Un grand merci à Coin de Mire pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Les jeunes loups » de Marcel Carné.
« La jeunesse, elle vous dit merde ! »
Alain, un « jeune loup » élégant et racé, est entretenu par ses maîtresses ou amants plus âgés. Il mène de front une aventure avec une fille de son âge, Sylvie qui erre dans les soirées parisiennes, côtoyant beatniks ou gens du monde. Alain et Sylvie, libres, audacieux et fiers de l’être vont alors entrer dans un jeu de provocations…
« La jalousie, faut laisser ça au vieux, ça les occupe »
Fils d’un ébéniste, le jeune Marcel Carné était programmé par sa famille pour prendre la succession de l’affaire familiale. Mais sa passion pour le cinéma, qui est alors un art récent en pleine expansion, en décidera autrement. Après des études de photographie, il deviendra finalement critique de cinéma pour différents titre de la presse écrite, avant de devenir l’assistant de Jacques Feyder qui lui mettra le pied à l’étrier. S’il débute sa carrière de réalisateur en 1936 avec « Jenny », le succès viendra très rapidement avec « Drôle de drame » (1937) tandis que sa fructueuse collaboration avec le scénariste Jacques Prévert l’imposeront au cours des années suivantes comme le maitre du réalisme poétique. C’est à cette époque qu’il réalise ses plus grands films : « Quai des brumes », « Hôtel du nord », « Le jour se lève » et « Les enfants du paradis ». Mais l’échec des « Portes de la nuit » en 1946 marque un coup de frein à sa carrière et la fin de sa collaboration avec Prévert. S’il continue de tourner avec la même énergie au cours des trois décennies suivantes, il ne parviendra pas à renouer avec le succès de ses grandes années et deviendra peu à peu un cinéaste de second plan. Sorti en 1968, « Les jeunes loups » est l’un des derniers films de Marcel Carné qui n’en tournera plus que trois autres au cours des années suivantes.
« Mon père, il est gai comme un cahier de compte et chaud comme une pierre tombale »
En 1968, la France est à l’aube d’une révolution sociale sans précédent, menée par la jeunesse, qui amorcera un important changement des mœurs. En 1968 toujours, Marcel Carné a soixante-deux ans. Les meilleures années de sa carrière sont derrière lui. Et pour son nouveau projet, il décide de s’intéresser à la jeunesse de son époque. « Les jeunes loups », ce sont donc pour le cinéaste ces jeunes adultes fraichement sortis du nid qui rêvent de se faire une place de choix dans la société. Mais la perception que Carné se fait de la jeunesse semble totalement biaisée. Comme si au fond la libération des mœurs n’avait de paire qu’une perte des repères et des valeurs morales. Le cinéaste donne ainsi à voir une jeunesse en perdition, aussi arriviste que cynique et prête à toutes les compromissions pour satisfaire son obsession pour l’argent. Son héros, assez détestable au demeurant, joue ainsi les gigolos (« à voile et à vapeur » comme il le dit lui-même) pour des personnes d’âge mûr aux portefeuilles bien remplis, en pensant gravir par ce biais l’échelle sociale. Et sans se soucier de la jeune femme qui l’aime sincèrement. Si la chronique se révèle déconcertante, elle n’est de plus pas aidée par ses dialogues écrits à la serpe ni par la médiocrité du jeu de ses comédiens, tous quasi amateurs (Christian Hey et Haydee Politoff). Un film étonnamment sombre et glauque, qui sonne comme l’élucubration d’un cinéaste dépassé et visiblement peu en phase avec son époque. Un Carné assez peu inspiré et franchement mineur.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2K à partir du négatif original par SNC (Groupe M6). Il est proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français et français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, la collection « La séance » propose un formidable concept : celui de reproduire les conditions d’une véritable séance d’époque. En mode « Séance complète », le film sera ainsi précédé des authentiques actualités Pathé de la semaine de sortie du film ainsi que de publicités et bandes-annonces d’époque, le tout en HD. En mode film seul, « Les jeunes loups » se lancera directement.
Edité par Coin de Mire, « Les jeunes loups » est disponible depuis le 6 mars 2020 dans une très belle édition Digibook, limité à 3000 exemplaires numérotés, comprenant le blu-ray + le DVD du film ainsi qu’un livret reproduisant des documents d’époque (24 pages), 10 reproductions de photos d’exploitation (15,5 x 11,5 cm) et la reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm). Un très bel objet qui ravira tous les cinéphiles.
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