Disponible depuis le 20 mars dernier, la première saison de Validé (une deuxième est déjà en cours d'écriture) créée par Franck Gastambide, Charles Van Tieghem, Xavier Lacaille et Giulio Callegari est un véritable succès. Il faut dire qu'au-delà de sa qualité, la période se prête particulièrement bien à son visionnage. D'après une idée originale de Franck Gastambide la série décide de nous dépeindre les coulisses d'un pan du rap français : l'émergence d'une nouvelle vedette, son ascension, les obstacles qui se présentent devant elle, et tout le business qui entoure et parasite cette soudaine parenthèse dorée. Si le nom de Franck Gastambide nous a préalablement effrayés (soyons honnêtes, Les Kaïra, Pattaya et Taxi 5 ne sont vraiment pas notre came) nous devons bien l'avouer : nous avons été agréablement surpris. Retour sur cette première saison qui propose enfin quelque chose de beaucoup plus accessible, de mieux construit et de terriblement moins lourd que ce dont Franck Gastambide avait pris l'habitude à nos yeux, de réaliser jusqu'à présent.
Validé se focalise sur Clément, surnommé " Apash " ( Clément Hatik), un jeune habitué des petites embrouilles et divers trafics, rappeur à ses heures perdues. Par un concours de circonstances tandis qu'il livre de la drogue à l'employé d'une radio, l'opportunité va se présenter d'interpréter publiquement l'une de ses chansons ; dès lors sa vie va changer du tout au tout. Apash va non seulement décoller, mais également se faire un premier rival et ennemi : Mastar, son idole. Ce dernier ne voit en effet en Apash qu'une jeune pousse visant à lui faire de l'ombre au risque de prendre sa place, et va tout faire pour le torpiller en plein vol afin d'endiguer ce phénomène. Beaucoup d'éléments (ainsi que le physique du personnage principal) nous rappellent d'ailleurs le parcours de Moha La Squale, qui n'apparaît néanmoins pas lors de cette première saison (peut-être en saison 2 ? L'occasion pour lui de mettre en pratique sa formation aux cours Florent). Au cours de ses aventures Apash va pouvoir compter sur ses deux meilleures amis, William ( Saïdou Camara) qui deviendra d'ailleurs son manager, ainsi que Brahim ( Brahim Bouhlel) qui s'avère rapidement être le boulet de service. La série souhaite nous raconter l'ascension, sous toutes ses formes, de ce trio et le fait de façon assez complète et pertinente, toujours avec un certain humour : signature d'un contrat et négociation de la rémunération pour la conception et l'enregistrement d'un premier album, impact des réseaux sociaux sur la carrière du rappeur, bad buzz, collaborations avec ses pairs et " validation " de leur part, partenariat avec des marques, amourette etc. La série se focalise aussi régulièrement sur l'ancienne vie d' Apash, celle de la rue qui refuse de le laisser partir, ses anciens " amis " et " soutiens " s'étant rapidement transformés en parasites exigeant leur part du gâteau. Si Validé mise souvent sur l'humour, notamment via le personnage de Brahim, véritable guignol que nous avons eu envie de gifler plus d'une fois tant il incarne le roi des têtes à claques, elle propose malgré tout une ambiance assez sombre où la menace est omniprésente et bien réelle. Les réseaux sociaux que nous évoquions sont d'ailleurs primordiaux dans Validé : c'est en partie à cause d'eux que la vie d' Apash, qui pensait naïvement pouvoir faire de la musique sainement et tranquillement, va se transformer en mise en scène permanente et en droit de réponse aux attaques des uns et des autres. Le format de 30 minutes par épisode se prête bien à cette ascension musicale et médiatique, rendant chaque nouveau chapitre efficace et addictif. Chaque parcelle présente ainsi une nouvelle galère à surmonter et se termine sur l'émergence d'un nouvel obstacle à venir. Si nous ne sommes pas spécialement favorables au binge watching en règle générale, il faut bien avouer que Validé s'y prête très bien, et a même sans doute été conçue en vue d'un tel mode de consommation (il est d'ailleurs probable qu'elle perde de son efficacité lors d'un second visionnage, une fois l'effet de surprise dissipé).
Côté casting nous retrouvons un certain nombre de têtes connues dont Franck Gastambide lui-même ainsi que sa compagne Sabrina Ouazani déjà une habituée de son univers. D'ailleurs les fans de la série Plan Coeur ne seront pas dépaysés car outre Sabrina Ouazani, ils auront l'occasion de recroiser Joséphine Draï et Guillaume Labbé. Milieu du rap oblige, de nombreux chanteurs ont été invités dans le show afin de donner leur " validation " et de crédibiliser son univers. Outre Moussa Mansaly aka Sam's qui joue Mastar, le spectateur retrouvera pléthore d'invités ; impossible de tous les nommer mais nous pouvons citer Lacrim, Soprano, Ninho, Chris Macari, Kool Shen, Gringe ou même Cut Killer. Dans cette dynamique de crédibilisation du milieu, Validé surfe souvent sur l'actualité en s'amusant par exemple à réinventer l'équivalent d'un duel Booba / Kaaris. L'occasion de mettre en scène le personnage d' Apash dans un numéro fictif de Touche pas à mon poste ! avec Cyril Hanouna et une partie de son équipe. La série se donne sans cesse l'opportunité d'alterner entre l'amusement et la tragédie, ce qui sera d'ailleurs sa ligne de conduite jusque dans son dernier épisode : montrer comment les fondations d'un rêve peuvent rapidement muter en canalisations du cauchemar.
Validé est bien sûr une série qui regorge de clichés. Ces derniers sont globalement judicieusement exploités et apparaissent de toute façon assez légitimes : difficile de les reprocher à une telle série alors même qu'un pan du rap se révèle parfois être une véritable comédie à ciel ouvert où certains chanteurs passent leur temps à incarner des personnages à cheval entre le voyou et la drama queen. C'est d'ailleurs clairement l'angle d'attaque de la série que de se concentrer sur une ascension ponctuée de bouffonnerie médiatique, allant de la course au buzz jusqu'aux clash par médias interposés. Validé n'est pas une série extraordinaire, mais elle est bien produite, bien réalisée, dispose d'une écriture efficace, de personnages globalement attachants et se regarde aisément d'une traite, donnant inlassablement au spectateur l'envie de lancer la suite. La fin, qui n'appelait pas nécessairement une deuxième saison (mais nous sommes curieux de voir ce qu'elle racontera), est à l'image de la série : logique, assumée, bourrée d'énergie, sans concession, sans perte de temps tout en se payant le luxe de scotcher le fan à son canapé. Si les spectateurs semblent avoir validé cette première saison, nous ne pouvons que leur emboîter le pas.
Crédits: Canal+