Après "Dalton Trumbo" (2016)", le réalisateur Jay Roach quitte définitivement son domaine de prédilection, la comédie, pour s'intéresser à un scandale qui peut être considérer comme l'affaire n°1 à l'origine des futurs affaires sexuelles qui vont bousculer le monde après l'affaire Harvey Weinstein. De "Austin Powers" (1997) à (2012) en passant par "Mon Beau-Père et Moi" (2000), Jay Roach s'offre cette fois une histoire ancrée dans son temps et dans l'actualité d'aujourd'hui. Le scénario est quant à lui signé de Charles Randolph, déjà rompu à ce genre avec les excellents "La Vie de David Gale" (2003) de Alan Parker et "The Big Short" (2015) de Adam McKay... En 2016, dans les locaux de la chaîne TV très conservatrice de Fox News, on suit le destin de trois femmes, deux journalistes stars de la chaîne Gretchen Carlson et Megyn Kelly, ainsi qu'une jeune ambitieuse. Après que Gretchen Carlson dépose plainte pour harcèlement sexuel contre Roger Ailes (Tout savoir ICI !), patron de la chaîne, le scandale explose... Sur les trois personnages féminins principaux seule celui de Kayla est fictif, le scénariste explique : "L'histoire de Kayla est celle que l'on entend le moins souvent ; celle de la femme qui cède à un harceleur, c'est à travers elle que l'on voit ce que cela signifie dans une vie. Je ne voulais pas faire porter ce fardeau à une vraie personne, j'en ai donc fait un personnage fictif.". A noter que Roger Ailes a eu droit à un biopic, la série TV "The Loudest Voice" (2019) avec Russell Crowe...
Le rôle de Megyn Kelly est incarnée par la sublime Charlize Theron vue récemment dans "Séduis-moi si tu peux" (2019) de Jonathan Levine, et qui est particulièrement investie dans ce projet en tant que co-productrice et en acceptant de jouer un rôle dont elle n'apprécie pas forcément la vraie Megyn Kelly, journaliste controversée sur d'autres sujets. Le maquillage qui sert à ressembler un peu plus à Megyn kelly a aussi eu pour effet de faciliter le jeu de l'actrice afin de se détacher de la journaliste. Gretchen Carlson est incarnée par Nicole Kidman vue récemment dans "Le Chardonneret" (2019) de John Crowley tandis que Kayla est interprétée par la magnifique Margot Robbie vue dans "Once Upon a Time... in Hollywood" (2019) de Quentin Tarantino. Dans des seconds rôles on reconnait Malcolm McDowell qu'on avait pas vu depuis "American Satan" (2017) de Ash Avildsen, puis une employée pas vraiment à sa place jouée par Kate McKinnon vue dernièrement dans (2019) de Danny Boyle. Dans le rôle ingrat du grand méchant loup on trouve l'impeccable John Lightgow vu dans (2019) de Nisha Ganatra et "Simetierre" (2019) de Kevin Kölsch et Dennis Widmyer... Le prologue du film nous plonge dans les coulisses d'une grande chaîne de télévision américaine, et pas la moindre puisqu'il s'agit aussi d'un bastion le plus conservateur de l'Amérique et reste donc politiquement très dirigé à droite. Outre le scandale sexuel donc, le film s'engage en filigrane également dans un pamphlet politique. En gros, si on travaille à Fox News il faut être sur la même longueur d'onde politiquement parlant. Ainsi on comprend un peu mieux les réticences de Charlize Theron vis à vis de Megyn Kelly qu'elle incarne, et on s'aperçoit que le personnage secondaire joué par Kate McKinnon est tout sauf anodin. Une réplique du film fait alors soudainement sens : "quand on lâche le gouvernail, il tire immanquablement à gauche" !... C'est à la fois le point fort du film et son défaut. Le point fort car Fox News reste un bastion politique fort et qu'il permet un point de vue audacieux qui évite l'écueil du manichéïsme, mais ensuite il devient un enjeu à part entière qui parasite l'affaire sexuelle : on tombe soudain dans l'arroseur arrosé et/ou se tirer une balle dans le pied.
En effet, sur l'affaire elle-même on constate que les victimes sont montrées avant tout comme des femmes aux dents longues, hyper ambitieuses, prêtes à tout pour réussir, à savoir il n'a pas fallu grand chose pour que ces femmes cèdent au vieux libidineux ! Le film sous-tend de surcroît qu'en plus elles sont de Fox News, ce qui font d'elles des femmes aux idées politiques pas assez à gauche ! Ces femmes, bien que victimes, se retrouvent donc en femmes vénales ce qui se confirment plus ou moins avec Gretchen Carlson dont l'accord final ne lui a pas permis de collaborer avec Nicole Kidman entre autre. Un autre personnage, journaliste féminin, explique parfaitement qu'elles acceptent car ça arrange tout le monde et que finalement elles n'ont pas à avoir de regret. Tout ces sous-entendus plus ou moins discrets discréditent forcément le fond du problème ce qui est tout aussi maladroit dans la forme. Le film se prend donc un peu les pieds dans le tapis. Et pourtant Jay Roach signe un film passionnant, toujours sous tension avec de vraies prises de risques. Outre les thématiques politiques, sexe et ambition la mise en scène est inspirée quitte à mettre mal à l'aise le spectateur comme cette scène d'entretien entre Kayla et Roger Ailes où on se pose malgré nous en voyeur. Les performances des actrices s'imposent d'elle-même, victimes certes mais fortes et déterminées même si Gretchen Carlson semble finalement et simplement une vénale opportuniste. Jay Roach signe un film sans doute maladroit mais d'une audace qui force le respect, porté par des actrices éblouissantes et un scénario qui place Fox News comme un chaudron à tout point de vue. Malgré ses maladresses, ce film reste sincère dans son propos et la violence n'en est pas moins effroyable. A voir et à conseiller.
Note :