Synopsis : " Petit génie de la mécanique, Lino est réputé pour ses voitures-bélier. Jusqu'au jour où il se fait arrêter pour un braquage qui tourne mal. Repéré par le chef d'une unité de flics de choc, il se voit proposer un marché pour éviter la prison. 9 mois plus tard, Lino a largement fait ses preuves. Mais soudain accusé à tort de meurtre, il n'a d'autre choix que de retrouver l'unique preuve de son innocence : la balle du crime, coincée dans une voiture disparue. "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Si leur réputation n'était plus à faire, la sortie récente du film The Last Days of American Crime, dernier né d'un certain Olivier Megaton, n'aura fait qu'enfoncer le clou. Quoi de mieux qu'un réalisateur français, dont le cinéma se fait déjà joliment conspué par une partie du public, afin d'enfoncer six pieds sous terre la réputation d'un service de vidéo à la demande ? Derrière le service de vidéo à la demande se cache une société de production dont on se demande à de nombreuses reprises quel peut bien être la volonté. S'enrichir ou tenter par tous les moyens de développer cet art qui leur permet de s'enrichir de toute façon ? Vous avez la réponse, nous aussi. Néanmoins, derrière cette volonté de faire pérenniser un business qui se veut rentable, la société Netflix enchaîne les tentatives. De nombreuses seront vaines alors que d'autres permettent à de jeunes artistes de développer des idées que des sociétés de productions tierces n'auraient pas retenu. Le coup de poker de la production de tel ou tel scénario, Netflix n'en a pas peur. Ils tentent. Ce qui donne lieu à des naufrages risibles tels que la série Marseille ou le métrage expérimental (opportuniste ?) Paris est à nous, mais également à d'agréables surprises comme la série Marianne et celui qui nous intéresse aujourd'hui : le bien nommé Balle Perdue.
Produit par Rémi Leautier et Mathieu Ageron, réalisé par Guillaume Pierret dont c'est le premier long-métrage, Balle Perdue est une lettre d'amour au cinéma d'action, écrite avec la plume d'un amoureux de ce même cinéma qui a bercé tant de générations d'artistes. Lorsque peut-être évoqué un genre tel que l'action, l'image grossièrement appliquée va être celle d'un film au scénario post-it. L'amalgame est là, la différence est notable. Si l'histoire est prétexte, et assumée comme telle, le scénario n'est pas pour autant mal écrit et réduit à son strict minimum. Histoire, dialogues, intentions de mise en scène, idées de pré-découpage, intentions de jeu... Un scénario ce n'est pas qu'une histoire, et ce, même si cette dernière se voit dévoilée dans les grandes lignes au travers du synopsis. Certains films de commande ne correspondent pas à cela. Grossièrement écrits avec un réel manque de cohérence et d'investissement de la part du metteur en scène et de son équipe, afin de transmettre aux spectateurs les impacts venus chercher. Ce que n'est pas Balle Perdue. Ne nous voilons pas la face, Balle Perdue n'est pas le film d'action qui va renouveler le genre.
Un jeu du chat et de la souris qui va mêler un ancien prisonnier qui va servir de bouc et émissaire, ainsi qu'une gang de policiers dont les manières font davantage penser à un groupe de mercenaires, qu'aux policiers les plus intègres du marché. Les rebondissements vous les voyez venir, la finale, vous la voyez également venir. Prévisible, archétypal et caricatural sur certains points, néanmoins Balle Perdue tient en haleine, captive et vient stimuler chez le spectateur adepte du genre, les quelques neurones qui lui permettent de prendre du plaisir. Si, à l'image de l'histoire qu'il nous raconte, le scénario ne prend pas le temps de nous exposer le background de chacun des personnages, il va néanmoins prendre le temps. Prendre le temps d'exposer la situation, de présenter aux spectateurs quels seront les personnages qui vont être impliqués dans la course poursuite qui va s'en suivre. Hommes comme femmes, plus que des noms, ce sont des gueules. Des gueules dont on se souvient, de belles gueules marquées, qui vont être salement amochées. Aucun des personnages n'est propre sur soi et plus le film avance, plus ils vont être crasseux. La transpiration, la poussière, l'essence, le sang, le brûlé. Balle Perdue est un film organique, un film d'action dont les personnages vont sortir sales et amochés des courses poursuites et combats. Les décors volent en éclat, les accessoires deviennent des armes à part entière et la tôle se froisse par la force des impacts.
Si Balle Perdue procure autant de sensations sur le spectateur amateur du genre, et plus particulièrement du cinéma d'action des années 80/90, c'est parce qu'il est vrai. Une mise en scène terre à terre aux choix percutants afin de ne jamais sombrer dans le too much (ce qui n'est pas rien pour un genre dont les références sont iconiques et ancrées dans la culture populaire), portée par des chorégraphies (combats et courses poursuites) qui vont chercher le réalisme tout en faisant attention à ce que chaque coup ait un impact qui sonne comme un uppercut en pleine face. Avoir des acteur·rice·s qui font eux-même toutes leurs cascades (ou presque) permettent au metteur en scène de s'en donner à cœur joie. Jouant avec la notion de réalisme, sombrant jamais dans la régression par des choix de mise en scène " over the top ", Guillaume Pierret réussit de cette manière à rendre la moindre cascade spectaculaire. Celle qui ne serait qu'un détail dans un blockbuster en pilotage automatique (et souvent insipide pour les plus récents), devient ici percutante et impressionnante. Car c'est concret, c'est plausible et découpé de manière à ce que le spectateur soit plongé au cœur de l'action. Limpide, lisible, jubilatoire.
Nul besoin de s'épancher des paragraphes durant, Balle Perdue prouve que l'on peut user d'archétypes et raconter une histoire sans prétentions, sans pour autant signer une oeuvre dénuée d'âme et d'intérêt. De l'âme, Balle Perdue en dispose. Une lettre d'amour au cinéma d'action organique, celui qui n'avait pas peur de donner des coups et d'en recevoir. Mise en scène, composition des plans, découpage, montage et mixage sonore. La cohérence d'un tout au service d'une oeuvre dont le simple but est d'offrir aux spectateurs leur dose de sensationnel. Parfois vulgaire, parfois violent, un réel exutoire de la part d'un casting qui s'en donne à cœur joie ( Alban Lenoir encore et toujours l'acteur français que l'on aime pour son dévouement total et un déploiement communicatif d'énergie) et dont le plaisir de jouer transparaît en chacun des plans. Il ne marquera peut-être pas les mémoires, mais quel ride !
Actuellement disponible sur Netflix
" En émane des odeurs, des textures. Organique, chorégraphié et mis en scène pour être crédible tout en offrant de lourds impact à chaque coup porté. "