Second long métrage pour la réalistrice-scénariste israélienne Keren Ben Rafael qui, après plusieurs courts, a signé son premier long métrage avec "Virgins" (2018) sur une ado qui veut bouger les choses et sa vie dans sa petite ville où il ne se passe rien, c'est alors qu'on dit qu'une sirène a été vu au large... La cinéaste s'est inspirée de sa propre expérience : "Pendant une période, il y a quelques années, mon compagnon (Damien Dufresne, chef opérateur du film) et j'étais seule avec notre fille aînée. Avec Damien, on communiquait beaucoup par Skype, situation qui finissait par être étrange. J'ai pensé à ce que tout cela racontait sur le couple d'aujourd'hui, avec ces écrans permanents qui nous rapprochent et nous isolent en même temps." Pour ce nouveau projet dans l'air du temps (Covid oblige !), la cinéaste retrouve sa co-scénariste Elise Benroubi, qui à l'instar de son amie a signé plusieurs scénario pour ces courts avant de co-signer "Virgins", une vocation pour celle qui a incarné plus jeune une certaine "Mina Tannenbaum" (1994) de Martine Dugowson...
Julie et Yuval s'aiment, ont un bébé et vivent à Paris mais tout va changer quand Yuval doit partir en Israël. Ils vont alors apprendre à vivre via un écran interposé, pas facile surtout quand à la distance s'ajoute le temps qui s'écoule toujours plus vite... Le couple est incarné par Judith Chemla dont les derniers grands rôles étaient dans (2016) de Stéphane Brizé et "Le Sens de la Fête" (2017) du duo Toledano-Nakache, puis Arieh Worthalter vu dans (2016) de Tran Anh Hung et surtout (2018) de Lukas Dhont. A leurs côtés citons Joy Rieger révélation justement du film "Virgins" cité plus haut rôle pour lequel elle a obtenu le prix de la meilleure actrice au Festival Tribeca à New-York, Noémie Lvosky qu'on ne présente plus et qui retrouve Judith Chemla après ses films "Faut que ça Danse !" (2007) et "Camille Redouble" (2012), Bastien Bouillon vu récemment dans (2020) de Zoé Wittock, Vassili Schneider aperçu dans "La Nouvelle Vie de Paul Sneijder" (2016) de Thomas Vincent et surtout frère de Niels Schneider qui joue avec Arieh Worthalter dans "Sympathie pour le Diable" (2019) de Guillaume De Fontenay... Un tel scénario impose une mise en scène particulière, à savoir que chaque plan est vu par Skype, le cadrage est donc un plan fixe et souvent c'est en arrière-plan que les séquences prennent vraiment vie.
Le soucis premier reste donc bel et bien ce parti pris, que l'oeil soit via le prisme de Skype qui matérialise littéralement les relations. Si c'est logique au vu du récit il n'en demeure pas moins qu'on ressent toute la superficialité du système ; on peut acquiescer vis à vis des personnages, ou pas car le spectateur se retrouve également à subir. On comprend, aisément pour ceux qui ont connu une période similaire, que Skype (ou autre !) est un moyen ultime qui exacerbe les conflits et les émotions. Sur ce dernier point cela est vrai pour les personnages, mais pas pour le spectateur qui reste trop en retrait, sans doute l'effet double ou triple écran ! Mais le vrai soucis est que le scénario, à part le paramètre Skype, n'apporte pas grand chose au genre, la chronique conjugale s'avère d'un classicisme ennuyeux. Rien ne surprend, de la sempiternelle jalousie aux interférences familiales (le problème avec la mère complètement superflu au récit ) en passant par la mélancolie ou le besoin de sexe, les rires et complicité du début on vire doucement à l'amertume et aux pleurs. Bref rien de neuf... Keren Ben Rafael signe un film touchant forcément, sur le fond, mais niveau émotion on reste un tantinet sur le côté, l'exercice de style reste immersif mais superficiel. Surtout, on est sur un couple peu à même de nous partager tant lui est égoïste et détaché, donneur de leçon ce qui biaise évidemment le rapport de force au sein du couple. En conclusion, un drame intéressant par bien des pans, avec un duo d'acteurs formidables en prime, qui malheureusement, offre une mise en scène audacieuse mais pas forcément probante. À conseiller.