Synopsis : " Dans les années 1980, Rory, un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison, son épouse américaine, et leurs deux enfants de quitter le confort d'une banlieue cossue des États-Unis pour s'installer en Angleterre, son pays de naissance. Persuadé d'y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter à cheval. Mais l'espoir d'un lucratif nouveau départ s'évanouit rapidement et l'isolement fissure peu à peu l'équilibre familial. "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Production indépendante réalisée du haut de ses 600.000 dollars de budget, Martha Marcy May Marlene a su créer en 2011, un engouement certain. Un film de festival, un film qui, contrairement à beaucoup de ses confrères, a eu l'honneur de s'offrir une renommée auprès des puristes. Il a, à sa manière, marqué les esprits des connaisseurs qui avait perçu en son œuvre, une certaine sensibilité. Neuf années de gestation, de pré-production, de tournage et de post-production plus tard, le cinéaste revient avec The Nest. Une coproduction Angleterre, États-Unis et Canada qui confirme que Sean Durkin est un cinéaste de festival. Il aura suffit d'un passage éclair au Festival de Sundance puis au Festival du Film Américain de Deauville (Grand Prix, Prix Fondation Louis Roederer de la révélation et Prix de la critique) pour que le film crée sa renommée et développe une attente particulière auprès de cinéphiles curieux et curieuses. Un film à la hauteur des louanges et de l'attention qu'on lui porte ?
L'argent ne fait pas le bonheur. Ambitieux, protecteur et un brin hautain, Rory décide de quitter les États-Unis, terre d'adoption, pour la terre de ses ancêtres : l'Angleterre. Ferme, décidé, convaincu, Rory emporte femme et enfants, pour vivre une nouvelle aventure qui va lui faire comprendre qu'ambition ne rime pas avec prétention. Indubitablement, Sean Durkin signe avec The Nest un film dans l'ère du temps. Sans être fermement engagé dans un mouvement féministe, The Nest est une œuvre qui exploite à rebours le fameux le rêve américain. Que se passe-t-il dans la tête d'un homme qui a vécu le rêve américain ? Parti de rien d'Angleterre, avant de devenir aux États-Unis un courtier de renom aux poches pleines de millions. Un après peu exploré au cinéma, là ou le rêve américain, sujet de fantasmes par millier, est une thématique qui intéresse, car elle évocatrice. Le rêve américain évoque le rêve, le fantasme, la projection instantané chez un spectateur qui se sent pousser des ailes et l'envie de se dépasser. La chute est moins évocatrice, elle fait moins fantasmée, mais elle permet de proposer quelque chose dans l'ère du temps. Jamais mis en scène, mais simplement évoqué de manière sous-jacente, le passé du protagoniste va ici jouer un rôle prépondérant.
Un rôle prépondérant dans la manière d'apprivoiser et de comprendre, afin de développer une forme d'empathie pour cette homme, figure représentative du patriarcat. Parce que oui, derrière ses allures de drame intimiste sur la figure du couple, The Nest s'amorce comme le reflet d'une société qui évolue et rejette activement la figure du maître de maison. Cette figure masculine dominante, hautaine, arrogante et destructrice pour celles et ceux qui l'entoure. Une figure que le cinéaste Sean Durkin réussit à nous faire détester grâce à sa direction d'acteur. Un Jude Law épatant, au jeu bouillonnant, tout en intériorisation. On prend un malin plaisir à le voir s'écrouler tandis que la figure féminine du foyer ne fait que prendre en ampleur. Que gagner en autorité, face à un homme qui c'est brûlé les ailes à trop vouloir voler proche du soleil. Un propos intéressant, doublé d'une direction d'acteur intense et significative. Une œuvre portée et incarnée par un casting de choix, mais qui derrière un scénario aussi fort que pertinent, cache un désert artistique.
Si la direction artistique propose des choix d'accessoires et de décors aussi élégants que cohérents avec l'histoire racontée, le terme qui revient avec aisance est : quelconque. Rien de transcendant, rien qui va inculquer à l'œuvre cette originalité qu'il lui aurait fallût aller chercher. Ce qui va pour le choix des décors, va pour les choix de cadrage, ainsi que la mise en scène de Sean Durkin. Si la sobriété est un choix pertinent, car en total opposition avec des productions indépendantes américaines qui prônent très souvent l'immersion par une caméra immersive, ainsi qu'une stylisation de tous les instants, à trop vouloir se détacher, Sean Durkin occulte toute possibilité d'immersion et d'imprégnation. Une réalisation distanciée (avec le choix discutable d'utiliser des objets du décors comme amorce afin de faire ressentir la présence de la caméra) qui éloigne le spectateur de l'action. Un spectateur qui ne reste que spectateur, qui ne s'imprègne presque jamais de ce que vivent les personnages. Les moments plus intimes, plus provocants et évocateurs n'arrivent que trop tard dans le récit. À des moments logiques et cohérents vis à vis de l'histoire, mais le mal est fait. Le rythme monotone du découpage, ne fait qu'amplifier cette sensation de lenteur et d'accentuer la distanciation entre le spectateur et toutes formes d'émotions.
Un ressenti paradoxal. Si l'intérêt pour l'histoire racontée est présent, l'ennui se fait fermement ressentir. Un ennui poli, de plus en plus présent au fur et à mesure des séquences. Aborder le rêve américain de manière à ne pas raconter la même chose que les autres. Raconter l'après et coller à une société qui cherche à s'émanciper de ce que peuvent devenir celles et ceux qui accèdent et prennent goût à la réussite, au pouvoir. The Nest remet la figure patriarcale du mâle dominant possessif et autoritaire à sa place. Une belle direction artistique et un couple Jude Law/ Carrie Coon d'exception dans un film monotone, ne trouve jamais son rythme et à la mise en scène poussive. On reste sur notre faim, tiraillé entre une histoire qui intéresse et une œuvre qui, dans son global, manque d'un parti pris. Œuvre qui souffre du manque de la patte artistique d'un metteur en scène qui s'affirme et dévoile une vision par des choix de mise en scènes appuyés qui permettraient au spectateur de ne pas être tant distancié des personnages. Ressentir des émotions, et ne pas être qu'un simple spectateur assis dans son fauteuil.
Au cinéma dès le 18 Novembre 2020 en France.
" Une belle direction artistique et un couple Jude Law/Carrie Coon d'exception dans un film monotone, ne trouve jamais son rythme et à la mise en scène poussive. "