principal (c’est habituellement le cas) et d’assigner le personnage subjectif de l’Influence Character a une autre fonction que celle de l’antagoniste.
Bien sûr, si votre histoire s’y prête, si vous pouvez totalement développé la ligne dramatique du personnage principal, celle de l’Influence Character et la ligne dramatique de leur relation avec un Influence Character comme antagoniste sans que vous ayez de béance narrative dans le développement de votre histoire, cet ordonnancement des choses peut être envisagé avec beaucoup de satisfaction et d’efficacité.
Le triangle dramatique
A partir de ces considérations de la théorie narrative Dramatica, examinons comment un triangle dramatique peut être utile pour décrire une saine relation amoureuse.
Prenons un exemple.
Le héros de l’histoire (donc à la fois protagoniste & personnage principal) est en compétition avec l’antagoniste. Cette compétition ne porte pas sur un amour à gagner à moins que cet amour ne soit l’objet d’un désir comme celui d’être le meilleur dans son domaine d’activité. C’est dire la vanité de cet orgueilleuse compétition mais ce n’est peut-être pas le message de l’histoire.
Construisons le triangle amoureux. Le héros est totalement fou d’un autre personnage et il sait bien que s’il continue cette compétition, il perdra définitivement cet autre personnage.
Remarquons aussi que cet autre personnage est très attiré par lui en tant que compétiteur. En fait, cet autre personnage est un sidekick (une fonction pour Dramatica) qui supporte dans cet exemple les actions du héros sans s’apercevoir que ce héros est tombé amoureux de lui.
Mais l’amour semble hors de la compréhension de cet autre personnage.
Il est bon de donner les informations suffisantes au lecteur surtout lorsqu’il s’agit du personnage principal. On demande au lecteur de verser de l’empathie sur le personnage principal. Il faut l’accompagner dans cette volonté de l’auteur en tentant de lui donner les raisons qui expliquent les motivations du héros.
Dans cet exemple, il ne faut pas se demander pourquoi le héros est tombé amoureux de cet autre personnage (cela peut faire l’objet de l’incident déclencheur) mais pourquoi craint-il que la compétition dans laquelle il est engagé contre l’antagoniste risque de ruiner sa vie et ses amours s’il continue ?
Les expériences que nous vivons créent des habitudes en nous. Ces expériences permettent de résoudre des situations similaires lorsqu’elles nous adviennent. Mais lorsque quelque chose de nouveau survient, on applique désespérément des solutions qui appartiennent à d’autres circonstances et conditions et l’échec est assuré.
Pour notre héros, c’est dans son passé (c’est le lieu commun) que nous trouverons quelques pistes pour éclairer ses peurs actuelles. Son père a toujours été un modèle pour lui. C’était un homme doué pour la compétition et il a appris à son fils que la vie était elle-même une compétition qu’il fallait emporter ou mourir.
Le héros suit donc les préceptes que son mentor de père lui a inculqués. L’éducation doit forger les âmes et l’intelligence pour que les individus soient libres.
C’est ainsi que le héros en est venu à questionner le concept même de compétition et qu’il a développé cette peur de perdre l’amour de l’autre personnage (une passion qui lui importe davantage) s’il persistait dans ce qu’il considère déjà comme une erreur (ou un mensonge selon le point de vue de l’auteur).
La relation évolue
La relation entre le héros et cet autre personnage n’est cependant pas restée figée dans le temps. Cet autre personnage a bien conscience de l’amour que lui porte le héros mais lui-même craint que si le héros ne va pas au bout de son objectif (l’objet du désir du héros dans cette histoire est de vaincre l’antagoniste en remportant l’objet de la compétition comme par exemple une sérieuse avancée dans la carrière du héros), cet autre personnage se sentirait coupable d’avoir incité le héros à préférer l’échec de son objectif et à favoriser son amour.
Il présume de l’état d’esprit du héros qui par ailleurs ne demanderait pas mieux d’aller vivre sa passion avec cet autre personnage et de laisser choir toute cette vaine compétition. Cette révélation n’est cependant pas encore advenue.
On en vient souvent à un dilemme dans nos vies. Les personnages de fiction aussi. Le héros ne peut connaître une révélation soudaine lui montrant la voie qu’il doit prendre. Un dilemme naîtra en lui.
Doit-il mettre en avant sa carrière ou doit-il préféré l’amour ? Doit-il être raisonnable ou passionné ? Son regard peut aussi se porter vers l’extérieur. Doit-il laisser cet autre personnage se faire son propre jugement le concernant s’il prend une décision plutôt qu’une autre ?
La réponse à ce dilemme est le message de l’auteur. Voyez la différence entre thème et message. Le thème est un moyen d’illustrer un message. Et il y a une foultitude de messages pour un thème donné. Dans notre exemple, la réponse de l’auteur serait par exemple que le héros perde à la fois et l’amour et sa carrière parce qu’il n’aurait pas su ou n’aurait pas eu le courage de prendre une décision.
L’autre personnage pourrait comprendre le sacrifice du héros et alors que celui-ci pensait qu’il avait perdu l’amour de cet autre personnage (ne pas confondre ce moment du climax avec la crise que connaît le héros vers le point médian de l’histoire), il aurait le bonheur de la déclaration sincère de l’autre personnage de son amour pour lui.
Le héros aurait pu faire la promesse à l’autre personnage que sa carrière ne passera jamais après son amour pour justifier ses actes. Mais l’autre personnage (qui est l’Influence Character de cette histoire) ne l’acceptera pas et s’éloignera de ce qu’il pense être une folie morale du héros.
Ce qu’il faut voir dans cet exemple est que le conflit non seulement s’élève de la compétition entre le protagoniste et l’antagoniste mais aussi comme effet des relations passionnées qui existent entre le personnage principal et son Influence Character incarné par cet être qui semble si difficile à aimer.
Et ce n’est pas l’antagoniste mais cet être aimé (ou à aimer) qui est vu comme une fonction de sidekick (une sorte d’aficionado) auprès du personnage principal.
Le potentiel dramatique du héros
Selon Dramatica, deux lignes dramatiques sont indispensables : vous avez celle qui suit l’évolution du personnage principal qui décrit sa relation singulière à l’antagoniste fondée sur le conflit.
Et la seconde ligne dramatique et que Dramatica nomme la Subjective Story Throughline (subjective en effet est cette relation qui s’articule sur l’intersubjectivité des personnages) qui décrira la relation qui unit le personnage principal et l’Influence Character (gardons en tête que cet Influence Character suit aussi sa propre ligne dramatique indépendamment du personnage principal).
Ainsi, les événements sont plus faciles à relier à l’évolution d’une ligne dramatique plutôt qu’une autre limitant de cette manière les risques de confusion par le lecteur (et aussi beaucoup plus faciles à écrire pour l’auteur).
Et tout se ramène au personnage principal qui est bien la sphère dramatique vers lequel tous les rayons convergent.
Quelques exemples donnés par Melanie Anne Phillips (Dramatica) :
Le Silence des Agneaux
Clarice est à la fois le personnage principal et l’antagoniste. Buffalo Bill est le protagoniste puisque c’est par lui que tout arrive et Hannibal est l’Influence Character (et peut-être même comme il a été suggéré le Love Interest de Clarice).
Witness
Dans Witness, John est à la fois l’Influence Character et l’antagoniste. Le chef de la police véreux est le protagoniste (tout comme Buffalo Bill dans Le Silence des Agneaux, ce qui nous permet de poser un regard assez nouveau sur ce concept archétypal de protagoniste qui ne signifie pas nécessairement héros).
Rachel est non seulement le Love Interest de John mais est aussi le personnage principal de cette histoire. Nous remarquons que le Love Interest n’a pas à être forcément partagé. Est-ce que John a en retour une inclination envers Rachel ? Difficile à dire car John a tellement de présence dans son fonction d’antagoniste que cela emporte sa relation avec Rachel comme le fait une vague qui reflue vers l’océan. Et sans que la relation entre Rachel et John soit négligée par l’auteur.
En recherchant le triangle dramatique comme par exemple un protagoniste qui est aussi Influence Character, un antagonisme incarné par un personnage et un personnage principal incarné par un autre personnage, vous obtenez un matériel dramatique de première importance fondé sur cette seule trinité (ne mésestimez jamais la puissance du chiffre 3).
L’intérêt véritable du triangle dramatique est qu’il resserre l’attention sur un seul personnage. Ce triangle dramatique est le support de toutes raisons et de toutes passions. Et bien mieux encore, le triangle dramatique ajoute de la passion dans une histoire qui serait autrement bien trop rigide.
LE MÉCHANT ET LE HÉROS