Prémisse : the chosen one

Une prémisse est une orientation de la manière dont l’auteur s’adresse à son lecteur. On ne peut pas dire qu’elle configure le récit (pas en deux ou trois lignes du moins), mais certainement, elle lui donne une orientation.

La prémisse de l’élu

Étudions la prémisse du Chosen One

The Chosen One est un dispositif narratif qui est antérieur au genre du fantastique et même à la littérature elle-même. Il apparaît certainement dans presque toutes les écritures religieuses, les légendes arthuriennes, la plupart des mythologies et semble imprégner nos médias modernes, des romans de l’imaginaire aux anime, aux jeux vidéo et aux émissions de télévision populaires.

On pourrait même dire que cette prémisse se produit dans le monde réel, constate Katy Rose Pool, dont cet article reflète la pensée, lorsque nous suivons un leader comme celui qui va résoudre tous nos problèmes et sauver le monde.
Nous nous enfermons nous-mêmes dans une relation de maître à esclave car le besoin de se rassurer renforce notre confort personnel. C’est une sorte de renoncement à comprendre le sens de notre vie.

L’élu (le Chosen One) peut être choisi pour ce qu’il représente, sa lignée par exemple. Une prophétie pourrait le désigner ou bien encore ce serait un trait particulier qu’il possède (par exemple sa probité), ou une action qu’il ou elle accomplit telle que le sens du sacrifice (qui est la marque des héros et des héroïnes).
The Chosen One est devenu un tel élément de base du genre fantastique en particulier que presque toutes les récits fantastiques incorporent ou invoquent cette orientation thématique d’une manière ou d’une autre.

Si l’on n’y prend garde, on peut vite sombrer dans le cliché avec The Chosen One. Cette prémisse peut passer outre l’action du héros. L’intrigue a tendance à se plier à cette notion de l’élu, comme à peu près tous les autres personnages de l’histoire.

Et si cette personne choisie au hasard ne semble pas être le meilleur choix pour vaincre les forces des ténèbres ? Parce qu’il est l’élu, inutile de se compliquer la vie en ajoutant une complexité au personnage en cherchant en savoir le pourquoi et le comment de la chose !
L’idée de l’élu ou de l’élue est une idée qui représente quelque chose clef en main. Donc, dans le meilleur des cas, on utilisera l’archétype qui sied le plus aux contours du personnage en supposant que cet archétype provoquera chez le lecteur l’effet désiré, c’est-à-dire qu’il le placera en une position dans laquelle il éprouvera de la compassion et de l’empathie pour les tribulations de ce personnage archétypal.

Or cette idée de l’archétype est elle-même un objet que l’on peut prendre en mains, triturer, façonner pour le complexifier et le rendre beaucoup plus intéressant.

Sinon, on peut se contenter de l’archétype mais le lien du héros avec le conflit central, c’est-à-dire constitutif de l’intrigue, est fabriqué. Ce n’est pas personnel, c’est juste dicté par la nature du Chosen One. Selon, Katy Rose Pool, se laisser berner par le cliché est une excuse pour impliquer un personnage de type universel dans un énorme conflit mondial auquel il n’aurait autrement aucun rapport.

Mais cela fait aussi partie de la force de la prémisse, qui fait d’un personnage un héros ou une héroïne auquel le public peut s’identifier, qu’il s’agisse d’une Buffy ou d’un jeune fils d’esclave dans Star Wars, épisode I : La Menace fantôme, nuance toutefois Katy Rose Pool.

Une technique narrative intéressante

Cette prémisse du Chosen One favorise naturellement l’élitisme et peut être certainement critiquée. Mais elle fonctionne comme un dispositif narratif parce qu’elle donne immédiatement au protagoniste un énorme fardeau à porter, qu’il peut soit échouer soit réussir.

Nous saisissons immédiatement les enjeux de l’histoire et ce que le personnage risque de perdre. Ce n’est pas une prémisse intrinsèquement mauvaise, confirme Katy Rose Pool. Harry Potter en est d’ailleurs un exemple d’excellence.

Ce que les utilisations les plus réussies de cette prémisse (une prémisse ne désigne pas spécifiquement une œuvre. En elle, elle porte de très nombreuses significations) ont en commun, c’est qu’il y a une certaine lutte inhérente au sein du personnage choisi.
Il s’interroge au sujet du sens de son existence. Et ce questionnement est douloureux. Pour Harry, la question de savoir pourquoi il est l’Élu plane sur la série jusqu’à la fin du cinquième livre, lorsqu’il est révélé qu’en fait, Harry n’était pas le seul garçon qui aurait pu être choisi, et que la seule raison pour laquelle Harry est celui qui peut battre le Seigneur des Ténèbres est que le Seigneur des Ténèbres lui-même l’a choisi.

prémisseHarry et son camarade d’école Neville correspondent tous deux aux termes de la prophétie, mais c’est en Harry que Voldemort voit une menace – parce que Harry est un demi-sang comme lui. Voldemort choisit Harry et tue ses parents, créant ainsi la protection qu’Harry utilisera plus tard contre lui (l’amour de sa mère qui l’a poussé à protéger Harry de l’attaque de Voldemort) et donnant à Harry la motivation pour combattre Voldemort, prophétie ou non

Parce que c’est une prémisse si omniprésente, il y a aussi beaucoup de façons dont les auteurs peuvent subvertir et jouer avec vos attentes. Par exemple, alors que presque toutes les trilogies de Star Wars s’articulent autour d’une sorte d’Élu, la série précédente (bien qu’elle ne soit certainement pas la plus aimée) déforme cette idée avec Anakin Skywalker, dont la prophétie est de rééquilibrer la force… mais finit par être lui-même convaincu par l’aspect le plus obscur de la Force et tue la plupart des Jedi restants.prémisse

Cela fait de lui un des principaux méchants de la série originale, et bien qu’il soit finalement (dans une certaine mesure) racheté et finisse par réaliser techniquement la prophétie, ce n’est qu’après que sa méchanceté ait causé des dommages irréparables à l’Ordre Jedi et à la galaxie.

Erreur sur le personnage

prémisse

Un autre moyen narratif de détourner la prémisse du Chosen One est lorsque la prophétie (ou tout ce qui identifie le personnage comme un Élu) se révèle être un mensonge et qu’il n’y a vraiment pas d’Élu, comme dans les séquelles de Matrix.

Dans le premier Matrix, on nous dit que Neo est l’élu. Il est, nous dit-on, une anomalie au sein de la matrice qui a la capacité de la détruire pour de bon. Mais plus tard, dans les suites alambiquées, Neo découvre que cette prophétie, et donc l’élu, a en fait été fabriquée afin d’assurer la continuité de la Matrice. Finalement, Néo finit par remplir plus ou moins les conditions de cette prophétie peut-être fausse, se sacrifiant finalement pour détruire la Matrice.

Il existe de nombreuses façons dont les auteurs ont pris les attributs de la prémisse du Chosen One et les ont détournés pour surprendre le lecteur. À ce stade, les déconstructions, les subversions et les retournements de situation de cette prémisse sont presque aussi courants que la prémisse elle-même. Mais que ce thème soit subverti ou non, ces histoires ont en commun que les personnages sont intéressants même sans leur statut d’Élu.

Harry Potter est intéressant non pas parce qu’il est destiné à vaincre le Seigneur des Ténèbres, mais parce que c’est un enfant abandonné qui découvre les merveilles du monde magique et y trouve une place pour lui. Nous sommes attirés par ces personnages parce qu’ils sont humains, et quelle que soit l’ampleur de leur destin, nous voulons les voir réussir parce que nous les aimons.

Ils conservent leur liberté d’action (parce qu’ils ne sont pas déterminés selon Katy Rose Pool) et veulent plus que simplement sauver le monde, et nous voulons les voir obtenir ces choses.
On peut dire sans risque de se tromper, affirme Katy Rose Pool, que cette prémisse du Chosen One ne changera pas. Que les auteurs soulignent les défauts de cette prémisse ou qu’ils l’utilisent avec enthousiasme, ces auteurs (essentiellement de fantasy) semblent être attirés par les questions fondamentales auxquelles cette prémisse de l’élu se confronte.

La destinée contre le libre arbitre, par exemple. Si nous pouvons ou non nous élever au-dessus de notre condition, c’est-à-dire de connaître une expérience supérieure de vie pour nous emmener vers d’autres horizons.
Ce que cela signifie de trouver notre propre objectif individuel. Nous passons souvent notre vie à se construire patiemment des barreaux pour s’apercevoir soudain que l’horizon est devenu inaccessible.

Comment le poids de la responsabilité peut détruire une personne. Comment nous pouvons choisir de nous battre même si personne ne nous a dit que nous devions le faire. Comment nous pouvons choisir de ne pas le faire.
Les récits de Chosen One ne sont qu’un moyen d’explorer ces idées, mais c’est un moyen que, pour le meilleur ou pour le pire, les auteurs de fantasy ne semblent pas pouvoir abandonner.

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