Les frères Taviani, cinéastes italiens majeurs surtout connu pour "Padre Padrone" (1977) Palme d'Or au Festival de Canes 1977, avaient déjà abordés les contes siciliens de Luigi Pirandello, Prix Nobel de littérature 1934, avec le film "Kaos, Contes Siciliens" (1984) qui reprenait cinq nouvelles de l'auteur. Ils reviennent donc des années après et plusieurs films avec cette suite thématique en adaptant de nouveaux ces contes recueillis dans "Nouvelles pour une Année", mais en choisissant uniquement deux nouvelles "Felice" et "Deux Enlèvements". À noter que les deux frères adapteront d'autres contes tiré du "Décameron" (1349-1353) de Boccace avec le film sobrement intitulé "Contes Italiens" (2015). Les deux réalisateurs-scénaristes adaptent librement les oeuvres de Pirandello... "Felice" est un baryton qui a quitté la scène par chagrin d'amour. Aujourd'hui il vit avec sa conjointe et travaille simplement comme comptable à l'opéra où il performait. Mais sa femme le quitte ne supportant plus les nuits car Felice rit, fort et beaucoup, pendant des rêves dont il ne se souvient jamais jusqu'au jour où il se souvient pour la première fois...
"Deux Enlèvements", où l'histoire de deux enlèvements à 10 ans d'écarts, aujourd'hui l'enfant d'un mafieux repenti est kidnappé et séquestré dans un hôtel reculé des montagnes, là même où un siècle plus tôt un médecin mourut en captivité... Dans le premier segment on citera quatre acteurs, Antonio Albanese révélé dans "Un'Anima Divisa In Due" (1993) de Silvio Soldini et aperçu dans "To Rome With Love" (2012) de Woody Allen, Giuseppe Cederna vu dans "Marrakech Express" (1989) et "Mediterraneo" (1991) tous deux de Gabriele Salvatores, Luca Zingaretti vu notamment dans quelques films français comme "Astérix et Obélix : Au Service de sa Majesté" (2012) et "Les Vacances du Petit Nicolas" (2014) tous deux de Laurent Tirard, puis la sculturale Sabrina Ferilli remarquée dans de nombreux films depuis "Night Club" (1989) de Sergio Corbucci à "La Grande Bellezza" (2013) de Paolo Sorrentino. Pour le segment "Deux Evénements", le casting est plus restreint, on peut citer Turi Ferro qui voit sa carrière débuter et se finir avec les frères Taviani puisque son premier film est "Un Homme à Brûler" (1962) et son dernier demeure "Kaos II", un acteur que la réalisatrice Lina Wertmüller pour qui il tourna trois films était le "plus grand acteur sicilien après Angelo Musco", puis Orio Scaduto qu'on verra plus tard dans les excellents "Malena" (2000) et "Baaria" (2009) tous deux de Giuseppe Tornatore... Le film débute avec un encart insistant bien sur l'importance culturelle de ce film, d'intérêt national forcément ce qui impose d'emblée une sorte d'indulgence, au cas où ! La première partie désarçonne un temps soit peu, d'abord par une petite incohérence, ensuite par un virage plutôt séduisant dans le récit.
Ainsi on s'interroge sur les origines du rêve de Felice, qui quitte son travail de chanteur d'opéra après un chagrin d'amour mais pourtant il était encore sur scène quand il a séduit sa femme actuelle ! De plus quel est le rapport entre ce chagrin et son rêve ?! La mise en scène des Taviani manque de surcroît d'une peu de lyrisme, qui aurai pu apporter un parallèle intéressant avec l'opéra, notamment en créant une envolée plus pregnante dans sa seconde partie. Une fin touchante même si on se demande encore si la belle est aussi son chagrin d'amour. À noter que la voix baryton et la voix normale de l'acteur est un choc auditif, trop différente et donc trop peu crédible mais ça reste un détail. Par contre, ce récit se déroulant dans les années en plein fascisme sous Mussolini il est surprenant de n'y voir aucune référence réelle, un détail sans doute aussi. La seconde partie, si elle reste intéressante de par son parallèle entre passé et présent s'avère vite vain. En effet, on s'attend à un véritable lien, ou à un twist surprenant, à un rebondissement mais rien n'arrivera. Deux récits parallèles donc dont le seul rapport serait une sorte de réflexion sur la violence mais qui n'est ni approfondie ni franchement probant. Résultat, les Taviani signe des contes moralisateurs classiques mais sans réussir à donner du relief ou un minimum de chair à ces récits, la faute à une réalisation monotone et des acteurs qui jouent justes mais qui semble apathique, sans espérance ni envie. Dommage car ces histoires méritaient sans doute plus de passion, plus de force autant sur le fond que dans la forme.