Nabokov, 7 ans avant le film, écrivit ce roman critiquant une société américaine bourgeoise et puritaine sur fond de pédophilie. Il participa à l’écriture du scénario avec Kubrick qui pour contourner la censure transforma la jeune fille de 12 ans dans le roman en jeune fille de 16 ans ; et rien que cette modification donne un accent différent et moins scandaleux au film. Sa « Lolita » devient une nymphette un rien allumeuse qui joue de ses charmes pour faire tourner la tête du prof de français de 30 ans son aîné hébergé par sa mère. De fait, même si une éventuelle liaison sexuelle entre les deux semble condamnable, elle est beaucoup moins scandaleuse, délictuelle et sulfureuse qu’avec une jeune fille de 12 ans. A 16 ans la Lolita de Kubrick est très consciente de ce qu’elle provoque et en joue et en tant que spectateur c’est délectable ; Sue Lyon avec une économie de mots mais des postures et des allusions suggestives met dans le mille à chaque fois. Et cela commence par sa première apparition à l’écran en bikini, scène du 7ème art devenue culte. Elle a dit qu’elle s’est entendue à merveille avec James Mason sur le tournage ; pas étonnant, ce dernier dans le rôle du prof de français perdant littéralement la tête devant cette « Lolita » inaccessible parvient même à être touchant. Et depuis une lolita a même fini par devenir un terme générique ce qui témoigne déjà de la puissance du film dans l’esprit collectif. Bref, ce prédateur sexuel en est pathétique, car pour rester près de la jeune intrigante, il finit par épouser sa mère, une mégère mi dévote mi dévergondée jouée par une actrice tout aussi géniale que les deux autres. Mais pathétique surtout car le vrai pédophile du film n’est pas le prof de français mais celui qui va lui ravir son objet de convoitise ; un scénariste fantasque dont Peter Sellers trace les contours et fait une composition extraordinaire entre Clouzot de la « Panthère Rose » et « Dr Folamour ». Le film fit couler beaucoup d’encre à sa sortie, 50 ans après, je ne le trouve pas si subversif que çà, car à l’instar du roman, avoir vieillie Lolita de 4 ans change totalement la lecture de l’histoire. L’axe central reste cette histoire d’attirance contre nature, mais c’est aussi et surtout un brûlot sur la génération précédent celle de Lolita entre puritanisme et appropriation des normes plus libertaires portées par la génération de leurs enfants. De fait, tous les adultes sont pathétiques dans ce film et pas uniquement le prof de français aux tendances pédophiles.
A voir, car un film de Stanley Kubrick est toujours incontournable même si celui-ci est loin d’être le plus personnel et le plus dérangeant.
Sorti en 1962
Ma note: 16/20