Synopsis : " Un homme accoste malencontreusement sur une île au large de la côte britannique dont les habitants semblent garder de mystérieux secrets. Alors qu'il découvre leurs étranges coutumes, il va être confronté aux démons de son passé... "
Psyché, poétique et mystique. Mini-série à nulles autres pareilles, The Third Day a su captée l'attention grâce à une audace artistique que bien des artistes et producteurs n'auraient pas osés tenter. Co-production entre Sky TV et HBO, The Third Day est une mini-série qui comprend six épisodes de 55 minutes chacun. Six épisodes séparés en deux parties, bien distinctes, de trois épisodes chacune. Si la première met en scène l'acteur britannique Jude Law dans le rôle principal, la seconde s'octroie l'actrice britannique Naomi Harris. Une saison, deux personnages qui ne se croisent pas, deux histoires, mais une même île. Cœur du récit, l'île d' Osea, située dans le comté d' Essex au sud-est de l' Angleterre, est ce personnage dont la mysticité va venir tourmenter les personnages de l'intérieur. Faire sortir leurs démons et les pousser à affronter leur passé afin qu'ils se résilient et acceptent l'impossible.
Rencontre entre The Village et The Wicker Man, The Third Day dont l'étrangeté se ressent à tous les niveaux. Entre rêve et réalité, fantasme et tourments hallucinatoires. Un tout servi par des personnages dont on ne sait si l'on peut en avoir confiance et une direction de la photographie qui joue allègrement avec l'aspect halluciné de la situation. Jeux avec le flou, profondeurs de champ écrasés, personnages principal complètement décentré dans l'image, des couleurs saturées et effets numériques qui vont pousser l'exercice de la vision hallucinée à son extrême. The Third Day est une expérimentation de tous les instants. Une expérimentation de la folie et de l'appréhension humaine (comment cet homme tourmenté par le drame va appréhender les membres de ce village et les révélations qu'ils ont à lui faire ?), notamment par le prisme du travail visuel et sonore. Un travail magnétique, passionnant et hypnotisant. Une expérimentation poussée à son paroxysme avec un épisode spécial qui permet de faire la transition entre les deux parties de la série. Intitulé Autumn (automne dans sa traduction), cet épisode n'est autre qu'une prestation théâtrale de 12h, jouée, filmée et diffusée en direct le 03 octobre dernier. Soit deux jours avant la diffusion du premier épisode de la partie deux de la série.
Redéfinir la définition d'immersion au sein d'une œuvre télévisuelle, et, cinématographique. Tel était le défi lancé par Felix Barrett, co-créateur de la série (aux côtés de Dennis Kelly) , mais également fondateur de la compagnie britannique de théâtre Punchdrunk. Un défi, une expérimentation permise par l'histoire racontée durant les trois premiers épisodes de la série. Sorte d'entracte de 12h, qui, par la primeur de l'audace de l'expérimentation permet d'attirer des curieux. De simples néophytes qui n'avaient jusque-là, jamais vu un épisode du show. Un article de presse, un tweet, un post facebook. Jouer sur l'aspect évènementiel de la prestation afin de faire parler. Créer un évènement qui va attirer les foules et offrir à la série cette attractivité qu'elle n'aurait pas eue avec une politique de visionnage conventionnelle (un épisode par semaine sur une chaîne spécifique). Réfléchi et bien pensé en amont (et si l'entièreté de la création du projet tournait autour de cette prestation théâtrale ?), découvrir le show par cet épisode spécial n'entache en rien le plaisir de la découverte future des épisodes filmés de manière traditionnelle. Bien au contraire, l'esprit embué, torturé par la question : comment en est-il (personnage incarné par Jude Law) arrivé là ? La volonté de connaître son chemin de croix est plus forte que tout et donne toute son ampleur à une série dont la narration est intégralement basée sur le changement de conscience du personnage. Il est évident que la dissonance entre cette prestation théâtrale et les épisodes classiques est énorme. Ça n'a pas le même look, le même impact, le même dynamise habituellement permis par le montage, le découpage et la mise en scène. Mise en scène qui recherche ici le minimalisme pour se rapprocher du réalisme, ainsi que pour créer un magnétisme hypnotique.
Prestation théâtrale qui pousse la contemplation à son paroxysme The Third Day: Autumn est une épopée hypnotisante, qui met les spectateurs du monde entier au même niveau. Chacun face à son écran. Hypnotisé, fasciné par ce qui se déroule en direct devant ses yeux. Le décalage horaire, la distance qui nous sépare les uns des autres, le matériel utilisé pour le visionnement (téléphone, ordinateur, tablette, télévision...) ou encore la manière de consommer ce programme (la tête face à l'écran, en faisant le ménage, en faisant la vaisselle, en plein repas...), la base même du projet tend à la réunification. La réunification de spectateurs du monde entier face à une seule et même œuvre. Que fait-il ? Qui est-il ? Qui sont-ils ? Rituel qui va s'étaler sur 12h de temps, The Third Day: Autumn étire le temps, étire chaque action afin de pousser les codes de l'immersion. De par ce repas qui dure sans que l'on entende le moindre dialogue, ou encore cette fête qui se déroule devant nos yeux sans que l'on puisse y prendre part (la caméra est lointaine et ne fait que tourner autour de la foule). Aucun dialogue majeur, aucune explication textuelle ou vocale, mais l'on est happé, hypnotisé, expectatif de ce qu'il pourrait bien arriver.
Le spectateur est attentif, curieux. Il regarde, observe la manière dont évoluent les comédiens, la manière dont vivent les habitants de cette communauté et en oublierait presque sur le long terme que ce n'est que de la mise en scène. On y croît et on se pose des questions. Diffuser en direct sur facebook, c'est trouver une nouvelle manière de briser le quatrième mur et ouvrir la discussion entre les spectateurs. Si certains ont déjà vu la première partie de la série, d'autres ne savent pas ce qu'il en retourne. Les commentaires fusent. Affirmations, simples avis, mais également des interrogations et des débats. Par cette mise en scène qui appuie, de manière nonchalante et réaliste, sur le dynamisme au sein de la collectivité du village, le spectateur se prend au jeu. Ils parlent entre eux, supposent, commentent et réagissent. Jusqu'alors, il était commun de dire que la salle de cinéma était un endroit unique. Cet endroit où des spectateurs, se réunissaient par dizaines voire centaines, dans une même salle, afin de découvrir ensemble une même œuvre. Là où la série télévisée et la vidéo à la demande, divise. Chacun devant son écran, à consommer son programme.
Par cette prestation théâtrale, Dennis Kelly et Felix Barrett brisent le quatrième mur et défient les règles du 7e art. Une simple et belle redéfinition de la manière de consommer un programme sans avoir à se retrouver au sein d'une même salle obscure. En soit, une simple évolution de la manière dont étaient consommées les séries tournées pour la télévision avant les années 2010. Tel jour de la semaine et à telle heure, chaque spectateur retrouvait le nouvel épisode de sa série préférée. Une évolution qui prend tout son sens en 2020. En cette année où -aux États-Unis et au Canada tout du moins- les salles de cinéma ne sont plus le lieu de rassemblement qu'elles étaient avant. Ce lieu où était célébré le 7e art. Les salles en partie fermée, la pandémie faisant toujours rage, il est important de trouver de nouvelles manières pour rassembler autour d'une œuvre. The Third Day: Autumn en est la preuve vivante. Une audace, la communion entre deux arts que sont le cinéma et le théâtre afin de créer une œuvre hybride, indépendante dont l'étrangeté magnétique ouvre la communication entre les spectateurs et engendre le développement d'une nouvelle manière de créer et de consommer.
The Third Day est actuellement diffusée tous les lundi sur Sky TV puis bientôt sur OCS. The Third Day: Autumn est disponible en replay sur la page facebook de Sky TV pendant 1 mois.
" La proposition artistique insensée avec cette contemplation poussée à son paroxysme et visuellement c'est juste fabuleux. Performances remarquables devant et derrière la caméra. "