L'Etoffe des Héros (1983) de Philip Kaufman

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après des premiers films comme "La Légende des Jesse james" (1972) et "Les Seigneurs" (1978), le réalisateur des futurs "L'Insoutenable Légèreté de l'Être" (1988) et "Henry and June" (1990) se lance dans un projet très ambitieux avec une saga historique encore toute récente. Pour se faire il adapte le livre éponyme (1979) de Tom Wolfe, écrivain et chroniqueur américain qui a durant des années recueillis les témoignages et documents des pilotes et de leurs épouses qui ont oeuvré pour la conquête spatiale, du franchissement du Mur du Son le 14 octobre 1947 jusqu'à l'ultime vol de la série Mercury le 16 mai 1963. Philip Kaufman signe aussi le scénario de son film pour lequel il aura fallu une durée de 3h07 pour retracer cette quête où les pilotes d'essais vont devenir les premiers astronautes américains dans un contexte de Guerre Froide...

On suit d'abord Chuck Yeager, héros de 39-45 qui va devenir le premier à franchir le Mur du Son. Peu de temps après, les russes ayant réussit l'exploit les américains se lance dans la guerre à la course aux étoiles et cherchent donc les futurs astronautes chez les pilotes d'essai. On suit ensuite les entrainements et les avancées qui vont amener aux programme Mercury... Pour le casting il a été fait appel à des acteurs connus mais qui ne sont pas encore de stars pour la plupart, sans doute pour faciliter l'incarnation de ces héros qui sont encore en vie pour la plupart d'entre eux lors du tournage. Le cinéaste retrouve après "L'Invasion des Profanateurs" (1978) ses acteurs Veronica Cartwright vue également dans "Alien le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott, et Jeff Goldblum ce dernier retrouve aussi Scott Glenn après "Nashville" (1975) de Robert Altman et qu'il retrouvera dans "Silverado" (1985) de Lawrence Kasdan. Dennis Quaid retrouve sa partenaire Pamela Reed après "Le gang des frères James" (1980) de Walter Hill. Fils de Richard, Ed Harris n'est pas encore dans les profondeurs de (1989) de James Cameron, Fred Ward a juste été remarqué dans "L'Evadé d'Alcatraz" (1979) de , Lance Henrikssen va marqué en incarnant notamment Bishop dans (1986) de James Cameron et (1992) de David Fincher, Barbara Hershey a été "Bertha Boxcar" (1972) pour Martin Scorcese, et enfin Sam Shepard s'est lancé comme scénariste de "Zabriskie Point" (1970) de Michelangelo Antonioni et a été vu dans "Les Moissons du Ciel" (1978) de Terrence Malick... D'emblée on aime l'atmosphère, tourné avant tout comme un film d'aventure avec cette dose de nostalgie bienvenue, mais une nostalgie aux souvenirs heureux. Le film débute rapidemment en entrant dans le vif du sujet avec ce franchiseement du Mur du Son et cette effervescence qui va aller toujours plus forte, petit à petit. On aime aussi la façon dont on fait connaissance avec les personnages, sans que ce soit rébarbatif ou trop explicatif. Par là même, si on entre un peu dans l'intimité de certains ce n'est jamais trop long ou trop ennuyeux. Par contre, on s'aperçoit que le film a deux défauts ; le premier, on nous montre trop vite le franchissement du Mur du Son par Chuck Yeager, partie courte et sous-exploitée, le second c'est qu'en suite tout est basé sur Mercury, (donc une ellipse importante de 10 ans !?) avec de nombreux passages similaires puisqu'on nous montre chacun des voyages en solitaire.

Heureusement il y a assez d'événements pour meubler un récit qui reste captivant de bout en bout. Sur le fond le film a aussi vocation à être ludique même si c'est évidement très orienté patriotisme américain. Les recontitutions sont sublimes, d'autant plus quand on utilise des images d'archives. Néanmoins, on notera que la dimension politique (Guerre Froide) est un peu laissé en arrière-plan alors qu'elle est un paramètre essentiel de la quête de l'espace. Quelques séquences sont écourtées ou découpées de façon peu compréhensibles comme le retour catastrophe de John Glenn/Ed Harris dont on ne voit pas l'atterrissage. Philip Kaufman signe un film très fidèle au livre mais il y a tout de même quelques modifications ; légères, par exemple dans les faits Yeager s'est crashé après le vol ultime de Cooper et non pas quasi simultanément, et non il n'a jamais volé sans autorisation. Excusables, en effet le livre étant sorti en 79 et le film en 83, il ne peut faire état du dernier vol de John Glenn en 1998 et de la mise hors de cause de Grissom en 1999. Plus inexcusables, le lien onirique complètement imaginaire entre aborigène et les lucioles... Avec un budget de 27 millions de dollars, le film sera un échec commercial en engrageant que 22 millions au box-office mondial dont 640000 entrées France, mais le film sera pourtant acclamé par la critique et obtiendra 4 Oscars (tous techniques). Philip Kaufman signe là une fresque épique dense et fascinant, un bel hommage à ces pionniers de l'espace malgré quelques choix narratifs contestables. A voir et à conseiller.

Note :

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