En toute innocence

Un grand merci à StudioCanal pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « En toute innocence » d’Alain Jessua.

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« Ce que j’ai fait, tout le monde l’a fait un jour. Même vous. »

Un architecte, Paul, dirige avec son fils une entreprise fleurissante. Tout semble allé pour le mieux jusqu'à un accident de voiture qui prive Paul de l'usage de la parole et de ses jambes. Accident ou tentative de meurtre? Car Paul a surpris sa bru dans les bras de son amant, et leurs rapports se détériorent très rapidement.

« Alors ce sera la guerre. Mais j’irai jusqu’au bout »

En_toute_innocence_Michel_Serrault

Décédé en 2017, Alain Jessua fut une figure à part du cinéma français. Un cinéaste brillant, qui fut stagiaire chez Jacques Becker avant de devenir assistant réalisateur auprès des plus grands cinéastes de son époque (Max Ophüls, Marcel Carné, Yves Allégret...) avant de décrocher le prestigieux Prix Jean-Vigo dès son premier court-métrage, « Léon la lune » (1957). Mais son parcours fut aussi atypique car loin du succès qui lui était promis, Jessua fera d’entrée le choix - insolite et courageux - de produire lui-même tous ses films, afin de préserver sa liberté artistique. Une exigence louable mais qui aura un prix, puisqu’il ne réalisera qu’un petit corpus de neufs films, tous mus par la même volonté de dépeindre la société par le prisme de la violence, qu’elle soit psychologique (« Traitement de choc », « Paradis pour tous ») ou sociale (« La vie à l’envers », « Les chiens »). En 1988, il signe son avant-dernier film, « En toute innocence », d’après le roman « Suicide à l’amiable » d’André Lay. Il réalisera encore un film - « La couleur du diable » en 1997 - avant de délaisser définitivement le cinéma pour entamer une carrière de romancier.

« Si je parlais, je parlerais trop »

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« En toute innocence » commence par ce qui pourrait être le portrait d’un bonheur idéal. On y suit un jeune sexagénaire plutôt fringuant à qui tout semble réussir, tant sur le plan familial (il partage sa belle demeure avec son fils et sa bru avec qui il semble vivre en parfaite harmonie) que sur le plan professionnel (son cabinet d’architecture semble prospère et dynamique). Mais comme dans toute machine trop bien huilée, il suffit parfois d’un grain de sable pour gripper tout le mécanisme. En l’occurrence, ce sera la découverte par le héros de l’infidélité de sa belle-fille qui mettra tout l’équilibre de la maisonnée à mal. Avec une redoutable maitrise, Alain Jessua s’aventure ici dans un facétieux thriller psychologique à l’ambiance très hitchcockienne (on pense notamment à « Fenêtre sur cour » mais aussi « Psychose » pour son redoutable dénouement) et dont le contenu - notamment cette façon de moquer les mœurs de cette bourgeoisie très lisse en apparence - rappelle les grands films de Claude Chabrol. Il filme ainsi la guerre larvée que se livrent progressivement le héros et sa bru, toute en manipulation, menaces et mensonges. Ce qui intéresse ici le cinéaste, c’est avant tout le sentiment de trahison et le basculement des personnages qui jusqu’ici s’appréciaient sincèrement dans une puissante haine réciproque, les poussant à élaborer des stratagèmes punitifs particulièrement cruels. Il en ressort un petit bijou de film noir, formidablement pervers et délicieusement sadique. Une réussite que le film doit aussi beaucoup à la magistrale interprétation de ses acteurs, Michel Serrault et Nathalie Baye en tête.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale française ( 2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une préface de Jean-Baptiste Thoret (5 min.) ainsi que d’un making-of (15 min.).

Edité par StudioCanal dans la collection « Make my day ! » (dont il constitue le numéro 18), « En toute innocence » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 27 novembre 2019.

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