L’OMBRE DE STALINE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS: Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d'Hitler qui vient tout juste d'accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d'interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s'intéresser à l'Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable...
Nous sommes près de 80 ans après le régime soviétique de Joseph Staline et pourtant, le cinéma trouve encore des histoires inédites à raconter sur lui ; connues des historiens, moins du grand public, qui en garde la plupart du temps le souvenir des cours d'histoire du lycée. Avec L'Ombre de Staline, nouveauté dans les salles dès le 22 juin pour accompagner la réouverture progressive des salles de cinéma françaises, la réalisatrice et scénariste polonaise Agnieszka Holland, surtout connue pour son apport à la télévision internationale, retrace un fait édifiant et terrifiant: la famine provoquée par Staline en 1932 et subie par les Ukrainiens. La " Holodomor ", de son nom, a en effet provoqué entre 3 et 12 millions de morts. Cette famine, gardée secrète, c'est un journaliste gallois, Gareth Jones, qui l'a découverte, provoquant à trop court terme sa mort, avant même qu'il ait 30 ans. Le film, d'ailleurs titré Mr Jones en version originale, revient donc sur sa découverte édifiante et son parcours bref mais retentissant dans le milieu du journalisme.


Incarné par James Norton, le personnage permet de facilement s'immiscer dans les nombreuses intrigues que déploient le film : la famine bien sûr, mais aussi son rapport aux journalistes, qui décriaient son travail... Et même à George Orwell, dont la présence dans le film sous-entend lourdement une influence dans son écriture de La Ferme des Animaux. Ça fait quand même un sacré nombre de choses à digérer, dans un film compact de 2h, mais qui réussit malheureusement à être trop long pour ce qu'il raconte, ou trop court pour raconter proprement chaque axe.


La maitrise d' Holland derrière la caméra n'est pourtant pas à remettre en question : son travail précis et acclamé dans le monde entier n'est toujours pas à blâmer ici et l'on sent que son histoire personnelle a été un moteur pour la réalisation de L'Ombre de Staline. Rappelons que Holland a 71 ans, et que ses grands-parents sont décédés durant l'Holocauste, dans le contexte que l'on connait aujourd'hui. Les reproches vont davantage vers le scénario d' Andrea Chalupa , à la fois trop confus, trop gorgé, qui semble ne pas vouloir choisir entre les multiples choses qu'il a à raconter. Les personnages n'ont aucune profondeur et sont tout juste fonctionnels, écrasés par la dimension historique (et il faut le dire, monstrueuse) du récit. A ce titre, la présence de Vanessa Kirby est presque inexistante, faisant regretter le potentiel de l'actrice impériale dans The Crown. On se retrouve alors avec un film historique au sujet passionnant mais trop fragmenté, en équilibre instable dans ce qu'il veut raconter et en fin de compte, brouillon. Peut-il aurait-il été judicieux de ne garder qu'un noyau dur narratif, comme justement la découverte de cette famine, et de se concentrer uniquement sur cela ? Les bonnes intentions ne font malheureusement pas un bon film et L'Ombre de Staline n'y fait pas exception. Au-delà de ses images chocs et de ce retour sur un fait réel trop peu connu et encore tabou, le film n'embrasse pas son plein potentiel. Pire, il finit par ennuyer, au point que même les 20 minutes coupées au montage depuis sa présentation à Berlin ne changent rien à la finalité de l'entreprise.

Titre Original: MR JONES

Réalisé par: Agnieszka Holland

Genre: Biopic, Drame

Sortie le: 22 Juin 2020

Distribué par: Condor Distribution

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