20 ans, il aura fallu pas moins de 20 ans pour que la réalisatrice Caroline Vignal revienne avec un second film après "Les Autres Filles" (2000). Entre temps la cinéaste a surtout oeuvré comme scénariste pour la télévision. L'idée de ce second film lui est venu après avoir passé elle-même des vacances dans les Cévennes : "Enorme coup de coeur pour ces paysages, pour cette région sauvage, très peu peuplée, et pour les personnes - des néo-ruraux - que nous y avions rencontrés. De cette brève randonnée (ma fille, qui avait alors six ans, était du voyage) avec un âne, je garde un souvenir idyllique. Je suis originaire du Midi ; petite, j'ai passé toutes mes vacances dans l'Hérault et le Gard. Je crois que j'ai retrouvé dans les Cévennes quelque chose du midi de mon enfance. On est retournés marcher l'année suivante. Cette fois-ci, l'âne qui nous accompagnait s'appelait Patrick. Ce détail cocasse, qui me faisait beaucoup rire, a semé l'idée d'une comédie qui aurait un âne pour personnage principal." L'autre idée est plus pragmatique, à savoir y ajouter une référence au livre "Voyage avec un âne dans les Cévennes" (1879) de Robert Louis Stevenson (connu pour "L'Ile au Trésor" et "Mr. Jekyll and Mister Hyde"), dans lequel le romancier relate son voyage initiatique avec un âne.
Ce livre est devenu une référence également pour les randonneurs du sentier de grande randonnée GR70 dit "chemin de Stevenson"... Antoinette est institutrice devenue la maîtresse (!) du papa d'une de ses élèves. Quand elle apprend que son amant part dans les Cévennes avec sa famille elle décide d'y aller aussi, en espérant croiser "par pure coïncidence" l'homme qu'elle aime. Flanquée d'un âne récalcitrant, les deux compagnons de randonnée vont pourtant apprendre à se connaître... On constate que les protagonistes principaux sont tous joués par des acteurs qui ont été reconnus récemment malgré des années d'expériences. La maîtresse Antoinette est incarnée par Laure Calamy pour la première fois dans un rôle principal mais particulièrement remarquée ces dernières années notamment dans (2017) de Léa Mysius ou dans "Seules les Bêtes" (2019) de Dominik Moll. Son amant est interprété par Benjamin Lavernhe vu dans (2019) de Lou Jeunet et dans "Je voudrais que Quelqu'un m'attende Quelque Part" (2019) de Aranaud Viard, son épouse est jouée par Olivia Côte vue dans "Larguées" (2018) de Eloïse Lang et dans (2018) de Jeanne Herry. On citera un second rôle tenu par Jean-Pierre Martins discret depuis quelques temps et qu'on avait pu voir dans (2007) de Olivier Dahan et "La Horde" (2010) de Yannick Dahan et Benjamin Rocher... La première scène annonce déjà la couleur, surtout en ce qui concerne l'institutrice qui malgré sa position semble être transformée en midinette. C'est sans doute ce qui pourra bloquer certains, Laure Calamy jouant une maîtresse plus toute jeune qui agit et réagit comme une adolescente...
Sauf qu'en vérité il n'est pas rare de voir des adultes être immature et/ou devenir niaise et/ou un peu bête quand ils tombent amoureux. Donc cette femme, charmante et drôle parvient à nous toucher et à nous émouvoir, autant dans ses relations avec ses semblables qu'avec son lien évolutif avec son âne bâté. L'atout humour repose néanmoins sur Patrick, qui au fur et à mesure que Antoinette et lui se rappoche, il va aussi être le premier témoin bruyant des ébats de sa camarade de randonnée ! Ce buddy movie animalier et bucolique est une aventure réaliste pourtant, car rien ne semble hors norme, on constate que le passé de Caroline Vignal associé à celui de Stevenson ont effectivement été une source d'inspiration judicieuse. On peut rappeler ainsi que Stevenson insiste dan son livre sur le lien sentimental qu'il avait avec son ânesse Modestine. La réalisatrice-scénariste en profite aussi pour croquer quelques seconds rôles, d'une randonneuse bobo donneuse de leçon au randonneur pervers opportuniste en passant à l'hôte témoin joyeux des aventures de Antoinette. On peut regretter que les paysages des Cévennes n'aient pas été plus importants, ils sont laisser un peu mis en second plan, où ne sont-ils pas assez sublime pour prendre la place espérée d'un personnage à part entière ?! Néanmoins, la cinéaste signe une comédie savoureuse, à la fois drôle et émouvante avec une Laure Calamy investie. Un très bon moment.