Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Qui donc a vu ma belle ? » de Douglas Sirk.
« Ma fille ne fera pas la même erreur que sa mère. Elle n’épousera pas un homme pauvre ! »
Âgé, Samuel Fulton se trouve sans hériter pour sa fortune colossale. Il décide de laisser tout ce qu’il possède aux enfants d’Harriet, son premier amour, qui avait refusé sa demande en mariage quand il était jeune, le jugeant trop pauvre. Mais celui-ci souhaite d’abord tester Harriet et sa famille : il se fait alors passer pour un artiste excentrique et s’installe chez eux…
« Seuls les braves méritent les belles. Gardez espoir ! »
Marquée par les évènements politiques de la première moitié du vingtième siècle, la carrière de Douglas Sirk restera, de loin, comme l’une des plus atypique de l’histoire du cinéma. En effet, le cinéaste connut le succès à deux périodes différentes, et sur deux continents distincts. D’abord en Allemagne où, après avoir triomphé au théâtre la décennie précédente, il signera quelques-uns des plus gros succès populaires du cinéma allemand des années 30 (« La chanson du souvenir », « La habanera »). Ensuite en Amérique, où il s’imposera au milieu des années 50 comme le maitre absolu du mélodrame flamboyant (« Tout ce que le ciel permet », « Ecrit sur du vent », « Demain est un autre jour », « Mirage de la vie »). Entre les deux, il connaitra des fortunes diverses. Rejeté par les studios et sa puissante communauté d’immigrés allemands lors de son arrivée à Hollywood en 1938, il se verra reprocher sa compromission avec le pouvoir nazi et son exil tardif. Il lui faudra attendre 1943 et son « Hitler’s madman » pour revenir progressivement sur le devant de la scène, enchainant alors les films de commandes jusqu’au début des années 50 où il tournera une série de comédies qu’il qualifiera de contes moraux : « Week end with father », « No room for the groom » ou encore « La séductrice aux cheveux rouges ».
« L’argent n’est pas tout. On peut être riches et malheureux. Ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur mais ce qu’on en fait »
C’est dans cet esprit qu’il tourne en 1952 « Qui donc a vu ma belle ? ». Une comédie dans laquelle un milliardaire sans héritier se croyant mourant décide de léguer sa fortune à la famille qu’il n’a pas eu, celle de son amour de jeunesse, à condition toutefois que celle-ci s’en montre digne. Et pour en juger, il décide donc de l’infiltrer en ce faisant passer pour un artiste sans le sou. Un postulat décalé, qui donne lieu à une comédie aussi charmante que pétillante, au cours de laquelle l’argent fera tourner la tête des potentiels héritiers mais pas de leurs enfants. Au passage, Sirk se livrera à son exercice favori, à savoir esquisser une critique acide de la société américaine et de ses mœurs. Ici, c’est clairement la cupidité et le rapport malsain de l’Amérique à l’argent qui est pointé du doigt. Cet argent qui ne sert qu’à acheter de prestigieuses relations et, avec elles, un mirage de bonheur et qui finit par corrompre les esprits et les cœurs, au point de se livrer à de ridicules changements matériels (l’échange du gentil chien bâtard de la famille pour un chien de race désobéissant). Mais peu armée pour faire face à l’hypocrisie et à l’individualisme de la caste des fortunés, la famille connaitra finalement un retour sur terre aussi brutal que jouissif. Contre toute attente, Sirk signe là une merveille de comédie, à la fois légère, piquante et extrêmement maline. On y croisera le débutant Rock Hudson qui débutera là une fructueuse collaboration avec le cinéaste qui fera de lui une vedette, mais aussi, dans une furtive apparition, le tout jeune James Dean, qui sera son rival quatre ans plus tard dans le mythique « Géant ». Au final, ce très récréatif et plaisant « Qui donc a vu ma belle ? » se révèle être une bonne surprise, prouvant que l’étendue du talent de Sirk au-delà du seul registre du mélodrame.
****
Le DVD : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Douglas Sirk par Denis Rossano » : documentaire inédit (60 min.) et d’un livret « Deux ou trois choses que je sais de Douglas Sirk » par Louis Skorecki (12 pages).
Edité par Elephant Films, « Qui donc a vu ma belle ? » est disponible en DVD depuis le 28 janvier 2020.
La page Facebook de Elephant Films est ici.