[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #2. Clair de Lune

[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #2. Clair de Lune

Photo by ABC Photo Archives/ABC via Getty Images - © American Broadcasting Companies, Inc.


Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa).
Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande.
Prêts ? Zappez !!!


[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #2. Clair de Lune

#2. Clair de Lune/Moonlighting (1985-1989)
C'est assez ridicule à dire et pourtant, la télévision US des années 80 n'a pas uniquement été peuplée de philanthropes à moustaches, de voitures parlantes, d'extraterrestres poilus mangeurs de chats, d'hélicoptères (voire motos) vengeurs, de papa homme à tout faire génial ou même de soldats fugitifs incarnant la dernière des chances en cas de gros soucis; cette télé etait beaucoup, beaucoup plus que cela.
Dans une proposition assez marquée (les chaînes étaient déjà inondées à l'époque, aujourd'hui c'est infiniment pire) de cop show plus ou moins inspirés, une s'est imposé autant sur les ondes que dans les mémoires, en proposant sa propre interprétation du genre policier, quitte à gentiment s'en moquer en arguant, à raison, que le giron avait déjà été abordé depuis des lustres sous toutes les coutures, et que le spectateur en avait assez.

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Photo by ABC Photo Archives/Walt Disney Television via Getty - © American Broadcasting Companies, Inc. - Image courtesy gettyimages.com


Véritable loup séduisant dans la bergerie, la merveilleuse Moonlighting créé par Glen Gordon Carson (déjà derrière Remington Steel, constamment comparé - à tord - avec la série), se différenciait du peloton en se concentrant davantage sur l'interaction entre ses personnages que sur la résolution des crimes, faussement ordinaire mais très souvene emprunt d'une douce folie (un exemple qu'aura le bon goût de suivre deux décennies plus tard, la beaucoup trop courte Pushing Daisies, son plus bel héritier).
C'est simple, pendant les deux premières saisons - les meilleures du show -, les scénaristes tout comme le public, ne s'intéressaient qu'à une seule chose : savoir si les deux héros allaient enfin s'embrasser et succomber à l'alchimie électrique qui animent leurs collaborations.
Car tout le sel de Clair de Lune résidait là, dans la relation savoureuse et jouissive entre David Addison et Maddie Hayes, à tel point qu'au moment ou les scénaristes ont la faiblesse de les rapprocher pour de bon, au coeur d'une saison 3 fourre-tout et bordélique (tiraillée entre des épisodes spéciaux, des absences répétées de son duo vedette,...), le désintérêt du public pour la suite de leurs aventures est devenu un véritable cas d'école : le « Moonlighting Curse », une malédiction loin d'être anecdotique, qui frappera tous les shows reniant le concept de tenir en haleine son auditoire avec un jeu du chat et de la souris avec une tension sexuelle palpable, pour capitaliser sur une formation de l'union vedette (Madame est Servie, Lois et Clark, Une Nounou d'Enfer, Castle, Bones,...).
Pourtant, tout démarrait sous les meilleurs ospices avec une rigueur d'écriture et une irrévérence rare, et encore inégalées même à une époque moderne ou la télévision est réellement un champ de tous les possibles.

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Créée dans la contrainte (Carson était contractuellement obligé de créer un concept de série policière, il fera le choix de concocter un high concept supposément impossible à diffuser et encore moins susceptible de cartonner... monumentale mais belle erreur), on s'est pourtant instinctivement pris de passion dès les premières secondes pour la série, démarrant auprès de la belle Madelyn " Maddie " Hayes, une ex-mannequin qui à la suite d'un gros revers de fortune (son comptable se barre avec ses économies), se retrouve directrice d'une agence de détectives privés dénommée « Blue Moon », un achat pensé au depart comme un abri fiscal qu'elle voulait même liquider pour éviter la banqueroute.
Entre deux enquêtes complètement loufoques et difficilement rentables, elle entretient peu à peu des rapports affectifs ambigus et très conflictuels avec son charismatique collègue, David Addison, son égal dans l'agence même si elle reste officiellement sa supérieure.
Faussement obligés de travailler ensemble pour garder l'agence à flot mais sincèrement attirer l'un envers l'autre, ils vont s'occuper d'histoires que personne ne veut à Los Angeles, tout en étant deux non-détectives qui ne s'assument jamais vraiment comme tel...
Furieusement méta, explosion du quatrième mur fréquente (pour ne pas dire constante), humour savamment dosé et dialogues ciselés, intrigues faussement prétextes joliment charpentés (et ne résolvant pas toujours ses mystères... sans que cela nous pose le moindre problème) et articulées autour d'un concept simple mais à l'efficacité redoutable (forcer deux personnages principaux totalement différents l'un de l'autre, à rester et interagir ensemble), Moonlighting est un bonheur de tous les instants tant qu'elle laisse parler la tension sexuelle et l'alchimie criante de son couple vedette, incarné par deux comédiens impliqués et en parfaite symbiose avec leurs personnages.

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Pas forcément fou l'un de l'autre à la ville (cela se sent clairement à l'écran, ce qui décuple la puissance de leur rapport), Cybill Sheperd et Bruce Willis (hilarant, proposant les prémisses de ce que sera son John McClane) s'efforcent pourtant à tout faire pour que leur couple à l'écran fonctionne, des efforts on ne peut plus payant tant duo atteint des sommets inégalés durant les trois premières saisons, avant que la carrière galopante du second sur grand écran (coucou Die Hard) et le soutien relatif des fans, ne viennent atténuer le mojo du show et de ses scénaristes.
Véritable OFNI incarnant un vrai fruit de son époque (ah les 80's...), s'autorisant tous les délires possibles (premier show de l'époque à proposer un spectacle en noir et blanc, à demander à Orson Wells himself de présenter un épisode une semaine avant son décès,...), ne s'enfermant jamais dans son format de " detective show " d'épisodes en épisodes (on pouvait voir les comédiens démarrer un épisode en lisant des lettres de fans, ou en conclure un sur des chants de noël avec toute l'équipe, techniciens compris) et capable d'offrir une vraie galerie de personnages attachants ayant suffisament de lumière pour exister (Agnès Topisto en tête, campée par la géniale Allyce Beasley), la série est la preuve vivante que lorsque la télévision se permet de prendre des risques sans penser aux conséquences, il en résulte parfois de grandes choses et même clairement, des shows qui marquent son histoire (de nombreux shows lui doivent tout ou presque).

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Moonlighting est clairement une référence majeure en la matière, une étoile filante fugace (67 épisodes et cinq petites saisons) mais qui au plus fort de son existence, à illuminer les écrans comme peu en ont été capables.
Spoilers alert : elle n'a rien perdu de sa superbe, et la revoir ou la découvrir aujourd'hui, est même hautement conseillé.
Jonathan Chevrier

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