🎬 Réalisateur : Noah Baumbach (Les Berkman se séparent, Frances Ha)
🎬 Casting : Adam Driver (Silence, Paterson), Scarlett Johansson (Avengers Infinity War, Le Prestige), Azhy Robertson...
🎬 Genre : drame
🎬 Pays : Etats-Unis
🎬 Sortie : 6 décembre 2019 (Netflix)
Synopsis : Charlie Barber est metteur en scène de théâtre à New York. Sa femme, Nicole, est une ancienne actrice de films pour adolescents qui travaille aujourd'hui avec son mari. Mais le couple va mal et ils décident de divorcer. Tout se passe relativement bien jusqu'au jour où Nicole reçoit une proposition professionnelle à l'autre bout du pays et qu'elle décide d'y emmener leur fils, Henry.
En 1979, un film sortait en salles, exposant alors pour la première fois au grand nombre la thématique quelque peu tabou du divorce : Kramer contre Kramer. 40 ans plus tard, le nombre de films et points de vue sur la question n'a cessé de proliférer, faisant du film de divorce un genre à part entière, coincé entre le drame et le film de procès. Après The Meyerowitz Stories il y a deux ans, Noah Baumbach rempile donc chez Netflix pour y signer une nouvelle variation du genre, alors même que la question de voir ce dernier se tarir est plus que jamais d'actualité. Pourtant, Marriage Story s'avance comme un des favoris pour la prochaine saison des récompenses. Alors, succès critique mérité ou film pompeux ?
Que reste-t-il à dire sur la question de la séparation ? C'est sûrement la première question que Noah Baumbach s'est posé lorsqu'il a écrit Marriage Story. C'est donc un parti pris notable que ce dernier a pris : plutôt que de dire, Baumbach choisit ici de montrer. Avec un regard incroyablement pudique, le réalisateur crée un univers intimiste, où il use de sa caméra comme un documentariste pour nous exposer son récit. En choisissant de rester neutre face à ses personnages, le film contribue à rendre plus humains ce couple, mettant en avant aussi bien leurs forces et leurs faiblesses, désarmant nos possibilités de se refuser à croire à la triste réalité qui s'offre à nous. En mettant l'humain au centre, Marriage Story convoque son illustre aîné réalisé par Benton pour mettre en avant l'amère réalité : quasiment deux générations plus tard, l'Homme est toujours aussi impuissant face aux caprices de l'amour et des émotions. Pris à leur propre piège, Nicole et Charlie semblent désormais œuvrer passivement, hantés par le passé alors que deux avocats à l'aspect factice semble décidé pour eux d'un sort qu'ils ne souhaitent pas vraiment. Nos deux protagonistes doivent alors passer par toutes les étapes du traumatisme, de la sidération au déni, de la colère au rejet, de l'effondrement à l'acceptation avant de finalement s'accomplir dans cette nouvelle vie : tel est le cycle poétique que nous propose Baumbach ici, avec un altruisme qui offre la chance au film non pas de se porter via un travail titanesque de réalisation, mais face à une vraie proposition d'amour aux acteurs.
Une famille encore unie.... - © NetflixSi Marriage Story brille, c'est avant car il est magnifiquement jouer : en offrant des partitions titanesques à Scarlett Johansson et à Adam Driver, Baumbach s'offre le droit de donner à son film une dimension presque théâtrale, et en même temps criant de vérité : la caméra est oubliée dans son gracieux balai, nos yeux hypnotisés par l'attractif jeu des deux acteurs. La souffrance semble ici réelle pour les deux, qui se jette corps et âme dans un personnage qui est ici un vrai prolongement d'eux-mêmes. Rien n'est tape-à-l'oeil ou outrancier ; là où l'on pourrait s'attendre à cris et pleurs à foison, le film se limite à un portrait plus simple, plus intimiste, la grandiloquence laissant ainsi place à un désarroi terriblement humain face à la logique implacable de la situation. Le film ne cadenasse pas ses acteurs aux limites de son propre scénario ; au contraire, ce sont eux qui élèvent un écrit somme toute banal au premier abord, et c'est peut-être là que réside la plus grande force de ce film : les effets stylistiques y sont bannis au profit de la spontanéité qui amène l'émotion.
Entendons-nous, la mise en scène de Noah Baumbach ne restera sûrement pas dans les annales (comme en atteste, déjà, son absence de nomination aux Golden Globes). Mais qu'importe. Le vrai pouvoir du film réside ailleurs ; Baumbach est finalement le témoin (avéré, puisque ce film est inspiré de sa propre séparation avec Jennifer Jason Leigh) de son récit, et cette osmose apporte finalement un sens plus profond à cette épreuve : l'effacement de son travail est à l'image de l'effacement de ses personnages. La caméra, d'abord errante, comme cloué au sol, ne va finir par devenir aérienne que lorsque nos deux protagonistes auront retrouvé leur oxygène et redéfinit des bases ; car là où la justice impersonnelle divise pour des questions subalternes, Baumbach préfère lui se concentrer sur ces rares moments, trop souvent mis de côté, où les souffrances intérieures s'extériorisent par des pleurs, des cris ou certaines attentions ; il en va ainsi de la triste réalité de nos divorces, ainsi de l'amère histoire de nos mariages.
Un peu de tendresse dans le drame - © NetflixDrame intimiste et magnifique, Marriage Story prouve bien là la force des intentions : simple mais jamais simpliste, le film est surtout porté par un duo d'acteurs absolument incroyable, hissant le film à des hauteurs qui dépasse le cadre du banal film à récompenses. Car Marriage Story est au-dessus de ça : il nous conte la réalité au lieu de l'altérer ; il nous montre la vie au lieu de la fantasmer. C'est finalement là qu'est la plus grande réussite : à force de ne voir que des artifices bons à faire le buzz sur les réseaux sociaux, Hollywood (et Netflix) a trop souvent oublié ce qui fait la grandeur du septième art : l'authenticité d'une oeuvre est souvent gage de réussite, et le succès annoncé de Marriage Story en est une énième preuve.
Note 9/10Pour visionner Marriage Story, cliquez iciOeuvre portée par des très grands Adam Driver et Scarlett Johansson, Marriage Story est une merveille d'humanité. Dans un oeil humaniste, Baumbach nous offre un portrait intimiste et pudique sur la douleur de la séparation, à un niveau que l'on avait guère vu depuis Kramer contre Kramer.