[Compétition Officielle]
De quoi ça parle?
D’une fête de mariage bourgeoise gâchée par l’irruption d’un groupe de personnes menaçantes.
De la révolte des pauvres contre les nantis.
Du chaos que génère cette révolution et de l’émergence d’un ordre nouveau. Meilleur ou pire que le précédent? A voir…
Pourquoi la dictature de (Michel) Franco nous fascine?
Parce que, comme toujours, le cinéaste mexicain filme son récit de façon extrêmement clinique, à bonne distance. Pas besoin de longs dialogues ou de scènes explicatives. En quelques plans, le ton est donné : des illuminés se badigeonnent de peinture verte ou en aspergent les objets qui constituent des signes extérieurs de richesse. Un hôpital tente de s’organiser pour accueillir un afflux de patients sérieusement amochés. Des cadavres sont entassés dans une ruelle… Coupés de ce chaos, deux familles bourgeoises célèbrent le mariage de leurs enfants. En coulisses, on parle business et pots de vin. Des enveloppes changent de main. De l’argent est rangé dans un coffre. C’est un peu pour cela qu’un vieux domestique vient solliciter l’aide de ses anciens patrons. Sa femme malade doit être opérée d’urgence, mais il n’a pas la somme nécessaire –exorbitante – pour payer les frais d’hospitalisation. Sa demande est accueillie avec un certain mépris et il n’obtient qu’une partie de la somme. La seule qui accepte de l’aider, c’est la mariée, Marianne. Elle prend dans le coffre familial la somme nécessaire à l’opération et décide de quitter la fête de mariage pour emmener elle-même la malade à l’hôpital.
Sa générosité sera bien mal récompensée, car dehors, les émeutes font rage et certains groupuscules prennent les bourgeois en otage pour réclamer de fortes rançons aux familles. Marianne est kidnappée, emprisonnée avec une vingtaine d’autres victimes. Elle est battue, humiliée, violée par ses gardiens. Son chemin de croix est emblématique du changement qui est en train de s’opérer dans le pays, de la violence et de l’oppression qui vont naître de ce bouillonnement.
Si le récit se déroule dans un Mexique fictionnel et dystopique, les péripéties nous semblent assez familières. Elles évoquent des situations passées et contemporaines, en Amérique du Sud notamment, qui a été est est toujours en proie aux guérillas, aux coups d’état et aux régimes autoritaires. Mais cette rébellion violente, cette explosion de brutalité et de haine, peut trouver également écho dans la radicalisation des mouvements sociaux en Europe ou aux Etats-Unis : groupuscules de gilets jaunes radicaux en France, black blocs commettant des actes violents et des pillages un peu partout en Europe, émeutes communautaires finissant en affrontements aux Etats-Unis… Ce sont encore des mouvements minoritaires, mais un rien pourrait tout faire basculer. Nous ne sommes probablement pas si loin du chaos dépeint par le film, et le constat est absolument glaçant.
Le cinéaste veut montrer que les révolutions les plus brutales ont toujours lieu quand les inégalités sociales sont les plus fortes, quand les puissants vivent dans l’opulence, sourds aux grondements du peuple. La condescendance, le mépris, la ségrégation raciale, culturelle et sociale n’engendrent que la colère, la haine et la barbarie. Il rappelle aussi que ce genre de révolution finit toujours mal, en général. Le chaos finit toujours par s’effacer au profit d’un nouvel ordre. Soit des leaders émergent parmi les révolutionnaires et s’imposent comme les nouveaux maîtres du pays, la plupart du temps en éliminant leurs rivaux et en instaurant un régime de terreur, soit la révolution tourne court, réprimée dans le sang par le pouvoir en place ou par l’armée. Dans tous les cas, c’est le terreau idéal pour faire germer une dictature.
Michel Franco signe là l’un de ses meilleurs films. Nuovo Orden est une oeuvre puissante, d’une redoutable efficacité, brutale, âpre et terrifiante.
Prix potentiels ?
Un prix de la mise en scène est fort possible. Le Grand Prix et le Lion d’Or aussi, à condition que le jury n’ait pas été durablement traumatisé par l’expérience.
Autres avis sur le film
“New Order” is sure to become a cult favorite among people who like their films to be traumatizing, although other people will be repulsed by Franco’s sadistic tendencies.”
(Nicholas Barber – Indiewire)
“Uno dei film più sorprendenti di #Venezia77 è il messicano #NuevoOrden di #MichelFranco.”
(“Un des films les plus surprenants de la 77ème Mostra de Venise”)
( @Darkside Cinema sur Twitter)
Crédits photos : Official still et affiche fournies par la Biennale di Venezia