[SƎANCES FANTASTIQUES] : #9. Evil Dead

Par Fuckcinephiles

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Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'oeuvre de la Hammer, que des pépites cinéma bis transalpin en passant par les slashers des 70's/80's; mais surtout montrer un brin, la richesse d'un cinéma fantastique aussi riche qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !

#9. Evil Dead de Fede Alvarez (2013)
Il n’est pas facile de proposer un remake de film culte. Pas utile non plus vous me direz, et vous n’aurez peut-être pas tort. Toujours est-il qu’une œuvre reprenant le titre et l’affection du publique pour une autre pour attirer ce dernier en salle se verra forcément comparée, et rarement à son avantage, à l’œuvre dont elle se défini par essence comme la nouvelle mouture. Alors quand Fede Alvarez débarque en 2013 avec sous le bras un remake de l’inénarrable Evil Dead de Sam Raimi, on l’attend avec des pelles à tartes et des tronçonneuses fort bien affutées, prêt à scander à qui veut bien l’entendre (et à qui n’a rien demandé) toutes les raisons pour lesquels le film original est mille fois mieux que ce remake inutile. Une fois que c’est fait, je propose qu’on essaye de voir le film comme une entité à part entière et qu’on accepte avec reconnaissance son immense générosité dans le gore et le plaisir qu’il procure.

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Ce n’est pas véritablement la première fois que Evil Dead subit un remake. Evil Dead II étant une relecture du premier par son auteur, avec énormément plus de moyen et un lâcher prise jouissif qui n’existait pas dans le film original. Film original qui n’est d’ailleurs qu’un film d’horreur sympa mais assez banal et oubliable, c’est bien dans sa suite/remake que Sam Raimi explose les codes du genre pour en faire une comédie noire complètement folle dans laquelle il démontre sa virtuosité et son inventivité pour la mise en scène. Il aurait été complètement vain et voué à l’échec de chercher à copier ce qui fait le succès du film, et ça tombe plutôt bien parce que ce n’est absolument pas ce que fait le film de Fede Alvarez. Il en assume la paternité sans hésiter une seconde, il a ses yeux, son nez, ses oreilles et ses orteils, mais va s’avérer très différent dans le ton, dans sa charte visuelle et même dans son histoire. C’est difficile de faire une base plus simple et devenu aussi cliché du cinéma d’horreur que celle qu’a instauré le film original : des jeunes partent s’isoler dans une cabane coupée du monde au fond des bois, et vont vite regretter cet isolement pour cause de rencontre avec des démons démoniaques de l’enfer infernal. Le remake, avec intelligence, conserve cette base culte mais y fait une transgression : rien de romantique dans l’escapade naturaliste de ces jeunes gens, ils s’isolent pour faire décrocher une amie de la drogue après une overdose presque fatale. Tout en restant très proche de sa base, le film s’offre un sous-texte intéressant puisque c’est Mia, la protagoniste junkie, qui va se faire l’hôte du démon, devenant une parabole du manque d’opiacée et des comportements destructeurs qui vont avec. L’image est poisseuse, morne, délavée. Elle ne se colorera et ne s’harmonisera que dans l’orgie de gore sanguinolente de ses quinze dernières minutes, renaissance de l’héroïne dans l’adversité et dans le sang. Dans beaucoup trop de sang.

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25 000 litres. C’est la quantité de faux sang utilisé sur le tournage du film. Et il y a fort à parier que la plus grosse partie a été utilisé dans le dernier quart d’heure, qui est un véritable bonheur de cinéma de genre mû par une idée toute con mais terriblement cinématographique : une pluie de sang accompagnant la matérialisation du démon. Le film se pare alors de rouge et quitte ses teintes délavés, l’héroïne fuit la bête, elle y laisse un bras dans une scène absolument dégueulasse, elle s’arme d’une tronçonneuse et découpe la face de son adversaire avec un one liner inspiré. Ce climax est un des plus gratifiant que j’ai pu voir dans un film de genre. Parce qu’il est très joliment filmé après un métrage âpre et poisseux, parce qu’il symbolise la renaissance de Mia et sa victoire sur ses démons, parce que dans la profusion de sang le film en fait trop mais il en fait tellement trop qu’il en devient merveilleux, c’est un plaisir immense qui n’en fait pas un grand film mais qui en fait un film sincère et généreux dans le plaisir qu’il cherche à offrir à ses adeptes.

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Malgré quelques défauts indéniables, des personnages peu intéressants et peu incarnés entre autres, Evil Dead n’est pas un film qui se moque de son audience. Ce n’est pas un film qui a la prétention d’égaler l’œuvre dont il fait une relecture : le film de Sam Raimi est un chef d’œuvre immanquable du septième art, celui-ci n’est qu’une excellente série B de luxe. Il en a pleinement conscience et il ne cherche à se transcender qu’en tant que tel, et parvient à s’accomplir dans son dernier acte. C’est une vraie réussite qu’il faut autant que possible voir pour ce qu’elle est, sans chercher à voir ce qui était meilleur dans le film original, en appréciant simplement ce que le cinéaste souhaite nous offrir. Des monstres et de l’hémoglobine et du bonheur.
Kevin