Rien ne signifie rien tant que l’on n’assume pas un cadre de référence, nous dit James Hull, chantre s’il en est de la théorie narrative Dramatica. Cette même réalité de la psychologie s’applique aux histoires et à la structure de celles-ci.
Un but n’a de sens que s’il est placé dans un contexte objectif et associé à une conséquence. Sans contexte, nous tombons dans le piège de ne pas nous comprendre les uns les autres.
Dramatica expose des concepts. Qu’est-ce qu’un concept ? La définition habituelle est celle d’une représentation mentale abstraite. Considérons une expérience que nous vivons personnellement ou que nous observons.
Pour que nous puissions nous en saisir (fonction qui nous est donnée par notre esprit [à la fois notre entendement c’est-à-dire notre faculté de comprendre, notre imagination, notre mémoire, notre faculté de raisonner, d’analyser le réel à partir de notre intuition, c’est-à-dire de nos sensations], il existerait dans notre esprit (et selon la manière de penser les choses de Dramatica) un ensemble de concepts tels que les éléments de caractérisation des personnages qui sont en fait une liste de traits de caractère (Dramatica en a dénombré 64).
Dramatica se sert alors de ces traits de caractère pour modéliser le fonctionnement de notre esprit. Cela explique pourquoi un même terme peut apporter une signification différente selon le contexte dans lequel on le reconnaît.
Le contexte pour Dramatica est modélisé en quatre classes (ou domaines) : Universe, Physics, Mind, Psychology. Ce qui nous donne quatre points de vue différents par lesquels un même concept aboutit à quatre significations différentes (et 64 fois 4 est égal à 256 significations possibles).
Bien attribuer les concepts
Le postulat de Dramatica est qu’on ne peut pas tenir plus de quatre niveaux à la fois dans un même état de conscience (et moins ne permettrait pas de se saisir totalement de l’expérience).
Donc, Dramatica a élaboré des quaternités regroupant quatre par quatre les concepts. Ce qui importe surtout au sein de ces quaternités, ce ne sont pas les concepts qui la composent mais les relations qui unit les concepts de la quaternité.
La construction d’une quaternité se fonde sur quatre notions :
- Knowledge
- Thought
- Ability
- Desire
Knowledge, c’est la connaissance. La connaissance possède quelque chose de magique parce que malgré la diversité de nos connaissances selon les époques, selon les cultures, selon les disciplines, la connaissance forme un tout.
Thought regroupe notre entendement, notre imagination, nos souvenirs. Ability, ce sont nos diverses facultés et parmi celles-ci celles qui nous distinguent en tant qu’êtres humains parmi tous les êtres vivants (par êtres vivants, j’entends ce qui existe, animaux et végétaux comme autant d’organismes vivants et parmi les animaux, notre faculté de nous penser nous-mêmes nous distingue parmi le règne animal).
Quant à Desire, nous pouvons le comprendre comme nos instincts, nos besoins qui nous sont nécessaires et donc vers lesquels nous tendons. Mais aussi nos désirs auxquels nous aspirons. Desire est marqué par le mouvement. Tendance ou aspiration sont une force qui nous anime et nous oriente vers une direction.
Maintenant, Dramatica a transposé ces notions en :
- Universe pour Knowledge
- Mind pour Thought
- Physics pour Ability
- Psychology pour Desire
Un point important qu’il faut noter est que Universe est en tête de liste. Cette position est importante pour Dramatica parce que les auteurs (Melanie Anne Phillips et Chris Huntley) ont mûri leurs réflexions à partir de la connaissance (Knowledge).
S’ils avaient choisi l’une quelconque des trois autres classes, cela aurait donné selon eux une sémantique tout à fait différente et moins bien adaptée à ce qu’il visait. James Hull pense même que cela aurait été impossible à faire.
Voyez ce que dit Melanie Anne Phillips :
Le modèle du Story Mind tel qu’il est vu dans Dramatica est appelé un modèle K-based, car il voit tout du point de vue de la connaissance (Knowledge), plutôt que de thought, de Ability ou de Desire. Il est assez facile de s’en apercevoir parce qu’il n’y a pas de mots comme amour ou peur dans le modèle. Ces mots se trouveraient dans le domaine du désir (Desire) si la réflexion autour du projet de ce modèle (Dramatica) avait pris pour point de départ Desire et non Knowledge.
Le Story Mind, c’est le petit nom que donne Dramatica à l’esprit (notre esprit) lorsqu’il est confronté à un problème (le fait qu’il soit confronté à un problème est ce qui crée la fiction).
Connaissance et Expérience
Pour une K-based, la réalité observée prime sur la subjectivité de l’expérience (du vécu). On sépare ainsi les objets du monde extérieur et les principes rationnels considérés comme des vérités, évidentes par elles-mêmes et sur lesquels nous nous fondons pour nous saisir des objets du monde extérieur.
La science nous explique l’univers. Pour Dramatica, Universe est ce que nous savons. Et ce que nous savons, c’est la connaissance dans son unité et sa continuité (malgré la diversité des choses du monde extérieur et qui constitue notre connaissance, celle-ci est une, elle est un ensemble de savoirs, de savoir-faire (acquis par l’expérience d’ailleurs)).
La physique (Physics chez Dramatica) joue un rôle dans la description des processus de l’univers et, par conséquent, suppose une relation avec l’univers. La physique décrit les capacités de l’univers.
Notez la référence aux capacités (ou Ability) dans le contexte de l’univers ; l’univers (Universe) est l’angle choisi par le modèle Dramatica. Toutes les définitions élaborées par le modèle Dramatica, tous les concepts que Dramatica met en œuvre existent selon cet angle,
La psychologie (Psychology), ou la façon dont nous pensons, est quelque chose que nous ne pouvons pas observer directement et que nous ne pouvons donc pas connaître avec certitude. Gardez une certaine distance, du moins un esprit critique, avec ces propos. C’est un compte-rendu des propos de Dramatica, je n’affirme rien. Gardons aussi à l’esprit que Dramatica se propose de nous assurer de la cohérence de nos récits.
Le processus de construction des pensées dépend entièrement de l’univers ; Dramatica envisage des modèles de psychologie qui ne font qu’imiter la réalité (simplement parce qu’ils l’interprètent comme s’il ne nous est pas possible de comprendre les choses sans les altérer) et dépendent de notre compréhension fortement biaisée par notre psychologie du monde qui nous entoure. L’univers dépend de la psychologie pour devenir une réalité (enfin si j’arrive à suivre ce qu’écrit James Hull, la réalité perçue (donc Universe) est forcément une réalité personnelle, notre réalité, non pas celle de l’objet que nous observons qui devient autre dans notre esprit).
Dit plus simplement (si tant soit peu que ce soit possible), nous façonnons la réalité. La réalité des choses dans le monde extérieur n’est pas la réalité exacte que nous nous représentons.
De ce point de vue fondé sur la connaissance, les désirs (Desire) sont des sentiments qui sont finalement impossibles à quantifier (leur réalité est immatérielle. J’aimerais pouvoir en discuter dans le forum avec vous).
Les désirs reposent sur la connaissance tout autant que la psychologie repose sur l’univers. On peut réfléchir par exemple sur les besoins vitaux. L’instinct de survie (autre exemple) est bien définie par l’environnement (Universe) dans lequel il est fait appel à lui.
Enfin, le domaine Mind.
Alors que la connaissance ne cesse de progresser, censée faire de nous des êtres meilleurs, plus évolués, notre propre esprit nous trompe, travaillant contre nous pour démolir ce qui est juste (il est donc clair pour Dramatica que l’avenir de l’humanité passe par la connaissance. La connaissance est vérité d’où l’emploi du terme juste).
La dissonance cognitive, un état d’esprit, est la clé de voûte ultime de toute hypothèse. Avoir un meilleur esprit, c’est penser à travers les préjugés, les opinions et les intuitions pour démêler sa base de connaissances forcément limitée (la connaissance a beau être un tout, nous ne sommes capables que d’en saisir un fragment). Cette réflexion est un bon point pour Dramatica.
La pensée est le destructeur des mondes, de la même manière que l’énergie concentrée fait éclater la masse la plus rigoureuse. Lorsque la connaissance s’acquiert, la pensée se trouve en opposition directe, fonctionnant comme antagoniste.
Alors que Mind révèle l’univers (Universe) tel que nous le percevons, lorsque la connaissance (Universe) s’offre à nous dans sa nudité, nous l’affublons d’oripeaux. Notre pensée est ainsi faite qu’elle s’offusque d’abord du monde avant même d’espérer se l’approprier.
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