Un projet de scénario ou de roman doit intéresser. Un concept intéressant va t-il contre la créativité ? S’adresser au plus grand nombre est-il proportionnel à la qualité ? Si l’on vise la masse, est-ce que l’on se condamne forcément à la médiocrité ?
Ce n’est pas tant d’intéresser un lecteur qui compte. Dans une fiction, on cherche d’abord à le divertir, à lui procurer un moment où il pourra s’échapper de son quotidien (que celui-ci soit passionnant ou morne, au reste).
Comme on écrit d’abord pour quelqu’un d’autre que soi, il est normal de vouloir que son écriture émeut celui ou celle qui vont la lire. Et ceux-là même veulent être émus.
Surtout, cela ne veut pas dire pour autant que de s’adresser au plus grand nombre, c’est se mettre sous la coupe de la démagogie, de la platitude.
A contrario, en reprenant des thèmes universels, vous tisserez votre propre point de vue, votre âme en quelque sorte avec ces thèmes reconnus, et en ferez quelque chose de forcément novateur car votre approche est unique. Elle est vôtre.
Un concept qui fonctionne
D’emblée, c’est le concept qui attire le lecteur. C’est le concept qui l’interpelle. Une histoire doit donc se démarquer immédiatement et pour que cela soit possible, il est présupposé qu’elle possède un concept suffisamment porteur.
Mais qu’est-ce qu’un concept ?
Un lectorat habitué à votre écriture ne se soucie guère de sa qualité. Pas immédiatement du moins.
Il est important de l’accrocher aussitôt. C’est donc l’auteur qui doit tirer le plus du potentiel de son concept. Et de faire en sorte que parmi la diversité des lectures possibles, la lecture de votre projet soit considérée.
C’est dans un deuxième temps que l’histoire sera découverte.
Et il ajoute qu’un concept est beaucoup plus stimulant lorsqu’il se demande Et si ?…
Selon Blake Snyder, un concept est la réponse à la question Qu’est-ce que c’est ?
Certes, la réponse peut être donnée en étant une référence à un livre ou à un film comme par exemple Cette histoire mêle Orgueils et Préjugés et Autant en emporte le vent.
Pour Snyder, ce peut être aussi simplement de décrire ce qu’il se passe dans l’histoire d’une manière concise et quelque peu provocante pour se saisir de l’attention du lecteur.
Syd Field confond le concept et le sujet de l’histoire. Et pour lui, un concept, c’est un personnage dans l’action, un personnage qui agit, par qui le scandale arrive en quelque sorte.
Retenez ces trois critères : une situation unique, une promesse de conflits et des émotions que le lecteur reconnaît (à défaut de les avoir éprouvées lui-même).
Certes, cela ne nous donne pas vraiment un point de départ pour écrire une prémisse. Il poursuit en disant qu’une description de la menace à l’origine du problème de l’histoire répond souvent à ce critère.
Michael Hauge est plus radical. Il estime qu’un concept peut s’exprimer en une phrase : C’est à propos d’un personnage qui veut faire quelque chose qui sera visible de tous.
Une prémisse en une ligne ?
Il n’est peut-être pas bon de penser à la prémisse comme au thème. En effet, la prémisse met en avant une prémisse mais toute l’histoire peut emporter avec elle plusieurs thèmes.
La prémisse est un résumé de ce qu’il se passe dans votre histoire. On peut l’écrire en une ou deux lignes voire quelques paragraphes.
La prémisse n’est pas non plus votre note d’intention. Une note d’intention sert à exprimer pourquoi vous avez écrit cette histoire.
Larry Brooks dit que le concept est amplifié (et non réduit) par la prémisse. Le concept est porteur d’un conflit. Et ce concept devient prémisse lorsque vous ajoutez un personnage dans l’équation.
D’après elle, le lecteur cherche à se reconnaître dans le personnage principal donc la prémisse serait de dire qui nous sommes (personnage principal et le lecteur qui s’identifie à lui), où nous sommes (le monde fictif dans lequel nous sommes censés évolués) et quel est le problème que nous rencontrons.
Pour John Truby, la prémisse, c’est l’histoire en une phrase. C’est alors une combinaison toute simple d’un personnage et d’une intrigue.
Concrètement, cela consiste en un événement qui lance l’action, un contour sommairement dessiné d’un personnage principal et un aperçu de l’issue de l’histoire (mais sans dévoiler la fin. On pose alors le problème comme une question).
Par exemple,
- Le parrain : Le plus jeune fils d’une famille mafieuse se venge des hommes qui ont tiré sur son père et devient le nouveau parrain.
- Éclair de lune de John Patrick Shanley et Norman Jewison : Alors que son fiancé rend visite à sa mère en Italie, une jeune femme tombe amoureuse du frère de l’homme.
- Casablanca : Un expatrié américain dur à cuire redécouvre une vieille flamme pour ensuite l’abandonner afin de pouvoir combattre les nazis.
La première phrase établit le personnage principal (1), la situation conflictuelle qui force le personnage principal à agir (2) et l’objectif à atteindre par le personnage principal (3).
La seconde phrase prend la forme d’une question (par exemple oui ou non le héros de l’histoire réussira t-il son entreprise ?) et présente l’adversaire (4) et la catastrophe ou les enjeux (5).
Il était une fois, dans un monde avec un problème, quelque chose est arrivé à quelqu’un, et ce quelqu’un décida qu’il devait poursuivre un but. Alors il conçut une stratégie en dépit des forces qui cherchaient à l’arrêter.
Il avait fait d’autres projets pour sa vie. Il a persévéré avec l’aide d’un compagnon parce qu’il y avait beaucoup de choses en jeu. Et alors que tout semblait perdu, un changement de perspective s’offrit à lui, lui ouvrant peut-être la voie vers la résolution du problème et la réalisation de l’objectif.
Et quand on lui offrit le prix pour lequel il s’était tant battu, il dût décider s’il devait le prendre ou non. En prenant cette décision, il combla un besoin créé depuis longtemps par quelque chose de son passé.
Le concept au cœur du récit
C’est le credo de Karl Iglesias. Selon lui, nous pouvons créer un héros légendaire, écrire des dialogues avant-gardistes et tisser notre récit de thèmes reconnus et passionnants, si nous n’avons pas un concept, quelque chose d’abstrait que nous allons nous efforcer de concrétiser, nous n’obtiendrons rien de bon.
Et Karl Iglesias est rassurant sur ce point. Le concept ne dépend pas du budget. Sundance en est une magnifique démonstration. Les œuvres présentées à Sundance possèdent une attirance singulière qui les rendent vraiment uniques.
Quelque soit son idée, son genre de prédilection ou les sujets dont on veut parler, le concept vous aidera à les concrétiser.
L’ORDONNANCEMENT DE L’ACTION & DE L’ÉMOTION