Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 29 Mars au 4 Avril
Dimanche 28 Mars.
Papy fait de la Résistance de Jean-Marie Poiré sur France 2.
En 1943, les Bourdelle se voient eux aussi envahis par les Allemands, et se retrouvent logés à la cave. Le fils, GuyHubert, dissimulé derrière les traits d’un coiffeur homosexuel, est en fait Super-Résistant, sorte de Zorro du moment, et qui complote contre les nazis.
En cette période de confinement parfois anxiogène, il est bon de rire un bon coup. Avec ce long-métrage, le Splendid signe sa propre version de la Grande Vadrouille, empruntant énormément à ces comédies des années 60 et 70, le film s’appuie avant tout sur une distribution stellaire. Jacqueline Maillan dont la puissance comique éclipse tout, Jacques Villeret, Michel Gaabru, Jean Carmet tiennent à merveille compagnie à la troupe du Splendid. Après Le Père noel es tune ordure, Jean-Marie Poiré y prouve ses talents de réalisateur de comédie, techniquement splendide en apportant un certain soin à la reconstitution, c’est véritable son langage filmique qui donne aux répliques toutes leurs puissances. En cela, Papy fait de la Résistance demeure, aujourd’hui encore, le dernier grand film ayant réunie cette troupe et étant parvenu a affronter les affres du temps en étant intemporellement hilarante.
Mais aussi... Arte propose Le Deuxieme Souffle de Jean-Pierre Melville. Alors là c’est radicalement différent de Papy fait de la Résistance. Sorte d’immense cache-cache qui annonce le virage du cinéaste et les obsessions esthétiques qui parsèmeront la suite de sa carrière. Dans un certain minimalisme narratif, visant à éliminer les trames secondaires, Le Deuxieme Souffle est une œuvre sans temps mort, haletante, qui évite les bavardages inutiles, pour façonner un objet brut et sobre, prenant et déjà immense.
Lundi 30 Mars.
Arizona Junior de Joel et Ethan Coen sur Arte.
Hi, impénitent cambrioleur de supermarchés, passe beaucoup de temps dans la prison de Tempe en Arizona. Il y rencontre un jour Ed, charmante femme policière, dont il tombe éperdument amoureux. Terminé les braquages, il se marie et part pour l’usine. Hi et Ed voudraient un enfant, mais Ed est stérile. Or un jour des quintuplés font la une de la presse locale. Hi et Ed décident d’en voler un. Sur cinq, cela ne se verra pas trop.
Second film des frères, Arizona Junior est une affirmation du style Coenien. Mettant en scène la bêtise humaine tout autant que le vide sidéral trottant dans la tête des personnages, Arizona Junior est une vision quasi cartoonesque de l’Amérique. Dans une esthétique de véritable publicité qui annonce avant l’heure l’arrivée de Tarantino, les Coen offre une œuvre étrange, à l’énergie dévorante, mais qui contrairement à un Burn After Reading, se pare d’une sensibilité. Car dans ce grand-huis fait de dérision, Arizona Junior est une réflexion sur l’accessibilité du bonheur et de comment, quand on trouve la bonne personne on peut vivre les aventures les plus loufoques sans y accorder la moindre importance.
Jeudi 2 Avril.
3 h 10 pour Yuma de James Mangold sur France 3.
A la suite d’une attaque de diligence, le célèbre bandit Ben Wade passe par la ville de Bisbee où il est arrêté avec le concours fortuit d’un fermier, Dan Evans. Recherché pour ses hold-up et ses meurtres répétés, Wade doit être convoyé vers Contention, à trois jours de cheval, pour embarquer sur un train à destination de Yuma, où se trouve le tribunal fédéral. Contre une prime qui peut sauver son ranch, Dan Evans s’engage dans l’escorte qui doit accompagner le dangereux criminel…
Remake du film de 1957 réalisé par Delmer Daves, 3 h 10 pour Yuma était, comme tout exercice du genre, un projet casse-gueule. Pourtant, Mangold exécute sa partition avec une certaine maestria, parvenant au travers des parallèles avec le monde d’aujourd’hui à moderniser le western. Car, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le cinéaste se débarrasse de toute nostalgie, pour mieux étudier les codes et méandres du western afin de restituer au sein de son métrage tout l’esprit du genre. 3 h 10 pour Yuma est donc un film direct, dont le classicisme apparent n’est jamais préjudiciable. Car, là où certains auraient renforcé les scènes d’action afin d’offrir un spectacle revigorant ; Mangold préfère capter la complexité des relations intimes et donne à son œuvre quelques belles nuances et une subtilité a laquelle on n’aurait pas songé en débutant le film.
Thibaut Ciavarella