Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Point limite » de Sidney Lumet.
« La seule chose sur laquelle nous pouvons être d’accord, c’est qu’il n’y a pas de responsable »
La défaillance d'un minuscule transistor en salle de commandement militaire provoque l'alarme au Strategic Air Command où sont surveillées les mouvements de tous les avions du monde. Cette défaillance fait croire à l'existence d'un engin non identifié. Une escadrille de bombardiers atomiques est envoyée en direction de Moscou.
« C’est une chose dure de commander à des hommes de mourir »
Si elle sort triomphante de la Seconde guerre mondiale, l’Amérique voit sa suprématie contestée à peine quelques mois plus tard par le rival soviétique. Et ce d’autant plus que le géant rouge parvient à se doter de l’arme atomique en 1949. Dès lors, les tensions s’accroissent à mesures que se multiplient les affrontements indirects (Guerre de Corée, blocus de Berlin) et font naitre au sein des populations la peur d’une apocalypse nucléaire. Et tandis que, gagnée par la paranoïa, l’Amérique se livre à une terrible chasse aux sorcières (Commission McCarthy, procès des époux Rosenberg), Hollywood se met à développer des films qui traduisent directement cette anxiété ambiante. Qu’il s’agisse de films de propagande (« I was communist for the FBI »), de film policier (« Le port de la drogue ») ou de thriller sur le péril nucléaire (« En quatrième vitesse », « Le dernier rivage »), la menace rouge est partout. Mais c’est avec l’arrivée au pouvoir de Kennedy et la crise des missiles de Cuba que la guerre froide connait son paroxysme. Jamais le monde n’aura autant semblé aussi proche d’une guerre nucléaire totale. C’est dans ce contexte de tension extrême que sortent alors une série de films d’anticipation dénonçant le danger des politiques bellicistes extrémistes et de la course effrénée à l’armement : « Docteur Folamour ou comment j’ai appris à ne plus avoir peur de la bombe » (Kubrick, 1964), « Aux postes de combat » (James B. Harris, 1965) et bien sûr « Point limite » (Sidney Lumet, 1964).
« Tout ce que je sais, c’est que les hommes sont responsables des malheurs qu’ils provoquent »
Venu de la télévision, Sidney Lumet avait connu le succès dès son premier film, « Douze hommes en colère » (1957), avant d’enchainer avec l’adaptation de plusieurs pièces de théâtre dramatiques (« L’homme à la peau de serpent » d’après Tennessee Williams ou « Vu du pont » d’après Arthur Miller, notamment). Adaptation du best-seller de Eugene Burdick, « Point limite » lui permet de faire une incursion dans le genre du thriller d’anticipation politique, en prenant qui plus est pour décor la situation géopolitique du moment. Là, le scénario imagine avec subtilité qu’un simple incident technique en apparence anodin puisse finalement transformer un banal exercice militaire américain en attaque malencontreuse contre l’ennemi soviétique. Filmé à huis clos et en temps réel, dans les différents bunkers de commandements (armée de l’air, Maison blanche, Pentagone), le film s’emploie à illustrer le fragile équilibre du monde en montrant la facilité avec laquelle le terrible et mortel engrenage de la guerre peut s’enclencher sans espoir de retour en arrière. Il va même plus loin en filmant les horreurs de la guerre nucléaire elle-même (le bruit glaçant du téléphone qui fond). Mais comme toujours chez Lumet, le film est aussi un drame moral, dans lequel les personnages antagonistes s’affrontent violemment (certains conseillers appellent à saisir l’occasion de frapper l’ennemi par surprise voyant là une occasion inespérée de le vaincre) et où le poids des responsabilités est un terrible fardeau à porter (le Président - Henry Fonda, impeccable - qui fait le choix de sacrifier la vie d’une poignée de pilotes ou de milliers de ses concitoyens pour tenter de préserver la paix). Si formellement, « Point limite » est un thriller formidablement haletant, il constitue surtout un brillant plaidoyer pacifiste, dénonçant le danger de la prolifération des armes de destruction massive.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné Commentaire audio du réalisateur Sidney Lumet (VOST), des modules « Le style invisible de Lumet » (15 min.) et « Un monde sans lendemain » (37 min.) par Jean-Baptiste Thoret et Revisiting Fail-Safe (16 min.).
Edité par Rimini Editions, « Point limite » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 16 juin 2020.
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