Lorsque la situation conflictuelle est bien établie dans l’esprit de l’auteur, elle peut être renforcée en créant la relation irréductible qui unira les deux forces opposées en une seule lutte. Cette relation forme une identité, une unité.
La plupart du temps, cette unité se voit entre l’antagoniste et le protagoniste, deux fonctions essentielles du récit. Elle peut aussi concerner d’autres fonctions. Nous pourrions par exemple vouloir un conflit entre le protagoniste et son mentor.
Un lien permanent
Cette unité détermine une forme quelconque quant à la relation. Ce qui importe, c’est qu’elle lie deux personnages qui s’opposent. Et cette opposition ne crée pas de la distance entre eux. Elle les rapproche et les force incessamment à agir et à interagir l’un contre l’autre. Il n’y a pas de compromis possible.
Le compromis détruit la relation. Or celle-ci doit se maintenir pendant toute la durée du récit jusqu’au climax, l’ultime rencontre avant le dénouement.
Seul un changement dans la situation dramatique ou bien une prise de conscience chez l’un des deux personnages en conflit (comme conséquence de ce qu’il a antérieurement vécu dans l’intrigue) peut faire cesser le conflit.
Lorsqu’il y a cessation de cette relation conflictuelle, l’histoire se termine.
Protagoniste et antagoniste sont des fonctions. Ils sont en fait des êtres de fiction avec des personnalités, des failles qu’il leur faut combler, des joies et des peines. En un mot, ils sont des êtres vivants.
Ce sont ces êtres fictifs qui seront utilisés dans la relation conflictuelle et non leur fonction respective d’antagoniste et de protagoniste.
Ils peuvent être similaires dans leurs traits généraux mais, cependant, positionnés chacun sur l’un des aspects du conflit. C’est ce motif que nous avons dans Mr. Et Mrs Smith de Simon Kinberg et Doug Liman.
Un motif récurrent néanmoins est celui où les deux personnages sont foncièrement différents. Ils ont même des personnalités diamétralement opposées et des volontés respectives aux antipodes. Ils sont néanmoins comme soudés dans une même situation par un même problème ou un même but.
C’est le cas de Carolyne et Lester dans American Beauty ou de Belloq et Indy dans Les aventuriers de l’Arche perdue. Tous ces personnages veulent posséder une chose qui ne se partage pas.
Une mort symbolique
Le conflit ne peut cesser souvent que par la mort de l’un des deux personnages. En fiction, cette mort peut être physique ou symbolique, la rédemption par exemple, amenant un nouveau devenir, une renaissance ou plutôt une recréation de l’être du personnage.
Cette mort symbolique peut être la destruction d’un trait dominant ou d’une qualité qui minaient le personnage de l’intérieur. Par exemple, juste avant le climax, le personnage pourrait intégrer une blessure comme la perte d’un être aimé.
Habituellement, le personnage connaîtra une grave crise personnelle dont il ne pense pas (et le lecteur non plus d’ailleurs) qu’il pourra s’en sortir.
Cette crise profonde incitera néanmoins le personnage à prendre sur lui, à trouver en lui des forces insoupçonnées pour se relever et affronter enfin son ultime adversité lors du climax.
Prenons Brad dans J’adore Huckabees par exemple. On peut dire de lui qu’il est la quintessence du jeune homme ambitieux. Son conflit avec Albert occupe toute l’intrigue et ce sont les diverses circonstances de cette intrigue justement qui le pousse à confronter la vanité et les faux-semblants de sa propre vie.
C’est alors qu’il en prend conscience et qu’il décide sincèrement d’en changer.
Bien sûr, l’auteur peut considérer la mort véritable comme dans La guerre des Roses par exemple. On constate généralement que le thème de la famille crée des relations conflictuelles qui existent avant l’histoire ou se découvrent au cours de celle-ci alors que l’amour aura tendance à rapprocher des êtres qui sont déjà en conflit lorsque l’histoire débute.
Des situations conflictuelles claires renforcent l’intrigue en lui donnant une légitimité sur les raisons spécifiques de l’interaction entre deux personnages.
Le conflit sera vivace jusqu’à ce que quelque chose de significatif change dans la relation conflictuelle qui les unit. Cette relation nourrit le conflit et explicite aussi ce que les personnages doivent céder pour que le conflit prenne fin.