À ne pas confondre avec les films "Apparences" (2000) de Robert Zemeckis et, pour le clin d'oeil (2014) de David Fincher connu aussi avec le titre "Les Apparences" au Québec. Adapté du roman "Trahie" (2003) de Karin Alvtegen ("Svek" en suédois qui veut littéralement dire trahison), romancière qui a d'ailleurs scénarisé le film "Hotet" (2004) de Kjell Sundvall, ce film est le premier thriller de Marc Fitoussi. Ce dernier a jusqu'ici surtout signé des comédies de "La Vie d'Artiste" (2007) à segment le Troll (2019) en passant par "Pauline Détective" (2012) et "La Ritournelle" (2014). Le réalisateur-scénariste s'est vu proposé ce projet après son premier long, au départ le cinéaste ne voulait pas adapter un roman préférant signé un scénario original. Néanmoins, fan de la romancière Patricia Highsmith il était près à se lancer mais les droits de la romancière appartienne à Sydney Pollack, il a fallu de nombreuses années avant que la productrice Christine Gozlan et Marc Fitoussi trouve le roman idéal. Pas si idéal puisque Marc Fitoussi prend de grandes libertés : "Dans le roman, il y a déjà les envois de mails. Ce que je trouvais problématique, c'est qu'aucun contexte n'expliquait le silence de l'épouse vis-à-vis de son mari ni son impossibilité de concevoir une séparation. D'où mon idée d'inventer ce milieu d'expats grand bourgeois, la profession prestigieuse du mari... Ce côté milieu de notable fermé revêtait un aspect chabrolien qui me plaisait. La bourgeoisie de province française a aujourd'hui un côté très daté, poussiéreux, et je trouvais que le milieu en vase clos le plus excitant et contemporain était une communauté d'expats"...
Un couple français et leur jeune fils vivent à Vienne où leur situation est particulièrement confortable, lui étant chef d'orchestre à l'opéra et elle qui travaille à l'Institut français. Tout va pour le mieux, ils sont un couple en vu, mais tout dérape quand elle apprend que son mari la trompe avec l'institutrice de leur fils. Sans rien dire, elle va tout faire pour garder les apparences et garder son mari et sa condition sociale... Le couple est incarné par Karin Viard qui retrouve un rôle de femme inquiétante après "Chanson Douce" (2019) de Lucie Borleteau, et Benjamin Biolay vu récemment dans "Chambre 212" (2019) de Christophe Honoré et "Divorce Club" (2020) de Mickaël Youn. Ils sont entourés de plusieurs acteurs habitués des grands seconds rôles avec Pascale Arbillot vue récemment dans "Balle Perdue" (2020) de Guillaume Pierret et "Miss" (2020) de Ruben Alves, Laetitia Dosch vue dans "La Bataille de Solférino" (2013) de Justine Triet et "Jeune Femme" (2017) de Léonor Serraille, Evelyne Buyle la plus connue sans doute de "Les Malheurs d'Alfred" (1972) de et avec Pierre Richard à (2020) de Gabriel Le Bomin en passant par "L'Ibis Rouge" (1975) de Jean-Pierre Mocky et "Le Retour du Héros" (2018) de Laurent Tirard, Xavier De Guillebon vu dernièrement dans "Grâce à Dieu" (2018) de François Ozon. Puis citons un rôle central tenu par l'acteur autrichien Lucas Englander, inconnu chez nous mais populaire en Autriche surtout par la télévision, il a pourtant joué dans des films comme "Der Lichte Grund" (2016) de Lukas Väth et "Tiger Girl" (2017) de Jakob Lass... Pour pousser le malaise Marc Fitoussi place l'intrigue à Vienne pour son passé sombre : "Le choix de Vienne me permettait aussi un personnage comme Jonas. C'est le seul autrichien avec qui Eve entre vraiment en contact et c'est un fou furieux. Cette communauté d'expats aurait pu être situé en Afrique, ou au Brésil, mais ça m'aurait embêté que le monde "extérieur" à leur communauté puisse être représenté ainsi. Jonas incarne les aspects sombres de l'Autriche. Vienne dans l'imaginaire du cinéma, ça peut renvoyer aussi bien à Lubitsh ou Sissi qu'Haneke ou Seidl"... D'emblée on pense forcément au regretté Claude Chabrol, histoire et climax, on retrouve cet univers bourgeois et leurs secrets, mais aussi leur supériorité snob qui semble si hors du monde extérieur.
Transposé ce récit chabrolien chez les expatriés est effectivement judicieux du point de vue humain, vis à vis des milieux socio-professionnels surtout mais on peut rester déçu voir dubitatif vis à vis du pays hôte à savoir l'Autriche. Certe, le passé de ce pays peut inspiré mais pourtant jamais ça influe sur le récit et finalement ce "dépaysement" s'avère complètement secondaire. Par ailleurs, le personnage de Jonas est particulièrement caricatural, le parallèle psychopathe/nazi est particulièrement primaire et maladroit. Mais malgré cela, et surtout malgré l'antipathie qu'on a pour ces personnages principaux, on s'immerge avec délectation dans ce petit monde élitiste prêts à tout pour ne pas se "mélanger" avec les autres. Le film appuie sur la lutte des classes, de la maîtresse au pervers autrichien en passant par les employés on a l'impression d'un anachronisme (le rapport à l'argent n'est jamais anodin) en cette année 2020, mais effectivement c'est juste une impression ! Ainsi l'atmosphère ambiant oscille parfaitement entre le malaise social en filigrane et ce drame conjugal qui brise avant tout les orgueils et fissure les apparences. L'évolution de l'intrigue est maline, le dénouement reste attendu car logique du point de vue du "propos bourgeois", mais surtout Karin Viard est une fois de plus exceptionnelle, à la fois vengeresse et fragile mais toujours dans le but de tenir son rang dans la société. Outre Chabrol, on pensera aussi parfois à "Le Charme Discret de la Bourgeoisie" (1972) de Luis Bunuel et même le temps d'une scène à "Les Liaisons Dangereuses" (1989) de Stephen Frears. Marc Fitoussi réussit parfaitement son virage dans le thriller, réussissant l'exploit de nous faire suivre des gens abjects dans leur vision du monde, tout en sachant pourtant émouvoir et ce, malgré les "convenances". Un bon moment.