[Hors Compétition]
De quoi ça parle?
D’un quatuor d’adolescents qui cherchent à passer à la postérité en commettant la pire tuerie de masse ayant eu lieu dans un milieu scolaire, mais voient leurs projets contrariés par une de leurs camarades, supposément frêle et psychologiquement fragile, mais qui se transforme d’un coup en un combo de Rambo et John McClane en jeans/baskets.
Et un peu, en sous-texte involontaire, de l’Amérique d’aujourd’hui, peuplée de décérébrés qui twittent à tout bout de champ, de fanatiques des armes à feu, de crétins prêts à tout pour se faire connaître, y compris à faire des films nauséabonds, voyeuristes et complaisants.
Pourquoi on a une furieuse envie de passer par les armes les auteurs de ce film?
Parce que c’est un navet absolument honteux, qui se prend méchamment au sérieux tout en accumulant les pires poncifs, les pires artifices narratifs, et glorifie absolument tout ce qu’il devrait dénoncer.
Les armes à feu? Oui, leur vente en libre-service permet à des psychopathes de commettre des tueries de masse, ce n’est pas bien! Mais, regardez, elles seules permettent de se défendre face à la menace, de sauver des vies innocentes. Sans armes, l’héroïne ne pourrait pas faire grand chose. Et puis, un fusil, c’est bien pratique pour chasser le cerf avec Papa le dimanche matin, à la fraîche, et ramener de quoi manger pendant deux mois à la maison… Alors, hors de question de polémiquer ce sujet-là, hein…
Les réseaux sociaux qui permettent à des débiles de devenir célèbres sans trop d’effort? Ah oui, ça c’est vraiment vilain. Surtout qu’ils servent aussi à humilier des boutonneux mal dans leur peau qui ont ensuite envie de se venger en tuant tout le monde au lycée (Sérieusement, c’est le motif d’un des quatre preneurs d’otages… Ils ont osé…). Et le pire, ce sont les followers, les voyeurs qui sont fascinés par les vidéos dégradantes, violentes ou sexy! Ah ceux-là, il mériteraient bien une bonne rafale de fusil-mitrailleur dans le buffet! Heureusement que Kyle Rankin, lui, en cinéaste intelligent, ne verse pas du tout la-dedans…
Ce n’est pas lui qui filmerait l’agonie d’une jeune fille le corps transpercé d’une balle de fusil à pompe ou qui exigerait d’une femme qu’elle retire le haut devant la caméra, gratuitement, pour un “Titty shot” affriolant. Oh, wait…
L’individualisme, la lâcheté? Ben non, regardez bien, le film célèbre au contraire l’esprit d’équipe, la cohésion du groupe! Même les assaillants sont en bande. OK, leur chef s’est entouré d’un débile fou de la gâchette qui n’arrive pas à déterminer ce qui est réel ou non, d’une hardos asociale et de la tête de turc revancharde précitée, mais c’est quand un même un groupe soudé par l’envie de tout détruire autour…
Portons tout de même au crédit de Kyle Rankin la mise en exergue de belles valeurs. Ici, les liens familiaux sont totalement sacralisés : Zoé, l’héroïne, est finalement sauvée par son Papa chasseur. C’est beau l’amour paternel! Et elle voit régulièrement sa maman décédée apparaître pour papoter un peu, la guider et l’aider à surmonter cette phase difficile qu’est l’adolescence. c’est elle qui lui glisse les conseils du titre “Run!” “Hide!” “Fight!” (Oui, ils ont osé aussi…). On aurait préféré qu’elle nous apparaisse avant la séance pour nous conseiller de fuir en courant…
Le cinéaste participe aussi au combat “Black lives matters” en offrant le rôle du fiancé de Zoe à un acteur Noir. Ah! Enfin un rôle consistant pour un Afro-américain. Euh… Ah ben non tiens, encore un simple rôle de faire-valoir…
Pour un film de festival sérieux censé faire réagir ou réfléchir, il y a un peu “trumperie” sur la marchandise. Ce nanar nauséabond semble n’être qu’une parfaite synthèse des idées et de la communication de l’actuel occupant de la Maison Blanche.
On va probablement nous dire qu’on exagère, qu’on intellectualise trop, que le film ne se veut pas un brûlot politique ou un film Art & Essai, juste un bon petit thriller horrifique doublé d’un action-movie haletant. OK… Mais dans ce cas, c’est raté aussi.
Franchement, l’irruption des quatre cinglés dans la cafétéria du lycée n’a rien d’effrayant. On ne ressent rien, aucune angoisse, aucun frisson d’horreur, rien du tout. Les exécutions qui devraient nous glacer le sang ne provoquent rien, parce qu’on n’y croit pas. Rien à voir avec We need to talk about Kevin, La vie devant ses yeux, qui n’étaient pourtant pas des films à vocation horrifique. C’est encore moins Elephant, ou alors dans un magasin de porcelaine.
Quant à l’action, elle est hautement prévisible de bout en bout. On sait d’emblée que l’héroïne est en mesure de tenir tête aux quatre neuneus, qu’elle va s’en sortir et qu’elle va faire son deuil en tuant les méchants.
Bref, Run Hide Fight est totalement raté et n’avait absolument pas sa place en sélection officielle à la Mostra de Venise. A moins que les organisateurs aient souhaité montrer l’écart qui sépare un tel navet d’un film comme Nuove Orden de Michel Franco, qui traite aussi, en quelque sorte, de tueries de masse, mais avec la bonne distance, une mise en scène tétanisante, et un fond politique bien plus conséquent.
Zappez, fuyez, oubliez!
Autres avis sur le film
”If Elephant meets The Hunger Games is your idea of an enticing elevator pitch, you’re unlikely to be disappointed by Run Hide Fight, though you might want to take a long hard look at your enthusiasm.”
(Guy Lodge, Variety)
“It’s tasteless deeply reactionary and as an action movie unusually inept.”
(@Drjonty sur Twitter)