Synopsis : " En 1999, Emmanuel Sanford-Durant, 19 ans, et sa famille de Washington, D.C., commencent à filmer leur quotidien dans le quartier le plus dangereux des États-Unis, juste à 17 pâtés de maison du Capitole. Ils n'ont pas arrêté de filmer depuis. Réalisé dans une unique collaboration avec le réalisateur et journaliste Davy Rothbart, le film se concentre sur quatre générations de la famille Sanford, incluant Emmanuel, un étudiant prometteur, son frère Smurf, un dealer local, sa sœur Denice, une future policière et sa mère Cheryl, qui doit vaincre ses propres démons pour faire prospérer sa famille. Sur une période de deux décennies, 17 Blocks nous éclaire sur la crise actuelle d'une nation à travers une saga familiale profondément personnelle, brute et émouvante. "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument... tu allumes ton ordinateur, tu cliques sur ton navigateur préféré et écris : Champs Elysée Film Festival. Il te reste à t'identifier, puis s'ouvre à toi, du 09 au 16 juin 2020, une grille de programmes regroupant courts et longs métrages indépendants en provenance de France et des États-Unis.
Bon cinéma de chez toi !
Il suffit d'allumer sa télévision, d'ouvrir Twitter ou Instagram pour voir des images entièrement filmées à la caméra subjective, celle d'un téléphone portable sorti furtivement d'une poche pour enregistrer et dévoiler au monde entier les violences auxquels les personnes noires font face systématiquement au sein de nos sociétés. Il y a quelques semaines, le 25 mai 2020, un meurtre de trop, celui de George Floyd, afro-américain de 46 ans a fait brandir les poings, remué la planète entière qui s'est élevée contre les violences policières systémiques commises en majeures parties par des blancs envers des noirs. Empreint d'une histoire particulièrement violente, qui se base notamment sur le massacre d'un peuple aujourd'hui quasiment disparu, les Etats-Unis représente une société en pleine mutation où les traditions, la religion et le racisme enraciné se manifeste quotidiennement.
17 Blocks se place dans ce contexte. Dans ce documentaire réalisé sur plus de vingt ans d'images d'archives, le spectateur suit la vie d'une famille afro-américaine, les Stanford-Durant, vivant à quelques rues de la Maison Blanche, au sein d'un quartier réputé malfamé et dangereux. C'est par l'intermédiaire du plus jeune, Emmanuel que l'on entre dans l'intimité de cette famille profondément attachante. Sans détours, le petit garçon qui grandit sous nos yeux, filme sa famille telle qu'elle est. Les moments complices entre son frère, Smurf et lui, ceux avec leur soeur Denice et les problèmes financiers de leur mère qui les élève seule, Cheryl. Peu à peu le récit se concentre sur les épreuves de la vie, qu'elles soient bonnes ou terriblement mauvaises. Les images sont là, sans filtre, filmées à travers ceux qui le vivent.
Ce qui fait la particularité de 17 Blocks, en plus de regrouper vingt ans d'archives familiales, c'est spécifiquement les regards qui permettent au récit d'être vu sans jugements et sans artifices. Si sur papier c'est le réalisateur et journaliste Davy Rothbart le réalisateur, il est en réalité le chef d'orchestre du projet. Si il est, sans le vouloir, l'initiateur du projet et celui qui finira par réunir toutes ces images, il n'est pas le regard derrière la caméra. C'est sans aucun doute la clé de la réussite de ce documentaire qui nous fait entrer, avec pudeur et sans misérabilisme dans la vie des cette famille. Ce dispositif aborde naturellement les maux de la société américaine qui s'emboîte au sein du récit inévitablement.
Les joies et les tragédies se succèdent comme une chronique de vies. Des vies marquées par la violence notamment celles des autres. Car en dehors de la drogue, vendue par Smurf, consommée massivement par sa mère (dont nous voyons une de ses prises de cocaïne face caméra), les séquences insoutenables mais d'une importance capitale du lynchage d'une personne au sol, celle des révélations de Cheryl sur le viol collectif dont elle a été la victime lorsqu'elle était plus jeune et les scènes qui succèdent la mort d'un des membres de la famille où les tâches de sang sur le mur blanc sont autant symboliques que la face d'une sombre réalité. Celle où le principal voisin des familles telles que celle Stanford-Durant dont l'histoire peut se calquer sur beaucoup d'autres familles tant elle est victime d'un système inégal n'est autre le Président. Poignant, marquant et touchant, le documentaire ne semble pas dater, malgré les modes qui passent, les enfants qui prennent de l'âge. Ce n'est pas les informations actuelles qui diront le contraire.