De Todd Haynes
Avec Mark Ruffalo, Anne Hathaway, Tim Robbins
Chronique : Le cinéma de Todd Haynes ne brille jamais autant que lorsqu’il s’empare de destins vibrants et romantiques (Carol, Loin du Paradis, Velvet Goldmine…). Alors c’est peu dire que le réalisateur se frotte à un genre assez éloigné de sa zone de confort avec Dark Waters. Il s’est lancé dans le tournage de ce thriller industriel et environnemental convaincu par l’engagement de Mark Ruffalo, qui lorsqu’il ne se transforme pas en Hulk, consacre depuis une décennie tout son énergie à défendre un cinéma engagé (Spotlight, The Normal Heart, The Kids are all right).
L’ acteur a donc eu la bonne idée de faire appel à la sensibilité de Todd Haynes pour narrer l’édifiant combat de Robert Bilott, un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques, qui va contre tout attente s’opposer au groupe le plus puissant des Etats-Unis et tenter de prouver que l’entreprise a sciemment caché la dangerosité de ses produits, en particulier le très répandu Téflon (Dark Waters est aussi très instructif si vous vous demandez comme moi pourquoi on vous dit de faire très attention avec les poêles Tefal depuis que vous êtes petit).
Une bataille de santé publique s’écoulant sur plus de 15 ans que Haynes capture admirablement en deux heures, avec mesure, pudeur, délicatesse et une grosse dose d’humanité. Elle se traduit par un film-enquête complexe mais limpide dans sa façon d’illustrer l’affrontement entre l’intérêt général et les intérêts financiers des grands groupes industriels, deux notions rarement compatibles.
La mise en scène de Haynes brille par sa sobriété tout en étant ample et variée, soutenue par une musique souvent anxiogène. Elle délivre des scènes puissantes qui mettent en lumière les dérèglements de notre société capitaliste et consumériste. Car outre le scandale sanitaire, Dark Waters montre aussi comment ces entreprises gardent les habitants de la région sous leur coupe en leur donnant un travail, en finançant les écoles et les œuvres de charité. Les attaquer, c’est mettre en péril un tissu social souvent fragile, aussi opaque soient leurs activités.
Mais Dark Waters n’est pas que politique, c’est également le portrait d’un homme qui va devoir se battre contre à peu près tout le monde pour faire triompher la justice : ses collègues qui craignent de se mettre à dos leurs clients, sa famille qui ne le voit s’intéresser qu’à cette enquête, et même les citoyens qu’il défend, qui craignent pour leur emploi si l’entreprise était amenée à fermer. Un destin sacrificiel que Haynes ne se prive pas d’éclairer sous un jour romanesque, ce qu’il maitrise à la perfection.
Dark Waters a beaucoup été comparé à Erin Brockovitch, avec un peu moins de panache et un peu plus de pédagogie, mais à raison, car la force du message est du même acabit
Ils démontrent qu’un film, aussi passionnant soit-il (et Dark Waters l’est) sert aussi à çà, à alerter et réveiller un peu les consciences. Remarquable.
Synopsis : Robert Bilott est un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Interpellé par un paysan, voisin de sa grand-mère, il va découvrir que la campagne idyllique de son enfance est empoisonnée par une usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région. Afin de faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets toxiques de l’usine, il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa propre vie…