Synopsis : " Becky est une adolescente rebelle de 14 ans. A la mort de sa mère, son père décide de passer quelques jours avec la jeune fille dans leur maison secondaire au bord d'un lac afin de se rapprocher. Mais leur séjour va tourner au cauchemar quand un groupe de fugitifs, emmené par l'impitoyable Dominick, envahit leur maison. Becky décide de prendre les choses en main... "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Découverts en 2017 dans l'une des sections parallèles du Festival de Cannes (la Quinzaine des Réalisateurs), Jonathan Milott et Cary Murnion nous avaient à cette époque, peu enthousiasmés. Bushwick, un film formellement ambitieux avec son faux plan-séquence, mais à l'histoire laissée pour compte afin d'offrir aux spectateurs une ride immersive et spectaculaire, mais dénuée d'intérêts émotionnels. Trois ans après, le duo de cinéastes nous revient seul derrière la caméra avec un film dont le genre semble avoir du mal à se renouveler. Genre aujourd'hui indépendant, le revenge movie est un registre que l'on pourrait qualifier comme : satisfaisant.
Un personnage laissé pour compte, qui a subi tout au long de sa vie, mais qui décide de se reprendre en main afin de laisser parler la rage qui sommeille en lui. Un registre majoritairement exploité par le cinéma de genre, mais que l'on a également déjà vu chez certaines majors plus populaires et visant un public familial. On parle évidemment de la 20th Century Fox (aujourd'hui chez Disney) et de leur indémodable Home Alone. Aussi connu en France sous le nom : Maman j'ai raté l'avion. Film aujourd'hui culte qui a su s'approprier les codes d'un genre a priori sanglant et inaccessible aux plus jeunes, afin d'en récupérer le sentiment de satisfaction et le rendre plaisant pour toute la famille. Becky, la version enragée de Home Alone.
Revenge movie et non des moindres, Becky s'empare de ce qui faisait le sel du film réalisé par Chris Colombus, afin de mettre en scène des scènes de meurtre toutes plus sanglantes les unes que les autres. Un film de genre tout ce qu'il y a de plus banal fondamentalement. Si l'on pense à Home Alone dans un premier temps, c'est bien évidemment, grâce ou à cause, de son personnage principal. Cœur de l'histoire, la jeune adolescente Becky est décrite aux spectateurs comme une adolescente qui n'a cessée de subir des drames (futiles comme conséquents, mais tous importants dans son développement émotionnel), sans ne rien pouvoir y faire. Subir la mort de sa mère, avant de subir les choix de son père qui cherche à avancer malgré tout. Une adolescente en colère, qui n'a jamais eu l'occasion de lâcher cette même colère.
De se défouler parce qu'elle avait l'occasion de le faire. Face à elle, va se dresser un homme : Dominick. Néonazi à la croix gammée sur l'arrière du crâne et qui n'éprouve aucun remord à tuer pour obtenir ce qu'il désire, Dominick est l'archétype même de l'antagoniste manichéen égocentré, qui ne croît que sa sainte parole. Personnage pas intéressant pour un sou. Caricatural et archétypal jusqu'à la moelle, mais qui va ici, devenir intéressant grâce au parallèle qui va être dressé entre lui et la jeune Becky. Et si, en assouvissant ses pulsions, en laissant parler sa colère et en faisant preuve d'une foi vengeresse, Becky prouvait qu'elle ne valait finalement pas mieux que ce Dominick. Questionnement intéressant, pertinent même, qu'aborde le film de manière sous-jacente et qui permet à l'actrice Lulu Wilson de faire évoluer son jeu tout au long du film.
Derrière cette quête vengeresse, décomplexée et jubilatoire, Becky cache un scénario qui joue avec malice sur les différents archétypes habituellement servis aux spectateurs. De l'adolescente en colère au méchant néonazi, en passant par la nouvelle belle-mère qui fait tout pour se faire accepter, et ce, sans oublier le sidekick du grand méchant qui ne se fait pas respecter par ce dernier. Des archétypes, mais des archétypes qui ont du caractère et ne sont pas que de simples faire-valoir déshumanisés. De la belle-mère au sidekick du méchant, ils vont être subtilement humanisés et caractérisés à l'aide de lignes de dialogues et/ou de choix de mise en scènes. Des moments succins, mais très importants et qui vont donner au film un mordant indéniable. Un film ou chaque action compte, ou chaque réplique va permettre aux personnages de gagner en densité.
Aller à l'essentiel, faire en sorte que chaque séquence ait un quelconque intérêt (développement des personnages, ressenti du spectateur, fluidité du récit...) et ne pas servir un revenge movie dont les personnages ne sont que de la chair à canon. Rien d'exceptionnel, mais des idées d'écriture et de mise en scène qui font de Becky un revenge movie qui a une identité qui lui est propre, malgré une structure narrative conventionnelle et peu surprenante. Une identité scellée par un travail visuel élégant et agréable, (découpage qui ne fait jamais dans la surenchère) et un casting impressionnant de rigueur. Si le lutteur Robert Maillet surprend, faisant preuve d'une douce et touchante humanité au travers de son simple regard (la dichotomie entre cette tendresse et son physique monstrueux est une plus-value indéniable), Kevin James et Lulu Wilson font preuve de charisme et développent des incarnations d'une froideur implacable. Un casting de qualité qui permet au spectateur d'y croire et de prendre du plaisir à chacune des séquences. Jubilatoire, décomplexé et jusqu'au-boutiste, un revenge movie sans grandes prétentions, mais bien écrit et superbement interprété. Le plaisir estival pour les amateurs de viande saignante.
Disponible en Vidéo à la Demande au Canada sur Apple TV et autres services
" Version trash de Home Alone, Becky incarne le revenge movie estival comme on l'aime. Prévisible et ordinaire, mais qui ne fait pas de concessions dans l'explosion de rage et de colère de son personnage. "