Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Midi gare centrale » de Rudolph Maté.
« Si vous voulez retrouver votre fille, cela ne dépend que de vous »
Lorna Murchison, dont le père possède une importante fortune, est enlevée par des kidnappeurs qui espèrent obtenir, en échange de la jeune fille, qui est aveugle, une importante rançon. Mr Murchison est prêt à obéir aux ordres des ravisseurs mais la police découvre le drame. La gare centrale est dès lors sous une constante surveillance…
« Dire qu’il y en a qui sont prêts à payer 100 000 dollars pour récupérer ça »
Né à la fin du 19eme siècle en Pologne sous domination autrichienne, Rudolph Maté débute sa carrière au cinéma comme directeur de la photographie. Acquérant rapidement une solide réputation, il va travailler aux quatre coins de l'Europe, avec les plus grands cinéastes des années 20 et 30. Il met ainsi ses talents aux services de Carl Theodor Dreyer (« La passion de Jeanne d’Arc », « Vampyr »), Augusto Genina (« Prix de beauté ») ou encore René Clair (« Le dernier milliardaire »). Mais les bouleversements politiques qui agitent l'Allemagne et menacent l'Europe l'incitent, comme nombre de talents du septième art venus d'Europe centrale, à s'exiler à Hollywood. En Amérique, il poursuivra son travail durant une dizaine d'années (il œuvre notamment sur « To be or not to be » de Lubitsch, « Sahara » de Korda ou encore « La dame de Shanghai » de Welles) avant de débuter sur le tard, à la cinquantaine passée, une carrière de réalisateur qu'il consacrera pour l'essentiel à des westerns (« L’attaque de la rivière rouge », « Les années sauvages ») et des films d'aventure (« Passion sous les tropiques », « Horizons lointains ») de série. Même si à ses débuts il semble s'intéresser surtout au film noir (« Mort à l’arrivée »). C’est ainsi qu’il signe en 1950 « Midi gare centrale », d’après le roman de Thomas Walsh (dont les écrits seront une nouvelle fois adaptés quatre ans plus tard avec « Du plomb pour l’inspecteur » de Richard Quine).
« Quand j’ai commencé dans la police, je ne croyais guère à la prière. Je lui préférai une bonne matraque. Mais en prenant de l’âge... »
Qu’on se le dise, « Midi gare centrale » ne fait pas référence à l’horaire d’un train. Il s’agit en fait d’un rendez-vous impérieux, devant servir de conclusion à une sombre et crapuleuse affaire de kidnapping. Avec beaucoup de finesse et un vrai sens du timing, le réalisateur Rudolph Maté nous met dans le bain dès les toutes premières minutes de l’intrigue, durant lesquelles l’étrange comportement de deux hommes qui viennent de monter dans le même train de banlieue éveillera la curiosité d’une passagère particulièrement vigilante. La suite sera une merveille d’efficacité : on y suivra l’enquête de police minutieuse pour identifier les coupables et retrouver la trace de la pauvre otage avant qu’elle ne soit exécutée. Et cela en totale immersion (jusque dans les scènes de filatures) et dans un laps de temps très resserré à peine 80 min ?). S’appuyant sur un scénario remarquablement écrit, Rudolph Maté signe là un formidable thriller en utilisant pour unique décor (ou presque) la gare centrale de Los Angeles. Un lieu public et familier qui livre ici ses secrets (points d’observation cachés, souterrains glauques) et qui se transforme ici en un lieu de passage anonyme et oppressant, théâtre d’un crime des plus sordide. Mais au-delà de ses qualité formelles, la réussite de ce « Midi gare centrale » est aussi due à la finesse de son écriture et notamment à la psychologie de ses personnages. A l’image de la complémentarité de son tandem de policiers (le jeune flic nerveux et zélé qui apprend la sagesse au contact de son ainé calme et flegmatique), obligés de recourir à des méthodes de gangsters pour obtenir des informations. Ou encore à celle du méchant du film qui de par ses agissements (violences physique et mentale sur une jeune aveugle qu’il prévoit de liquider de toutes façons) offre un niveau de malveillance et de perversité rarement vu dans les productions de l’époque, code de censure oblige. Porté par un excellent casting (William Holden, Barry Fitzgerald), « Midi gare centrale » est un bijou méconnu du film noir des années 50 qu’il convient de redécouvrir de toute urgence.
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Le DVD : Le film est proposé dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de présentations respectivement signées par Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.
Edité par Sidonis Calysta, « Midi gare centrale » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 18 février 2020.
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