Aujourd'hui même est annoncé par son épouse la mort du grand acteur Michael Lonsdale ce 21 septembre 2020 à l'âge de 89 ans.
Né en 1931 à Paris Michael Edward Lonsdale-Crouch est le fils naturel de Simone Béraud et de Edward Lonsdale-Crouch militaire britannique. Il est le neveu de Marcel Arland, Prix Goncourt 1929. Peu après sa naissance, sa famille déménage à l'île de Jersey avant de repartir à Londres en 1935. En 1939 sa famille part pour le Maroc où son père devient négociant en engrais mais la famille perd sa liberté, les autorités de Vichy limitant fortement leur déplacement. Le Maroc est libéré après le Débarquement des alliés en octobre 1942, le jeune Michael découvre alors à Casablanca les films américains au cinéma. Il trouve ensuite un petit job dès 1943 chez Radio-Maroc où il anime des émissions enfantines. Sa famille fait retour en France en 1946 et s'installe à Cannes. Il rencontre l'acteur et metteur en scène Roger Blin quilui fait découvrir le théâtre puis part vivre à Paris à partir de 1949 avec sa mère. Ils s'installent dans un appartement face aux Invalides, logement qui appartenait à son grand-père maternel et Michael Lonsdale y vivra toute sa vie.
Il suit des cours de théâtre de Tania Balachova, et en 1953 il se convertit à la foi catholique. Il débute d'abord avec un petit rôle dans une pièce de théâtre, "Pour le Meilleur et le Pire" (1955) de Clifford Odets mis en scène par Raymond Rouleau, ce dernier qui insistera pour franciser son prénom en Michel parce qu'il n'arrivait à prononcer correctement Michael. A partir de là Michael Lonsdale n'arrêtera plus de monter sur les planches quasi jusqu'à la fin.
Dans la foulée, outre le théâtre, il obtient un rôle secondaire dans "C'est Arrivé à Aden" (1956) de Michel Boisrond. Sa carrière est lancée et ne s'arrêtera plus jamais de jouer, alternant sans discontinuer entre les planches et le grand écran même s'il lui a fallu quelques années pour connaître une vraie reconnaissance.
À ses débuts on peut citer les films "La Main Chaude" (1959) de Gérard Oury, "Snobs !" (1961) de Jean-Pierre Mocky, "Adorable Menteuse" (1962) de Jacques Doniol-Valcroze, "Les Copains" (1965 - ci-dessous à gauche avec Pierre Mondy, Christian Marin et ) de Yves Robert ou encore "Paris Brûle-t-il ?" (1966) de René Clément...
Mais il est complètement bilingue ce qui lui facilite les choses pour jouer dans des productions étrangères et ce dès se débuts, on peut donc le voir dans "Le Procès" (1962) de Orson Welles et dans "Et vint le Jour de la Vengeance" (1963) de Fred Zinnemann.
Il faut attendre la fin des années 60 et deux beaux rôles dans deux beaux films pour que l'acteur passe un cap. Ce sont les films "La Mariée était en Noir" (1967) et "Baisers Volés" (1968) tous deux de François Truffaut.
L'acteur devient un incontournable, et si les premiers rôles ne sont pas franchement pour lui il joue souvent des seconds rôles importants et/ou marquants dans tous les genres.Il devient un acteur fétiche de Jean-Pierre Mocky comme dans "La Grande Lessive" (1968 - ci-dessous à droite), "Chut !" (1971) ou "Un Linceul n'a pas de Poche" (1973). Il aborde les comédies de tous styles avec "L'Homme à la Buick" (1968) de Gilles Grangier, "Hibernatus" (1969) et "Le Téléphone Rose" (1975) de Edouard Molinaro.
Il aborde des films plus pointus avec "British Sounds" (1969) de Jean-Luc Godard, "L'Hiver" (1969) de Marcel Hanoun ou "Jaune le Soleil" (1971) de marguerite Duras, il aborde aussi le polar avec "Les Assassins de l'Ordre" (1970 - ci-dessous) de Marcel Carné, "Il était une Fois un Flic" (1971) de Georges Lautner, il continue avec des films anglophones comme "Chacal" (1972) de Fred Zinnemann et "Galileo" (1974) de Joseph Losey...
Thriller, drame, aventure, aucun genre n'échappe à l'acteur qui goûte à toutes les expériences... Citons encore "Le Souffle au Coeur" (1971) de Louis Malle, "Stavisky" (1974) de Alain Resnais, "Le Fantôme de la Liberté" (1974) de Luis Bunuel, "Section Spéciale" (1975) de Costa Gravas, l'excellent et méconnue "La Traque" (1975 - ci-dessous) de Serge Leroy, "Monsieur Klein" (1976) de Joseph Losey, "Une Sale Histoire" (1977) de Jean Eustache puis le pur film d'aventure "Passeur d'Hommes" (1978) de Jack Lee Thompson.
Malgré une carrière prolifique où il est sur tous les fronts, Michael Lonsdale fonde à la même époque le théâtre musical des Ulis en 1972 avec Michel Puig, puis le Comité des Intllectuels pour l'Europe des Libertés en 1978.
Alors à son apogée comme on dit, il se voit offrir un rôle très convoité, celui du méchant face à James Bond alias Roger Moore dans l'opus "Moonraker" (1979 - ci-dessous) de Lewis Gilbert. Ce personnage le place dans une position internationale inédite qui le confirme dans l'acteur idéal franco-anglais. Le film est évidemment un succès même si la postérité n'est pas tendre pour ce film qui demeure un des plus médiocres de la franchise.
Etonnament, il semble pourtant que l'acteur ralentit (un tout petit peu !) la cadence, mais tout en jouant aussi plus dans des productions étrangères. On le voit dans "Une Jeunesse" (1981) de Moshé Mizrahi, "Enigma" (1982) de Jeannot Szwarc, "Le Bon Roi Dagobert" (1984) de Dino Risi, "L'Eveillé du pont de l'Alma" (1985) de Raoul Ruiz, "Le Pacte Holcroft" (1985) de John Frankenheimer, "Le Nom de la Rose" (1986 - ci-dessous) de Jean-Jacques Annaud. Entre temps il réalise son premier film, un court métrage nommé "La Voix Humaine" (1983)...
L'acteur joue la comédie dans "Ma Vie est un Enfer" (1991) de et avec Josiane Balasko, il change d'époque et de costume coup sur coup avec les films "Les Vestiges du Jour" (1993) et "Jefferson à Paris" (1995) tous deux de James Ivory, revient au drame avec "Nelly et Monsieur Arnaud" (1995) de Claude Sautet, revient à une fantaisie savoureuse "Que la Lumière Soit !" (1998) de Arthur Joffé puis participe au film d'action hollywoodien "Ronin" (1998 - ci-dessous face à Robert De Niro) de John Frankenheimer.
Déjà 70 ans et près d'une demi-siècle de carrière et Michael Lonsdale est toujours aussi alerte, endurant et plein d'envie. Toujours aussi prolifique, il joue énormément au théâtre, il joue régulièrement pour la télévision et le cinéma le demande toujours autant, par des fidèles mais aussi par la nouvelle génération de cinéastes...
Il est à l'affiche prestigieuse du 7ème Art français pour "Les Acteurs" (2000) de Bertrand Blier, on le voit dans "5 x 2" (2003) de François Ozon, prouve sa fidélité pour "Le Furet" (2003) de Jean-Pierre Mocky, joue dans le dyptique "Le Mystère de la Chambre Jaune" (2003 - ci-dessous) et "Le Parfum de la Dame en Noir" (2005) tous deux de Bruno Podalydès avant de traverser les frontières pour la superproduction "Munich" (2005) de Steven Spielberg et le film historique "Les Fantômes de Goya" (2006) de Milos Forman.
Ses dernières années ne faiblissent pas, ni en quantité ni en qualité avec en quelques beaux films et quelques beaux rôles. Il joue dans "Une Vieille Maitresse" (2007) de Catherine Breillat, "Bancs Publics (Versailles Rive-Droite) (2009) de Bruno Podalydès, le peplum "Agora" (2009 - ci-dessous) de Alejandro Amenabar...
Puis surtout et avant tout (mouais...) il joue dans "Des Hommes et des Dieux" (2010 - ci-dessous) de Xavier Beauvois, qui relate le massacre des moines de Tibhirine. Le film est un succès critique et public, Lonsdale reçoit pour son rôle le César du meilleur second rôle.
De moine catholique il passe à un homme de foi musulman pour le drame "Les Hommes Libres" (2011) de Ismaël Ferroukhi, revient au drame avec "Gebo et l'Ombre" (2012) de Manoel de Oliveira, retrouve une ultime fois Mocky pour "Le Renard Jaune" (2013), joue un film dans un film avec (2014 - ci-dessous) de Léa Fazer, puis joue dans "Les Premiers, les Derniers" (2015) de Bouli Lanners.
Son dernier long métrage est "Les Filles au Moyen-Âge" (2015) de Hubert Viel mais son dernier rôle devant la caméra pour la télévision est en 2013 sans compter pourtant sa voix qu'il prêt encore jusqu'en 2016. Mais c'est le théâtre qu'il quitte en dernier, en mettant en scène sa dernière pièce avec "Faustine" (2016) et en jouant une dernière fois sur les planches pour "Lonsdale conte Noël" (2017) au théâtre de poche Montparnasse.
Michael Lonsdale prête sa voix très régulièrement, participe à de nombreuses manifestations et notamment catholique. Engagé il est notamment parrain d'une promotion de l'Institut Catholique d'études supérieures de la Roche-sur-Yon et membre de la section Arts et Lettres de l'Académie Catholique de France.
Michael Lonsdale avoue une absence de vie conjugale, qu'il confirme dans sonlivre "Le Dictionnaire de la Vie" (2016) : "J'ai vécu un grand chagrin d'amour et ma vie s'en est trouvée très affectée. La personne que j'ai aimée n'était pas libre... Je n'ai jamais pu aimer quelqu'un d'autre. C'était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s'appelait Delphine Seyrig."
L'acteur aura joué plus de 240 rôles, sans compter ses nombreuses pièces de théâtres sur plus de six décennies. S'il n'a que rarement joué les premiers rôles il demeure un des grands acteurs incontournables du 7ème Art. Il aura notamment participé à un grand nombre de chefs d'oeuvres.
Michael Lonsdale est mort ce lundi 21 septembre 2020 à l'âge de 89 ans.