Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Un château en enfer » de Sydney Pollack.
« Après la guerre, les allemands seront morts et tout rentrera dans l’ordre. Les maris pourront reprendre leur place »
Dans les Ardennes à la fin de l'année 1944, des soldats américains trouve refuge dans un riche et magnifique château médiéval. Le vieux propriétaire y voit alors la formidable opportunité d'avoir enfin un descendant : dans l'incapacité de procréer, il n'a jamais eu d'enfant. De son côté, sa jeune épouse ignore tout de son plan pour la précipiter dans les bras du Commandant Falconner. Mais la contre-offensive allemande approche.
« Vous n’avez ni vingt ans ni vingt-trois ans. Vous avez mille ans. Et la seule chose qui vous importe, c’est de garder ce château. Mais la guerre est proche et je veux y mettre fin »
Bien avant de devenir au cours des années 80 et 90 le roi du mélodrame hollywoodien (« Bobby Deerfield », « Out of Africa », « Havana », « Sabrina »), Sydney Lumet fut un formidable cinéaste de genre, passant avec succès du western (« Les chasseurs de scalps », « Jeremiah Johnson ») au drame historique (« Nos plus belles années », « On achève bien les chevaux », « Propriété interdite ») ou du polar (« Yakuza ») au thriller d’espionnage (« Les trois jours du Condor »). Des films à la fois grand public et en même temps toujours emprunts d’un sous-texte politique. En 1969, il réalisera avec « Un château en enfer » son unique incursion dans le genre du film de guerre. Le film marquera aussi la fin de sa collaboration avec l’acteur Burt Lancaster qui l’avait remarqué sur le tournage du « Temps du châtiment » où il officiait comme répétiteur et qui avait fait appel à lui pour diriger « Les chasseurs de scalps » puis pour terminer - officieusement - le tournage du « Plongeon ».
« Ce n’est pas le château que je veux sauver, c’est vous »
Bien qu'il décrive des évènements fictifs (le château de Maldorais n'a jamais existé), « Un château en enfer » prend pour décor la terrible Bataille des Ardennes (décembre 1944), théâtre de la dernière contre-offensive d'envergure des allemands. On y suit une escouade de soldats américains venus s'abriter des affres de l'hiver dans la massive et majestueuse forteresse médiévale de Maldorais, gardée par son propriétaire, dernier d'une glorieuse lignée nobiliaire. Mais dans ce riche décor hors du temps, qui contraste avec la guerre qui règne à l'extérieur, chacun développe sa propre vision de la guerre et nourrit ses propres ambitions, forcément contradictoires. S'appuyant sur un récit à la tonalité volontairement décalée - pour ne pas dire déroutante - Pollack nous montre la guerre d'une façon originale en ce qu'elle n'oppose plus le camp du Bien contre celui du Mal, mais le nouveau et l'ancien monde. Avec d'un côté le noble belge, représentant d'un ordre ancien, qui tente coûte que coûte (et avec quelques savoureuses compromissions) de sauver sa lignée et son château, et de l'autre l'officier américain bien décidé à tous les sacrifices (le château, mais aussi la vie de ses hommes et la sienne) pour arrêter - ou du moins - freiner l'avancée inéluctable des allemands. Une vision cynique, à l'opposé de toutes les représentations de la guerre qui prévalaient jusqu'alors au cinéma et qui exacerbaient le sacrifice des libérateurs et l'héroïsme des soldats. Car dans « Un château en enfer », on ne meurt pas en héros, mais pour l'égo démesuré d'un chef. Autant dire pour rien. Les hommes du rang - qui se fichent de la guerre - n'étant que des pions sur ce grand échiquier. En creux, le cinéaste pose également la question - éminemment pertinente - de la protection de l'art et du patrimoine dans un monde en guerre. Mais difficile également de ne pas voir dans ce film un brûlot politique contre la guerre du Vietnam, qui se déroule alors au même moment et qui suscite de plus en plus d'hostilité au sein de la société américaine. Un film formellement très étrange mais foncièrement très pertinent, admirablement porté par un casting quatre étoiles (Burt Lancaster, Jean-Pierre Aumont, Peter Falk, Bruce Dern, Scott Wilson...).
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Le DVD : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une interview de Samuel Blumenfield, journaliste au Monde.
Edité par Rimini Editions, « Un château en enfer » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 12 mai 2020.
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