Les traits de personnalité du personnage

Par William Potillion @scenarmag

Les traits intimes d’un personnage fictif ne sont pas toujours visibles pour les autres dans l’histoire. Alors que les autres personnages peuvent facilement repérer un aventurier parce que ce trait se répand à l’extérieur et affecte ses manières, il ne sera pas toujours évident pour les autres de comprendre si, par exemple, le héros est intuitif ou très observateur.

L’auteur doit faire part de son secret au lecteur, mais il peut aussi choisir de cacher au moins un trait interne aux autres personnages de l’histoire.

Certains traits internes sont innés ou hérités. Ce sont les traits déterminés par la constitution génétique d’un personnage. Ils restent constants tout au long de sa vie fictive, parfois avec une intensité croissante ou décroissante, en fonction de son environnement social, de la situation qui prévaut, etc.

D’autres traits intimes de la personnalité sont acquis au fil du temps en fonction de l’expérience du personnage – par exemple, son éducation et son environnement social, ou des incidents spécifiques qui se sont produits dans sa vie.

Un personnage méfiant ou cynique ne naît généralement pas de cette façon ; il est plutôt le résultat de ce qu’il a vu, entendu ou enduré.

Certains traits internes acquis sont transitoires. Un ou plusieurs d’entre eux peuvent être présents dans le personnage au début de l’histoire, ou ils peuvent ne devenir une partie de sa nature que plus tard.

Dans les deux cas, ils ont le potentiel de disparaître rapidement, selon la tournure que prend l’intrigue. Ainsi, le mécontentement peut devenir le trait intérieur d’un personnage, mais il peut disparaître presque immédiatement lorsque celui-ci est satisfait d’une manière ou d’une autre.

Afin de nous aider à formuler un personnage de fiction, suivons Howard Lauther et les quelques définitions qu’il donne de traits de personnalité.

Le personnage intelligent

Selon Howard Lauther, l’intelligence d’un personnage peut être rapprochée des traits suivants :

l’omniscience (un peu pompeux à moins que votre personnage soit Dieu sinon nous pouvons interpréter ce trait comme celui d’un spécialiste très au fait de son domaine d’expertise) ; un esprit analytique (l’intelligence est fortement connotée à l’entendement, à la raison. Pour Lauther, le personnage intelligent ne serait pas totalement dépourvu d’imagination d’autant plus que l’intelligence invoque aussi une aptitude à l’invention mais le manque d’imagination ou plutôt la relégation de l’imaginaire dans les choses futiles est certainement le talon d’Achille du personnage intelligent) ; d’après Howard Lauther, le personnage intelligent serait un être qui possède une disposition d’esprit qui le rend particulièrement apte à agir de façon appropriée à ses fins. Serait-ce vouloir dire que l’être intelligent est un être calculateur ? Notez néanmoins que votre personnage se distingue des autres par une intelligence supérieure à la normale et que c’est par cela que ce trait de personnalité apparaît chez ce personnage aux regards des autres personnages et c’est aussi ainsi que la lecture du personnage par le lecteur/spectateur fera ressortir sa personnalité ; par nature, le personnage intelligent est un être cérébral et brillant ; ce sera aussi un individu perspicace, lucide. Si vous avez une information importante à communiquer à votre lecteur, qu’un tel personnage le fasse ne soulèvera pas d’objection, ni d’étonnement car son intelligence avérée ouvre la voie à une telle faculté de comprendre les choses avec clarté et justesse, d’autant plus qu’il est secondé par une logique éprouvée ; forcer l’intelligence d’un personnage, c’est peut-être aussi vouloir en faire un intellectuel, quelqu’un versé dans la philosophie, le débat politique ou religieux ; l’intelligence n’est pas un trait de caractère qui rend les individus indolents. Bien au contraire, les décisions réfléchies qu’un personnage intelligent prend sont habituellement rapides ; ses décisions d’ailleurs seront toujours rationnelles, raisonnables, aiguisées ; et il montre dans ses relations aux autres une précieuse compréhension.

Le personnage intelligent discerne les choses rapidement et saisit les concepts avec une rapidité supérieure à la moyenne. Il a tendance à diviser les problèmes et les concepts en parties individuelles, non seulement en voyant leurs relations mais aussi en observant d’autres facteurs.

En regardant des éléments qui semblent identiques, le personnage intelligent peut discerner ce qui les différencie les uns des autres. Il sait trouver des lignes de faille même dans les arguments les mieux construits.
Ainsi, il est capable de voir les causes et les effets des choses alors qu’ils sont cachés pour la plupart d’entre nous. A travers le pouvoir de sa pensée, il tente d’approcher la vérité des choses.

Un personnage non intelligent

Toute chose a son contraire. Howard Lauther considère ainsi le personnage inintelligent qu’il rapproche aussi des traits suivants :

D’abord, j’ajouterai que dans mon interprétation de la pensée de Howard Lauther, je considère l’intelligence en opposition à l’intuition. C’est-à-dire que je distingue deux types de connaissance, soit par le raisonnement, soit une connaissance immédiate que nous percevons par nos sens.

Ainsi, pour Lauther, un personnage inintelligent serait un être qui privilégie son intuition plutôt que de se livrer à certaines réflexions pour comprendre son environnement. Ce serait un personnage à fleur de peau, qui réagit instinctivement ce qui le mène souvent à ressentir une confusion plus ou moins intense ; bien sûr, dans la peinture d’un tel personnage, Howard Lauther envisage aussi un individu arriéré. Tout comme pour l’intelligence, ce retard doit être visible. C’est ce trait singulier qui apparaîtrait comme la marque majeure de ce personnage ; vous pourriez vouloir aussi décrire une catégorie de personnages. Ainsi, vous pourriez dire d’une foule qu’elle est imbécile ou stupide, si vous estimez que dans certaines situations, elle serait peu capable de comprendre, de raisonner ; un personnage inintelligent serait celui qui manque d’esprit critique et qui, par crainte, se fond dans la masse, dans l’acceptation et l’obéissance aux règles imposées alors qu’il devrait les questionner afin d’y trouver une morale et de suivre ses vraies valeurs ; l’inintelligence chez Lauther connote un béotisme, une lourdeur d’esprit. Lauther imprègne manifestement l’inintelligence d’une négativité dont j’avoue qu’elle m’embarrasse. L’inintelligence n’est pas une tare si l’on souhaite profiter de ce que la vie a à nous offrir de plus exubérant, de ressentir l’ivresse de l’enthousiasme. Nous possédons tous en nous un aspect dionysiaque qui fait du bien à l’âme quand elle s’oublie dans la vie ; l’inintelligence peut désigner un esprit endormi qui n’aspire cependant qu’à se réveiller ; elle peut désigner aussi la fonction ou l’archétype de l’idiot du village. Sous cet angle, elle pourrait être le signe de l’innocence ; Lauther voit dans l’inintelligence un esprit terne, dont les qualités intellectuelles n’ont rien de remarquable. Le personnage serait alors un être facilement manipulable et qu’on peut empêcher de penser clairement ; l’inintelligence serait la marque de la soumission qui privilégie le mutisme plutôt que de s’offrir à la vindicte populaire ; l’inintelligence se caractérise aussi par l’ignorance et l’on peut alors soit s’y complaire, soit tenter d’en sortir ; un personnage ignorant peut se révéler particulièrement obtus dans ses jugements ; la superficialité dénote aussi une forme d’inintelligence. Ne pas s’attarder sur les choses ne qualifie précisément pas le simple d’esprit, plutôt une impassibilité ; le personnage non intelligent se qualifie aussi par son manque de discernement, ce qui le mène souvent à être imprudent.

Selon Howard Lauther, le personnage inintelligent aurait des difficultés à innover, à s’adapter. Son manque d’ouverture d’esprit, de curiosité ne lui permettrait pas d’approfondir ses connaissances. Howard Lauther a une vision très négative de l’inintelligence. Ce que je comprends de cet auteur, c’est que l’intelligence serait quelque chose d’inné. Il y aurait donc des êtres doués d’intelligence et d’autres non ? Néanmoins, si l’on intègre l’expérience dans la question, alors l’intelligence serait quelque chose qui s’acquiert et puisque les connaissances s’accumulent, autant l’inintelligence et l’ignorance reculent.

Une caractéristique intéressante pour dépeindre un tel personnage est sa difficulté à saisir la complexité. On peut jouer sur la naïveté et développer une sympathie envers lui. Puisque ce personnage ne réagit qu’à ce qui le confronte directement, les implications, les allusions, les significations cachées, les ambiguïtés et toutes les subtilités qui entrent souvent dans le langage sont susceptibles de lui passer inaperçues.

La certitude

Voyons les définitions qu’en donne Howard Lauther. Un personnage imprégné de certitude ne doute pas. Ce qui en fait un être parfois mystique convaincu que ses croyances sont la vérité. La certitude peut être extrême si l’on n’y prend garde ; la certitude apporte la confiance en soi, convaincu que l’on est de sa vérité ; par contre, cela crée des préjugés, des idées toutes faites qu’on ne questionne pas ou plus ; du coup, un personnage sûr de lui peut se révéler trop confiant et prendre de mauvaises décisions le concernant ou impactant les autres ; persuadé de détenir la vérité, cet individu porte des œillères mais par ailleurs sûr de ses valeurs et de son bon droit, il est un personnage qui lutte pour défendre ce en quoi il croit ; sa vision du monde est positive et ses certitudes le rassurent ce qui éloigne le spectre de l’angoisse.

Selon Lauther, un personnage qui ne doute pas se satisfait que quelque chose soit vrai même si aucune preuve ne vient étayer la véracité de cette croyance. Il peut être convaincu qu’un événement a eu lieu même si celui-ci est hautement improbable et il se projette tout aussi bien dans le futur se persuadant qu’un événement aura lieu sans tenir compte d’indices qui pourraient rendre très probable cette prédiction mais plutôt se fondant sur ses propres expériences hautement subjectives.
Il tire une conclusion sur quelque chose d’après de ce qu’il a vécu. S’il devait tenir compte de choses nouvelles mettant à mal sa vision des choses, il en ressentirait un malaise si puissant qu’il ne peut faire autrement que de nier ce qu’il ne connaît pas mais dont il sait cependant qui existe.

Un personnage qui ne doute pas ne remet pas en cause ses convictions. Cet entêtement peut causer de sérieux désagréments. S’il a confiance en un autre personnage, il ne questionnera jamais cette confiance. On peut jouer alors sur la solidité de cette relation ou bien amener le personnage à connaître une terrible trahison qui ne laissera pas de le déboussoler.

Les convictions établissent des limites autour d’un être. Quelqu’un qui s’accroche tant que faire se peut à ses croyances se sent en sécurité dans le périmètre de ses certitudes. Howard Lauther remarque aussi que quelqu’un de suffisamment influent, possédant du charisme, peut parvenir à créer de nouvelles convictions chez un quelconque individu qui fera preuve d’un manque d’esprit critique que l’on peut considérer comme une faiblesse parce qu’il s’aliène ainsi à cet autre qui ne lui veut peut-être pas que du bien.

L’incertitude

L’incertitude mène à la confusion, le personnage se laisse envahir par le doute ce qui le déconcerte, l’intimide, le rend hésitant ; c’est un personnage incapable de prendre une véritable décision, peut-être pourrions-nous y voir une certaine lâcheté ; c’est aussi un personnage que l’on cerne avec difficultés. Face à lui, on a le sentiment qu’il est fuyant, alors qu’au fond, c’est un être fragile, irrésolu, peu convaincu de sa propre personne et de sa valeur ; cette indétermination qui caractérise ce personnage n’est peut-être pas quelque chose de débilitant le concernant. Faire des choix oriente. Être errant, flânant, ce n’est pas moins vivre. C’est refuser cette case que l’on a choisi pour nous. C’est se fixer d’autres causes, plus intimes ; Howard Lauther considère néanmoins qu’un personnage sur lequel on pose l’incertitude est un être instable, basculant d’une opinion à l’autre. Maintenant, c’est à l’auteur de savoir s’il veut gîter son personnage dans les méandres de son intrigue et dans ce cas, effectivement, en faire un personnage qui ne sait pas trop ce qu’il veut, dont l’imprévisibilité parce qu’il ne parvient pas à se décider est plus une nuisance qu’un moyen de le rendre sympathique, peut être utile.

Pour Lauther, un personnage marqué par l’incertitude est tourmenté par le doute quand aucun cap clair ne se présente. Lorsqu’il est confronté à quelque chose dont il sait peu de choses, ou lorsque plusieurs développements concurrents ont lieu, ses pensées deviennent invariablement chaotiques.

Et lorsque plusieurs options s’offrent à lui, il se sent dépassé. Il vit généralement dans un monde qui ajoute quotidiennement à sa confusion sur ce qui est bien ou mal, sur ce qui devrait ou ne devrait pas être fait.

Par exemple, imaginons que vous ayez un personnage qui soit confronté à la violence. Pour plaire à l’opinion publique, il utiliserait des notions comme l’obéissance à l’autorité qu’il faudrait restaurer. Mais il doute sur l’efficacité de la répression. En son for intérieur, il hésite entre une réponse qui est en soi une forme de violence et dont l’avantage serait, pour des raisons électorales par exemple, d’être immédiatement perceptible ou un apprentissage d’une morale qui, sur le plan individuel, infléchirait le comportement violent mais exigerait davantage d’efforts et de patience. L’embarras vient du fait que ce désintérêt de l’opinion publique au profit du bien de la communauté peut lui coûter sa réélection.

Le personnage est confronté à un dilemme chaque fois qu’une décision doit être prise entre au moins deux choses. Le dilemme suppose un enjeu et enjeu et dilemme sont deux éléments dramatiques dont vous avez besoin dans votre récit.

La moindre perturbation du statu quo devient dérangeante. Ainsi, l’incertitude peut participer à l’élaboration de l’incident déclencheur, moment dramatique qui ouvre l’intrigue vers un horizon lui-même incertain, imprévisible, car une proposition est faite au personnage de pénétrer un monde qu’il ne connaît pas.

Howard Lauther insiste aussi sur la passivité de l’incertitude. Si un personnage principal est en proie à l’incertitude, cela peut expliquer pourquoi, dans un premier mouvement, il n’est pas dans l’agir alors que sa fonction de protagoniste implique une proactivité.
Il lui faudra alors cesser à un moment donné d’observer les autres et de trouver en lui la force de prendre en mains son problème.

Nous étudierons d’autres traits de caractère dans les articles prochains.

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