Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La séductrice aux cheveux rouges » de Douglas Sirk.
« Mes cheveux sont vermillon. C’est comme une rousse mais en plus chaud »
Vermilion O’Toole est transportée dans un train pour être emprisonnée avec son ex partenaire, le bandit Newton Cole. Ils parviennent à s’échapper et se cachent dans la ville de Timberline. Vermilion, dont la beauté fait des ravages, se voit offrir une proposition de mariage par les fils de Will Hall, qui a récemment perdu sa femme. Pour rester à distance des US Marshals, elle accepte l’offre…
« Les hommes sont ce que les femmes en attendent »
Allemand d’origine danoise, Douglas Sirk connait un immense succès populaire dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres. Triomphant d’abord au théâtre comme metteur en scène durant la République de Weimar, il est ensuite contraint par le nouveau pouvoir en place nazi, qui lui reprochent ses sympathies socialistes et son mariage avec une actrice juive, de se faire une nouvelle virginité au cinéma. Profitant de l’exode de nombre de ses compatriotes vers Hollywood (Lang et après lui toute la génération en devenir des Ulmer, Siodmak, Wilder, Koster, Ophüls et consorts...), il s’imposera là encore comme la référence cinématographique allemande du moment, enchainant alors les succès (« La neuvième symphonie », « La habanera »). Mais il finira à son tour par prendre le chemin de l’exil en 1937. Un départ tardif, après avoir travaillé plusieurs années pour le régime en place, qui lui sera toujours reproché par ses compatriotes exilés dès 1933 et qui fera de lui durablement un paria à Hollywood. Mais c’est en tournant une série B antinazie avec un studio indépendant (« Hitler’s madman » en 1943) qu’il remet un pied à l’étrier. Le début d’un long chemin qui le verra renaitre de ses cendres et s’imposer au milieu des années 50 comme le roi du mélodrame flamboyant en Technicolor (« Tout ce que le ciel permet », « Demain est un autre jour », « Écrit sur du vent », « Le temps d’aimer et le temps de mourir », « Mirage de la vie »).
« C’est facile de deviner le passé d’une personne. C’est beaucoup plus difficile de deviner à quoi elle aspire »
Entre les deux, il tournera quelques polars de série B (dont une adaptation de Vidocq, « Scandale à Paris ») et surtout, une série de comédies grand public qu’il considèrera lui-même comme des « contes moraux » (« No room for the groom », « Qui donc a vu ma belle ? », « The lady pays off », « Week end with father »). Tourné en 1953, « La séductrice aux cheveux rouges » est ainsi le dernier film de cette série. Et l’un des rares films de Sirk à prendre pour cadre un univers de western. On y suit la romance improbable entre une entraineuse de saloon recherchée par les US Marshals et un honorable et séduisant pasteur veuf et père de trois jeunes enfants turbulents. Basé sur un roman de Richard Morris (« Flame of the Timberline »), « La séductrice aux cheveux rouges » joue sur la dualité de l’image de son personnage féminin qui apparait tantôt comme une putain et tantôt comme une parfaite femme au foyer. Mais loin d’enfiler des poncifs, tout le talent de Sirk est de transcender intelligemment son sujet et de le transformer en une comédie légère et virevoltante, dont les rouages scénaristiques, particulièrement malins, se révèlent particulièrement réjouissants. A l’image des trois petits diables qui jouent malgré eux les entremetteurs ou de la révélation tardive du héros quant à sa véritable profession. Le film sait même se faire transgressif le temps d’une bagarre au beau milieu de la messe. Mais comme à son habitude, Sirk esquisse en creux une critique assez acerbe de la société américaine, pointant notamment sa morale rigoriste (la religion, la pudibonderie) et ses contradictions (la sexualité qui reprend toujours le dessus). Porté par un duo d’acteurs épatants (Ann Sheridan et Sterling Hayden), « La séductrice aux cheveux rouges » se révèle être contre toute attente une comédie aussi pétillante que charmante.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Douglas Sirk : une relation imaginaire », passionnant entretien avec Denis Rossano, auteur de « Un père sans enfant » (60 min.), d’un portrait de Douglas Sirk par Jean-Pierre Dionnet, de Bandes-annonces et d’une Galerie photos.
Edité par Elephant Films, « La séductrice aux cheveux rouges » est disponible en DVD depuis le 20 janvier 2020.
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