5ème long métrage du réalisateur colombien Ciro Guerra qui s'est particulièrement distingué avec "L'Etreinte du Serpent" (2015) et "Les Oiseaux de Passage" (2019). Cette fois le cinéaste adapte le roman éponyme (1980) de J.M. Coetzee, Prix Nobel de littérature 2003 dont l'oeuvre est marquée par l'ambiguité, la violence et la servitude au sein de système corrompu. Dit comme ça on pense à de nombreux films d'anticipations ou dystopiques surtout, de "Metropolis" (1927) de à "Hunger Games" (2012) de Gary Ross en passant par "Soleil Vert" (1974) de Richard Fleischer ou "Brazil" (1984) de Terry Gilliam. La différence notable étant tout de même que le récit se situe plutôt au 19ème siècle en pleine expensionnisme colonial. Ciro Guerra réalise et écrit le scénario... Dans un empire, un magistrat gère une citadelle à la frontière avec les tribus du Nord. Alors que tout semble aller plus ou moins bien, le pouvoir central diligente le colonel Joll, officier d'une sorte de police politique qui va user de tous les pouvoirs pour en savoir plus sur les plans belliqueux des tribus du Nord. Alors que pour le magistrat la paix était son quotidien, Joll s'avère être un tortionnaire qui semble croire à une attaque imminente venant du Nord. Le magistrat n'y croie pas, et entre temps s'amourache d'une des victime de Joll...
Cio Guerra réunit dans son film un casting haut de gamme qui démontre un réel intérêt pour ce film prometteur. Le magistrat est incarné par Mark Rylance, acteur fétiche d'un certain Spielberg avec "Le Pont des Espions" (2015), "Le Bon Gros Géant" (2016) et "Ready Player One" (2018). Les officiers tortionnaires sont incarnés par deux stars souvent judicieux quant à leur projets, Johnny Depp vu récemment dans "Les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindewald" (2018) de David Yates et "Les Derniers Jours de Monsieur Brown" (2019) de Wayne Roberts, puis Robert Pattinson actuellement omniprésent dans (2020) de Christopher Nolan et "Le Diable, tout le Temps" (2020) de Antonio Campos. Chez les dames on citera Greta Scacchi plutôt discrète depuis un moment mais vue dans "Du Miel plein la Tête" (2018) de Til Schweiger et "Palm Beach" (2019) de et avec Rachel Ward, puis surtout Gana Bayarsaikhan aperçue dans (2014) de Alex Garland et "Wonder Woman" (2017) de Patty Jenkins. Pour terminer, un second rôle pour Harry Melling qui se construit une filmo de premier ordre surtout depuis "La Ballade de Buster Scruggs" (2018) des frères Coen et qui retrouvera ainsi Pattinson dans "Le Diable, tout le Temps"... Dès les premières minutes on devine que le film sera long et lent, dans le sens contemplatif, presque léthargique. On se retrouve immergé au sein d'un fort où il semble qu'il n'y a pas grand chose à faire. La frontière est calme malgré quelques menues infractions, l'ennui est ce qui semble rythmé ce fort tenu par un magistrat solitaire et particulièrement humain et compréhensif. Tout change quand le colonel Joll arrive avec sa troupe pour tenter d'endiguer une soit disante attaque imminente des barbares du Nord.
Tout est fait pour qu'on haïsse ces soldats, de bonnes caricatures du Waffen SS, et tout est fait pour qu'on aime le magistrat si humble et si plein d'empathie. D'emblée on n'est pas séduit par ce manichéïsme primaire et cette mascarade sans finesse dans son propos. Les méchants sont vêtus de noir, leur chef porte même des lunettes spécifiques, ils sont tous sans nuances, monolithiques, les gentils sont vêtus de façon plus désordonnés forcément, ils sont plus humains car moins psycho-rigides, plus compréhensifs les uns avec les autres. Certe on comprend le but, dénoncer tout régime totalitaire empreint d'une paranoïa certaine et d'une xénophobie latente. Malheureusement, on aura déjà vu sur le sujet des tonnes de films bien plus subtils et mieux écrits. En premier lieu desquels le magnifique "Le Désert des Tartares" (1976) de Valerio Zurlini dont Ciro Guerra s'inspire à l'évidence (!?), à l'instar du roman d'ailleurs, lui-même adapté du roman éponyme (1940) de Dino Buzzati qui a dû inspiré J.M. Coetzee. L'atmosphère est très languissant, pesant, tiré en longueur pour bien appuyé l'ennui du fort, l'absence d'enjeu et insisté sur la paranoïa de ces soldats en noir montrés comme des intrus. la violence n'est pas franchement montrée (seule une scène est marquante), peu de rythme, et le sac de la fin arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Le côté contemplatif est alors primordial, et sur ce point on est plutôt ébloui par les paysages, les décors merveilleusement photographiés par Chris Menges, Directeur Photo déjà remarqué notamment sur de grands films comme (1986) de Roland Joffé, "The Boxer" (1997) de Jim Sheridan ou "The Reader" (2009) de Stephen Daldry. Tout dans ce films est donc sans nuance, un monde noir et blanc sans une once de gris, une histoire pour dénoncer une certaine idéologie mais qui, de surcroît, offre un épilogue surprenant mais attendu (tout dépend comment on comprend la "paranoïa" du pouvoir en place !). En tous cas Ciro Guerra manque clairement d'inspiration sur ce film, de trop gros sabots...
Note :