Mythes & archétypes

Par William Potillion @scenarmag

Ce que nous appelons mythes fut un effort pour expliquer le monde et ses phénomènes parfois transitoires. Notre imagination a opéré tant bien que mal un lien entre notre monde intérieur et le monde extérieur, un peu comme si nous tentions d’assembler les pièces d’un puzzle.

Lorsque les images ainsi formées donnèrent un peu de sens dans les deux mondes à la fois, elles furent alors conservées et étendues de manière à former toute une diversité de cosmologies en apparence différentes mais, sous un œil attentif, aux nombreux éléments communs.

La création des mythes est l’aboutissement d’un questionnement. Les mythes aidèrent les hommes et les femmes de notre monde à se rapprocher de leur réalité, à donner du sens au quotidien.
D’abord transmis oralement de génération en génération, ils furent ensuite écrits. Certains mythes oraux ont d’ailleurs probablement disparus entre le moment de leur oralité et leur éventuelle transcription sur un quelconque support.

L’évolution des mythes

Il semble que les mythes soient soumis eux aussi aux lois de l’évolution, que les plus forts d’entre eux aient survécu. Ceux qui sont devenus des croyances ont été renforcés au fur et à mesure que l’expérience humaine comblait ses lacunes.
Et d’autres ont été oubliés peut-être parce qu’ils ne faisaient pas assez la lumière sur nos conduites à tenir ou sur notre conscience morale.

Certains éléments ou thèmes sont apparues très tôt parce qu’ils relevaient de ce que les êtres primitifs observaient de leur environnement. Mais les rêves leur fit prendre conscience que quelque chose existait hors de notre portée, hors du monde que nos corps habitaient. Ainsi, des mythes décrivirent des mondes d’au-delà nos sens.

On se souvenait des êtres disparus comme s’ils étaient encore à nos côtés. Alors des mythes racontèrent ce qu’il advenait de nos ancêtres après qu’ils soient devenus poussière.

D’autres mythes racontèrent comment l’enfant devenait adulte, d’autres encore explicitaient les destinées agréables ou malheureuses des êtres bénis ou maudits.

La cité terrestre et son fardeau souleva de nombreuses questions. Le ciel au-dessus de nos têtes tout autant. Les mouvements du soleil, de la lune et des étoiles et leurs qualités si singulières firent l’objet de mythes en guise d’explications.

Et le mystère qui sollicitait toutes ses interrogations se présenta enfin en force : d’où tout cela pouvait-il bien venir ?

Y a t-il eu un commencement ? Et si cela est vrai, qu’est-ce qui en fut la première cause, le principe ? De quelle femme est né le premier enfant ? Et d’où venait-elle ? Et quel est cet homme dont la première semence permit cet enfant ? D’où venait cet homme ?

D’où vient cette lumière qui illumine nos matins ?

C’est à ce défi que répondirent les mythes. Il faut l’avouer certains d’entre eux le firent avec une telle force et conviction qu’ils assurèrent leur pérennité pendant des siècles. Certains d’entre eux sont encore parmi nous. Et certes, certains mythes ont aussi prévu la fin des temps.

Les mystères de la vie

Lorsqu’on examine les mythes comme d’anciennes explications possibles pour les mystères que recèle la vie, des modèles apparaissent. A travers les cultures et les époques, les mythes décrivent des systèmes de la vie mondaine telle que l’expérience humaine l’éprouve. Ceci peut expliquer que si les termes changent, souvent les structures de ces mythes sont similaires.

Toutes les interrogations des êtres primitifs trouvaient réponse dans les mythes et comme ces êtres primitifs se ressemblaient, ils se posaient plus ou moins les mêmes questions sur la nature et leur environnement.
Avec le temps, les questions devinrent plus nombreuses et les réponses encore plus complexes.

Les mythes apportaient réconfort et surtout le sentiment que la vie avait un sens. C’est un besoin de l’esprit humain de trouver de la signification en tout. Et c’est précisément une faculté de cet esprit humain de créer ce besoin.

Les mythes sont des récits. Quelles que soient nos croyances, nous pouvons les considérer comme des récits de fiction. Ainsi, ces histoires ont non seulement des thèmes mais aussi des personnages. Ces êtres de fiction n’agissent pas de façon erratique. Ils sont motivés. Et leurs motivations se ressemblent faisant d’eux non pas un type de personnage singulier mais plutôt des archétypes.

Dans la Grèce antique, ces archétypes étaient des modèles desquels les choses prenaient leurs formes ou se déclinaient en différentes versions mais fondées sur un même prototype.
Platon prétendait que derrière la réalité du monde se tenaient des formes idéales (dénommées idées ou formes dans la littérature) et que les choses du monde découlaient ou émanaient des idées.

C’est Carl Gustav Jung qui popularisa le concept d’archétypes tel que nous l’employons dans les mythes et nos fictions dès 1919. Il mit au jour des modèles dans le folklore, les mythes et les arts.
De ces modèles, il élabora plusieurs types symboliques, c’est-à-dire des personnages en fait dotés de certaines significations singulières.

Il rapprocha ces significations essentielles aux différents aspects de la mentalité humaine qui nous caractérise parmi toutes les espèces animales. Jung prétendait que ces archétypes se reconnaissent à travers l’histoire et les cultures. Les archétypes feraient même partie de notre génome humain. Ainsi, en étudiant les archétypes, nous pourrions apprendre à nous comprendre.

Des personnages dramatiques

Bien sûr, l’approche de Jung fut critiquée. Et les critiques elles-mêmes critiquées. Rien que du très normal. Néanmoins, les archétypes définis par Jung trouvèrent un usage parmi les personnages et les rôles dramatiques. Ces personnages ont bien entendu passionnés des générations entières de lecteurs et de spectateurs.

Certains de ces archétypes sont facilement reconnaissables dans les personnages récurrents de l’histoire littéraire : le roi, la mère, le sage, le héros, le méchant… et d’autres. On ne saurait dire si les archétypes existaient avant l’art dramatique ou si l’art dramatique les a intégrés afin de captiver son auditoire. C’est une question qui intéresse peu l’auteur.

Il importe peu aussi à l’auteur que l’anthropologie nous rappelle que la vie humaine s’articule autour de certains rôles sociaux depuis que nous avons appris à utiliser notre cerveau. La chose qui compte est qu’il y a des mères, des pères et des enfants. Et qu’il y a aussi des chefs, des conseillers, des prêtres et des guerriers, des héros et des lâches, des adeptes, des agitateurs, des artistes et des rêveurs, des vagabonds, des chasseurs, des amants… et ainsi de suite. Prenez un peu de distance avec les personnages de Game of Thrones et vous reconnaîtrez nombre de ces archétypes.

Ce qu’il faut comprendre est que chacun d’entre nous possède quelques traits de tous ces archétypes et c’est ainsi que l’archétype sur lequel se fonde un personnage de fiction se révèle un être fascinant et non un stéréotype navrant.

Psychologie et drame fonctionnent de pair pour nous donner des personnages fascinants. Les mythes sont remplis de tels personnages aux traits bien marqués. Quant à ceux qui excellent selon leur archétype, ils sont dénommés des dieux dans la mythologie.

Pour compléter cet article, je vous renvoie à la catégorie ARCHÉTYPES.

PERSONNAGE : MARSELLUS WALLACE (PULP FICTION)