Campbell : les profondeurs du temps

Par William Potillion @scenarmag

En 1959, Joseph Campbell publie The Masks of God : Primitive Mythology. Une œuvre qui devait permettre d’établir une science expliquant et démontrant qu’il existait non pas une multitude de mythes aussi divers que différents les uns des autres (et surtout sans aucun rapport) mais qu’il s’agissait plutôt d’une mythologie avec des lois (d’où l’intérêt d’en faire une science) démontrant une histoire spirituelle de l’humanité.

Cette histoire spirituelle remonterait à des temps immémoriaux.

Joseph Campbell a du s’expliquer sur certains thèmes qu’il utilisait en particulier ceux relatifs aux questions de race. D’abord, Campbell a dit s’être fondé sur la culture indo-aryenne qui s’est elle-même ethniquement désignée aryens ou Arya par les Indo-Iraniens.

Joseph Campbell s’est inspiré de cette culture car historiquement, elle connut une très large distribution mondiale. La polémique autour de ce terme de race employé par Campbell est relative aux références qu’il fait à Arthur de Gobineau, à Houston Steward Chamberlain entre autres qui définirent des catégories raciales à la funeste destinée.

Campbell n’a vraiment retenu que cette dispersion très ancienne (et c’est cela la chose qui compte) de cette ethnie Indo-Iranienne. Et il s’est lui-même enthousiasmé de cette constellation d’individus très productive, philosophiquement mâture qui a profondément marqué l’histoire de la civilisation.

Donc la notion de race chez Campbell suppose une profondeur temporelle qui sert son propos qui se constitue autour de la notion de l’individu répondant de manière instinctive selon des tendances innées modelées d’après sa race lorsque cet individu reçoit des signaux spécifiques de son environnement ou de sa propre espèce (chaque espèce animale possède ainsi des tendances innées).

Le temps : un puits sans fond

Joseph Campbell aimait citer Thomas Mann. Il le cite pour traduire l’image que les fondations de l’humanité, son histoire et sa culture, s’avèrent impénétrables.
Plus nous cherchons à sonder les profondeurs du temps, et plus celles-ci semblent s’enfoncer davantage.

Comme si notre finitude (dont nous ne devons pas avoir honte) ne nous autorisait pas à apercevoir l’infini.

Campbell est un chercheur. Et il s’interroge sur les origines des mythes et des rituels. Une approche serait d’explorer les aspects psychologiques de la question. Peut-on déceler une structure ou bien des tendances ? Joseph Campbell insiste sur la primauté psychosomatique (à la fois le corps et l’esprit) avant de s’intéresser aux preuves archéologiques et ethniques.

Selon lui, ces preuves archéologiques et ethniques devraient permettre de découvrir ces modèles de l’idéation mythologique originelle dont notre imaginaire collectif (Campbell apprécie les travaux de Jung) s’est largement imprégné.

L’histoire de l’humanité ne se limite pas à celle des civilisations. Il faut appréhender les traces d’avant les civilisations pour comprendre par exemple une danse rituelle.
Et se demander si cette danse rituelle qui appartient en propre à une communauté n’aurait pas laissé des tendances innées pour répondre aux signes de son environnement et de sa propre race (d’où la polémique inutile).

Pour Joseph Campbell, la mythologie est une science qui doit être exhaustive des expériences humaines autant primitives, qu’historiques et modernes. La mythologie primitive (puisque c’est elle qui est concernée par ce volume de la série de Masks of God) ne peut être la protase d’un sujet plus vaste et plus important qu’elle ne ferait qu’introduire.

La mythologie primitive même si elle s’avère insaisissable constitue la fondation. Nous ne pourrons jamais l’embrasser dans sa totalité. Pour Shakespeare, le temps est un abîme enténébré. Et comme il fallait bien que Campbell pénètre cette mythologie dont il souhaitait faire une science, il a d’abord posé l’aspect racial pour trouver des indices des plus profonds secrets des cultures autant orientales qu’occidentales.
Ces indices lui ont alors permis de révéler nos aspirations individuelles, nos comportements stéréotypées et nos peurs les plus obsédantes.

Des hypothèses

Certes, Joseph Campbell emploie volontiers le terme de science. Pourtant, il sait les limites de son sujet d’étude et nuance son discours en avertissant que ses recherches ne sont que des hypothèses.

Ces hypothèses serviront à pointer vers des sources qui révéleront alors peut-être quelques vérités.

Dans l’histoire de l’humanité, la pensée mythique s’est très tôt emparée des hommes. Elle fut d’une importance capitale dans la vie des femmes et des hommes et d’un point de vue individuel autant que collectif. Cette pensée concerne l’être humain des temps primitifs comme celui des temps les plus modernes.

Pour Campbell, bien que l’être humain ait évolué, qu’il soit devenu mâture au fil du temps, un certain souvenir s’est maintenu au fil des âges. C’est ce souvenir que Campbell s’est proposé de rencontrer.

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