Ils apparaissent encore et encore, toujours reconnaissables, mais toujours différents. Ils entrent en résonance avec le subconscient du lecteur à un niveau profond, écrit Rayne Hall.
Un archétype bien vivant
L’archétype est une partie importante de la caractérisation du méchant de l’histoire – mais il ne remplace pas le développement du personnage. À moins d’être étoffés en tant qu’individus, les archétypes restent sans vie.
Passons en revue quelques archétypes et si l’un d’entre eux retient votre attention ou vous intrigue, servez-vous en comme fondement pour créer un personnage de fiction doué d’une conscience. Et si vous avez déjà créé votre méchant, repérez chez l’archétype les traits qui pourraient vous permettre d’approfondir votre créature.
Rayne Hall prévient qu’un archétype n’est pas genré et qu’il s’applique autant aux méchants qu’aux méchantes.
Le mal incarné
On le trouve le plus souvent dans les fictions historiques et fantaisistes.
Il est motivé par le pouvoir et le contrôle d’autrui. Son but est non seulement de conserver son empire (ou son emprise) mais aussi de l’étendre.
Son style est basé sur la planification à long terme. Il planifie des années et des décennies à l’avance, et garde toujours la vue d’ensemble à l’esprit. Il est extrêmement intelligent (un antagoniste se doit d’être redoutable et surpasser par de nombreux points le héros de l’histoire). Ses décisions sont rapides et impitoyables.
Il obtient le soutien d’autres personnes pour atteindre ses objectifs. Pour garder ses subordonnés sur le droit chemin, il utilise la carotte et le bâton – un mélange d’incitations et de menaces. Il n’a aucun scrupule à manipuler les autres, et il est habile à subvertir leurs nobles idéaux et leurs convictions religieuses au profit du mal.
Parfois, il est le maître d’œuvre de plusieurs autres méchants.
Soit il venait d’une position humble et sans espoir (peut-être était-il un orphelin maltraité ou le fils illégitime d’un monarque) et a comploté pour atteindre le sommet – soit il était un héros désintéressé qui a courageusement mené le peuple dans la lutte contre l’oppression jusqu’à ce que le combat soit gagné. Il est alors devenu le nouveau dirigeant et son nouveau pouvoir l’a corrompu.
Il ne craint qu’une chose : perdre le contrôle. Sa faiblesse est la méfiance envers ses partisans ; il peut soupçonner des traîtres partout et faire exécuter ses sbires les plus loyaux en cas de suspicion de trahison.
L’intrigant
Ce méchant s’inscrit dans toute société et dans tout genre de fiction. Il peut être la sœur de l’héroïne, sa voisine, sa collègue ou son amie. Il peut être la secrétaire efficace qui vend des informations à la concurrence, l’agent double qui vend des informations aux nations rivales, ou le conseiller qui empoisonne l’esprit du client.
Dans certaines œuvres de fiction, cet archétype n’est pas le véritable méchant, nous prévient Rayne Hall, mais un méchant mineur, et sa vilenie peut ne pas être révélée avant le moment de crise personnelle que devrait connaître le personnage principal si l’on respecte la structure habituelle d’un récit.
Les projets de l’intrigant s’inscrivent dans le long terme. Il identifie les personnes qui peuvent l’aider à atteindre son objectif et se lie d’amitié avec elles. Il leur accorde des faveurs, les soutient, gagne leur confiance et leur fait croire qu’il est leur ami.
Cet archétype est motivé par l’ambition. Qu’il veuille accéder à un poste de cadre supérieur, voler le mari d’une autre femme, devenir le ou la plus populaire du lycée ou épouser un ou une millionnaire, cet archétype sait ce qu’il veut et fait tout pour l’obtenir. Même ses proches n’ont aucune idée de ce qu’il recherche réellement car il semble digne de confiance. Pourquoi alors le mettre en doute ?
Rayne Hall voit cependant une faiblesse dans cet archétype. Parfois, il craint secrètement de ne pas être à la hauteur de son entreprise.
Sa faiblesse peut être d’ignorer les manigances des autres. il n’a pas la même vision d’ensemble que le mal incarné (le précédent archétype), et pourrait apprendre trop tard que, malgré son habileté à manigancer, il n’était qu’un pion dans le jeu de quelqu’un d’autre. Parfois, la chute de ce personnage est un piège qu’il s’est lui-même tendu.
L’obsession du scientifique
Ce méchant est intelligent, analytique, créatif et déterminé. Il peut être un pirate informatique, un magicien, un alchimiste, un inventeur, un chercheur, un professeur, un médecin ou un ingénieur. Dans certaines œuvres de fiction, il est présenté comme un scientifique fou, mais le plus souvent, il est terriblement sain d’esprit.
Son but est de prouver au monde, et surtout à ses pairs, qu’il a raison, que son hypothèse, son invention, sa solution fonctionne. Il a besoin de cette reconnaissance. Ce trait archétypal ne se trouve pas seulement chez les méchants. Un personnage, allié du protagoniste, peut posséder une telle obsession.
Son style est analytique et précis. Il fera ce qu’il faut pour atteindre son objectif et, si nécessaire, il fera de grands sacrifices personnels.
Toute sa vie, personne ne l’a pris au sérieux. Ses camarades de classe à l’école le considéraient comme un nerd. Plus tard, ses pairs se sont moqués de ses théories. Les organisations professionnelles peuvent avoir refusé de l’admettre en tant que membre, ou l’avoir disqualifié ou mis à la porte – injustement, selon lui.
Maintenant, il va leur montrer ce qu’il en coûte lorsqu’il estime qu’il est le temps de lui rendre des comptes. Ses moyens pour parvenir au résultat souhaité sont sans scrupules. Souvent, il s’agit d’expériences cruelles sur des animaux ou sur des prisonniers humains (L’île du Docteur Moreau, par exemple).
Sa conscience n’a aucun problème à tuer, mutiler et tourmenter d’autres personnes pour la cause. Comme il est prêt à faire des sacrifices, il ne voit pas pourquoi les autres ne feraient pas de même. Il peut avoir une tendance sadique et prendre plaisir à tourmenter ses sujets d’étude. Sa faiblesse est l’orgueil. Il est si convaincu de sa supériorité intellectuelle, si désespéré de la montrer et si désireux de prouver que son invention fonctionne qu’un manipulateur habile peut le mener dans un piège.
La mère étouffante
C’est un archétype motivé par le besoin de contrôler autrui.
Il s’attend à ce que chaque membre de sa famille (on peut étendre le mot famille à d’autres significations que l’entourage familial, une bande d’amis peut faire office de famille, par exemple) lui obéisse et il punit ceux qui s’écartent de sa volonté en emménageant dans leur propre appartement sans sa permission [vous pourriez dépasser cet exemple et le plaquer sur d’autres mots en recherchant des analogies) ou en prenant des décisions qu’il n’approuve pas.
Il sait qu’il a raison et il exige l’obéissance totale de chacun pour son propre bien.
En retour, il les protégera et les défendra. Il croit que ses chéris (Rayne Hall s’est limitée au cercle familial) sont parfaits – sauf lorsqu’ils désobéissent – et il nie ou justifie leurs erreurs. Son fils chéri est un violeur en série ? C’est la faute des femmes. Sa fille a assassiné un enfant ? Impossible. La mère étouffante fournira un faux alibi et jurera sous serment que sa fille n’a pas quitté son côté.
Chaque pièce ayant son revers, cet archétype s’effondrera lorsque les membres de ce qu’il considère comme sa famille se retourneront contre lui.
Le fanatique
Il est parfait pour la fiction historique et certains types de thrillers. Il peut être un chef de secte, un conquérant, un inquisiteur, un prophète, un prêtre, un croisé, un kamikaze ou un terroriste.
Ses convictions sont sincères, et c’est ce qui le rend si dangereux. Il est inutile de raisonner avec lui, car aucun argument ne résiste à ce qu’il croit être la volonté de Dieu. Il peut aussi avoir le soutien d’autres personnes qui partagent sa foi, que ce soit des individus ou un grand réseau, ce qui rend difficile pour quiconque de lui tenir tête.
Le fanatique ne craint ni la douleur ni la mort. Il peut même les vouloir. Ne négligez pas à la fois la cognition, l’affectivité et la conation dans l’élaboration d’un personnage. L’archétype en possède déjà quelques rudiments qu’il est souhaitable de creuser afin de donner une orientation au personnage, afin de le situer assez précisément dans l’esprit du lecteur/spectateur.
Le fanatique croit que mourir en faisant l’œuvre de Dieu lui garantit une place au paradis. La seule chose qu’il craint, c’est de manquer à ses obligations envers Dieu en ne lui livrant pas le nombre de corps requis.
Il peut faire de véritables bonnes actions – travailler sans relâche pour soigner les malades et les blessés, payer l’éducation des orphelins, protéger les femmes battues – car cela fait aussi partie de son devoir religieux.
Ce méchant a un grand sens de l’honneur – mais il est différent de ce que vous, le héros, ou le lecteur, considérez comme honorable.
Son étroitesse d’esprit peut entraîner sa chute. Il peut être tellement concentré sur sa cause qu’il ne réalise pas comment un méchant plus puissant que lui le manipule – et ce mal incarné n’a aucun scrupule à exécuter un fanatique qui ne lui est plus d’aucune utilité.
Parfois, un fanatique se lance dans une stratégie de persécution religieuse et se retrouve lui-même pris dans son propre processus, surtout lorsqu’un autre fanatique déclare que ses croyances sont hérétiques.
Le séducteur ou la séductrice
Elle (Rayne Hall a donné une apparence féminine à ce personnage, il est facile néanmoins de l’adapter à l’autre genre) utilise ses charmes – son corps ou son esprit – pour obtenir ce qu’elle veut. Qu’elle joue les innocentes pour persuader le millionnaire mourant de l’adopter, qu’elle couche avec un politicien pour l’amener à divulguer des secrets d’État ou qu’elle prête simplement une oreille si attentive que sa victime flattée ne peut s’empêcher de tomber amoureuse et de divorcer pour elle, elle fait en sorte que les gens se sentent bien pour qu’ils s’accordent à sa volonté.
La motivation de cet archétype n’est pas évidente. Souvent, il y a un besoin sous-jacent de sécurité, ou un besoin de renforcer son estime de soi.
Elle est douée pour évaluer les gens, intelligente, sensible, manipulatrice et menteuse. Elle n’a pas pitié de ceux qu’elle a blessés – ni de la femme dont elle a volé le mari, ni des enfants qu’elle a rendus orphelins, ni de l’homme politique évincé de son poste après la révélation de l’affaire. Elle ne se soucie que d’elle-même.
Le sadique
Sa motivation est le plaisir, souvent teinté d’une excitation érotique. La douleur ou la peur de ses victimes lui procure un frisson. Parfois, il y a un élément religieux en jeu – il croit que Dieu l’a appelé pour punir les prostituées – mais la principale motivation est la recherche de sensations fortes.
Il est exceptionnellement intelligent, prend des risques et n’a peur de rien. Parfois, il se moque de ses poursuivants, par exemple en donnant à la police des indices sur son identité, ou en s’insinuant dans une enquête. L’archétype du méchant sadique peut être qualifié de sociopathe.
Souvent, le sadique mène une double vie. Lorsqu’il ne démembre pas les enfants, il peut être un mari tendre, un père aimant, un adorateur pieux et un pilier de la société.
Il a probablement subi des violences cruelles continues dans son enfance, et a peut-être pratiqué des abus contre d’autres enfants ou contre des animaux dès son plus jeune âge, nous prévient Rayne Hall.
Le sympathique escroc
Le charme est la marque de fabrique de ce méchant. Il ou elle sait lire les gens, s’adapter, être confiant, persuasif et inspirant. Il ou elle incite les gens à renoncer à leurs économies, à acheter des actions sans valeur (par exemple) et à modifier leur testament en sa faveur. Souvent, il ou elle utilise les faiblesses morales d’autrui pour les attirer dans un piège.
Sa motivation est l’avidité. Ce méchant veut quelque chose – généralement la richesse – et il pense que parce qu’il le veut, il y a droit. Ses relations aux autres sont faussées dès le départ car ce personnage se joue de la confiance qu’on est enclin à lui donner.
Sa plus grande peur est la pauvreté. Quel que soit le personnage que l’on construit et quelle que soit sa fonction dans l’histoire, inventez l’événement ou l’expérience qui peut expliquer la terreur qu’un personnage peut ressentir dans des circonstances particulières.
Ce sera son point faible. Par exemple, ce n’est pas parce que l’escroc possède cette qualité de distinguer la faiblesse d’autrui et l’exploiter que lui-même ne soit pas atteint parfois d’une crainte irraisonnée (ou du moins qu’il ne peut s’expliquer) et se montrer ainsi vulnérable.
Dans son enfance, cet archétype a peut-être souffert de privations parce que ses parents étaient trop naïfs ou trop dociles, et il a juré que cela ne lui arriverait pas. Il a choisi de devenir un arnaqueur plutôt qu’une victime.
Il peut détester la violence et éviter de blesser physiquement ses victimes, mais il n’a aucun scrupule à les laisser sans défense et affamées.
Sa chute est généralement due à son arrogance. Cet archétype peut monter des escroqueries de plus en plus importantes, en ayant trop confiance en ses capacités. Mais certaines de ses victimes peuvent ne pas être aussi crédules qu’elles le paraissent.
L’exclu
Ce méchant est en dehors de la société. Il peut avoir été officiellement chassé, ou les gens peuvent l’éviter pour une raison précise, ou peut-être n’est-il tout simplement pas sympathique. Il peut être le hors-la-loi, le nerd détaché de la réalité du monde, l’inadapté ou simplement le garçon impopulaire de la classe.
Il a peut-être été favorisé puis écarté, par exemple lorsque sa mère s’est remariée et a donné tout son amour à ses nouveaux enfants – ou il a peut-être toujours été traité comme ayant moins de valeur que les autres – par exemple, le fils cadet du roi. Quoi qu’il se soit passé, il en est devenu profondément offensé et il continue à nourrir sa souffrance.
En tant que marginal, il est souvent le bouc émissaire pour les méfaits des autres. Qu’un meurtre ait été commis ou que des objets de valeur aient disparu, il est automatiquement le suspect. Cela accroît son ressentiment et réduit ses scrupules.
S’il est accusé de mauvaises choses, il donnera de mauvaises choses en retour.
Il est motivé par un désir d’amour ou d’acceptation, soit de la société, soit d’une personne ou d’un groupe spécifique, bien qu’il puisse nier ce désir. Parfois, ce méchant est également motivé par un désir de vengeance, car il veut rembourser ceux qui lui ont fait du mal (ou pas ajouterai-je. Un désir de vengeance pourrait être une réaction autre que la loi du Talion et peut-être une position envers l’hybris, la démesure des êtres humains menant l’un d’entre eux en particulier à chercher vengeance au nom d’une idée morale le désignant ainsi comme l’antagoniste dans un monde qui l’a engendré et dont il heurte l’opinion commune).
Son style est intelligent, intuitif et parfois charismatique. Il est un observateur attentif et comprend souvent bien la nature humaine, mais malgré sa perspicacité, il n’a pas les compétences sociales nécessaires pour s’intégrer (Rayne Hall parle de l’intégration comme une nécessité sociale, comme un outil de la cohésion sociale. Peut-être devrait-on y voir aussi une volonté du vivre ensemble par un individu et pour des raisons qui seront à développer un refus des autres à se plier à cette volonté).
Sa faiblesse est son émotion. Il ressent tout profondément. Son jugement est obscurci par la haine et le ressentiment, et il manque des occasions à cause de son pessimisme et de son amertume. Dans les situations critiques, il peut ne pas maîtriser ses émotions.
Dans certaines œuvres de fiction, ce méchant se rachète et retrouve son chemin dans la société. Parfois, il se sacrifie comme le ferait le héros tragique.
Le tyran
Chez Rayne Hall, le concept tyrannique est celui du personnage qui abuse de son entourage sous prétexte d’une situation, de circonstances sociales ou familiales, d’une autorité, d’un pouvoir usurpé ou non d’ailleurs. Dans la pensée de Rayne Hall, le tyran est surtout un être dont tout l’art consiste à pourrir ses relations familiales, affectives, sociales en général.
Il peut s’agir d’une brute au lycée ou d’un cyber troll qui trouve ses victimes dans des forums sur Internet.
Il est motivé par le coup de fouet que son ego reçoit sur le court terme lorsqu’il détient le pouvoir sur une victime. Il saisit les opportunités plutôt que de poursuivre une stratégie à long terme. Contrairement à certains autres archétypes de méchants, le tyran n’a pas nécessairement une intelligence supérieure. Il est doué pour manipuler autrui, mais seulement dans certaines situations. Il a un arsenal de techniques pour rendre les personnes vulnérables impuissantes.
Sa plus grande crainte est d’être lui-même victime d’intimidation. Souvent, c’est un lâche dans l’âme. Sa chute (si on estime que la finalité d’un antagoniste est de connaître une faillite de sa volonté qui n’est pas nécessairement de nuire mais de s’opposer légitiment à la volonté du protagoniste) est qu’il n’inspire pas la loyauté.
Il a peut-être des suiveurs ou des épigones, mais ceux-ci ne le soutiennent que tant qu’il est dominant et fort. Lorsqu’il perd un combat, ses partisans l’abandonnent. Il risque également que l’un de ses lieutenants devienne un tyran supérieur et l’évince de son rôle de leader.
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