Un scénario avec une idée attrayante sera lu. Le lecteur découvrira des dialogues, des personnages, un récit captivant, il s’interrogera beaucoup moins sur l’idée qui sous-tend le texte mais confusément, il saura que ce scénario a du potentiel.
Vous avez donc besoin d’une idée. Et qu’est-ce qui différencie cette idée d’une autre qui aurait peut-être moins d’attrait pour un lecteur ?
Le concept
Trouvez l’idée dans le concept, c’est explorer celui-ci sur le plan émotionnel.
Pour Karl Iglesias, l’auteur se demande ce qu’il voudrait ressentir face à son idée. Comme nous sommes dans la fiction, on met en avant le conflit. Dans l’idée même du conflit, qu’est-ce qui peut attirer ?
D’abord, l’idée n’est pas le concept.
Pour s’en assurer, aucune précipitation dans l’écriture proprement dite de son scénario. L’idée doit mûrir. L’idée émane du concept. On doit donc réfléchir sur ce concept, l’examiner, devenir obséder par ce qu’il est. Puis on doit vérifier ce qu’il peut nous apporter. Et on devrait l’aimer.
Voici quelques concepts :
Le Flic de Berverly Hills : Un flic de Detroit plutôt tapageur et désinvolte envahit le monde policé de Beverly Hills afin d’enquêter sur le meurtre de son meilleur ami.
Ici, le concept porte sur le contraste et l’ironie. Habituellement, on se contente ou du contraste ou de l’ironie, mais Le Flic de Berverly Hills incarne les deux.
Quel meilleur flic placer dans l’univers obsédé par les règles de Beverly Hills que celui de la ville la plus anarchique du monde ? Le concept est la négation même du Serial Killer et c’est ce qui le rend passionnant.
Eternal Sunshine of the Spotless Mind : Afin de se remettre de son ex-petite amie, un homme décide de se faire effacer certains souvenirs. Mais au cours de la procédure d’effacement, il change d’avis. Et lui son ex petite amie doivent lutter maintenant contre le procédé d’effacement.
Charlie Kaufman passe au niveau supérieur avec ce concept : nous sommes à l’intérieur de souvenirs qui sont en train d’être effacés et nos deux personnages essaient de se cacher pour qu’ils ne puissent pas être effacés en même temps qu’eux.
C’est probablement la manière la plus brillante d’explorer une relation.
Very bad trip : Trois amis qui célèbrent un enterrement de vie de garçon à Vegas, se réveillent pour découvrir que le marié a disparu et n’ont aucun souvenir de ce qu’il s’est passé la veille.
En essayant de se souvenir de la débauche de la nuit précédente, ils doivent se déplacer dans tout Vegas pour retrouver leur ami et le ramener à temps pour le mariage.
C’est une prémisse classique de comédie (les enterrements de vie de garçon) que vous abordez d’une manière tout à fait inattendue (ne pas montrer l’enterrement de vie de garçon lui-même, mais se concentrer sur les conséquences).
Les enjeux (le marié disparu) et l’urgence (le mariage à Los Angeles) sont totalement organiques au concept et se fondent dans le récit.
Memento : Un homme souffrant d’une forme d’amnésie unique qui ne lui permet de se souvenir que de 8 minutes dans le passé, doit trouver qui a tué sa femme. En utilisant des tatouages pour ne jamais oublier les indices, on observe l’enquête qui commence à la fin du film et se termine au début.
L’inversion temporelle est un concept à elle toute seule. Et l’idée de se tatouer le corps comme des souvenirs gravés à l’eau-forte est particulièrement ambitieuse.
Inception : Utilisant une nouvelle technologie qui permet de pénétrer par effraction dans le subconscient, une équipe est engagée pour un contrat d’espionnage industriel afin d’implanter une idée dans la tête du président d’une firme concurrente.
L’idée de déplacer le concept du hold-up dans le monde du rêve, puis de créer de multiples niveaux de rêves, dont chacun déforme encore plus le temps, laisse place à quelques séquences qui rendent ce concept difficile à oublier.
L’idée
Alors qu’on peut prendre des thèmes qui ont la particularité d’être à la fois les mêmes et toujours à redécouvrir (une invasion extraterrestre par exemple, ou bien l’histoire tragique de Roméo et Juliette), l’idée doit apporter quelque chose de novateur.
L’auteur qui a quelque chose à dire possède un point de vue qui est sien sur ce quelque chose. Cette vision qu’il a s’écarte du stéréotype. On ne raconte pas une énième histoire sur la lâcheté par exemple. On explicite ce qu’est la lâcheté pour nous en l’illustrant avec le récit d’une fiction.
C’est un pouvoir que de raconter des histoires. Et pourtant, il faudrait que le lecteur ne soit pas trop désorienté. Il lui faut reconnaître les sentiments et les émotions. Il devrait se sentir en terrain connu et pourtant il le découvre.
Les idées nous assaillent à chaque instant, ne seraient-ce que nos souvenirs involontaires qui remontent soudain à la surface parce que le geste innocent d’un inconnu l’a évoqué malgré nous.
C’est une idée ou du moins un point de départ.
Ce qui est certain, c’est que nous n’aurons jamais le temps de développer toutes nos idées. Alors le choix est non pas l’idée en elle-même mais l’idée qui émane d’un concept.
On enchaîne les scénarios en disant : « Je l’ai déjà vu ». Il est important que l’auteur comprenne la valeur d’être singulier dans un média qui est rempli de similitudes.
L’idée tient en une phrase (peut-être deux si vous la développez en prémisse) :
Nebraska : Un père vieillissant, alcoolique, fait le voyage du Montana au Nebraska avec son fils dont il est séparé afin de remporter un prix d’un million de dollars dans le cadre du Mega Sweepstake Marketing.
Sixième sens :Un garçon qui communique avec les esprits cherche à obtenir l’aide d’un psychologue pour enfants en difficulté.
Le dernier survivant : Un homme se réveille pour se retrouver seul au monde. Dans une tentative désespérée de rechercher les autres, il n’en trouve que deux qui ont d’autres intentions.
Minority Report : Dans un futur où une unité spéciale de la police est capable d’arrêter les meurtriers avant qu’ils ne commettent leurs crimes, un officier de cette unité est lui-même accusé d’un meurtre qui n’a pas encore été commis.
Matrix : Un pirate informatique apprend de mystérieux rebelles la vraie nature de la réalité et son rôle dans la guerre contre ceux qui la contrôlent.
Selon Karl Iglesias, l’idée doit avoir quelque chose de familier. Dans Nebraska, c’est un père vieillissant et seul. Des enfants en difficulté dans Sixième Sens ou encore les problèmes d’interaction sociale dans Le dernier survivant.
L’accroche
L’accroche possède un caractère unique. Elle répond à notre besoin fondamental de recevoir de nouvelles informations ne serait-ce que pour nous sortir de notre quotidien. On veut être emmené ailleurs. Houston, nous avons un problème (Apollo 13) nous promet des lieux que nous ne connaissons pas et pourtant fascinants.
Un personnage comme Forrest Gump est un univers à lui tout seul et nous voulons en savoir plus sur lui. La plupart des grandes histoires nous emmènent dans des mondes passionnants et nous font découvrir la vie des autres, nous permettant de devenir intime avec eux.