Yalda, la Nuit du Pardon (2020) de Massoud Bakhshi

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Il aura fallu attendre huit années pour voir le second et nouveau long métrage du réalisateur-scénariste iranien Massoud Bakhshi après "Une Famille Respectable" (2012) remarqué au festival de Cannes 2012. Pour son nouveau projet, le cinéaste s'est inspiré d'une réelle émission de télé-réalité iranienne qui fait froid dans le dos. Une émission elle-même inspirée par la Charia (loi islamique), où un condamné à mort pour meurtre peut échapper à sa sentence s'il est pardonné par la famille de la victime, cette dernière reçoit en échange le "prix du sang" (fixée à environ 50000 dollars). Ce film est une co-production irano-européenne, dont on peut citer deux des producteurs principaux qui sont français, Jacques Bidou et Marianne Dumoulin qui ont produit entre autre des films comme "Le Sel de la Mer" (2008) et "Wajib, l'Invitation au Mariage" (2018) tous deux de Annemarie Jacir et "Les Chiens Errants" (2014) de Tsai Ming-Liang. Le film est écrit et réalisé par Massoud Bakhshi...

En Iran, Maryam 22 ans, a été condamnée à mort pour le meurtre accidentelle de son époux de 65 ans. Il lui est proposé de participer à une émission à succès de télé-réalité où elle tenterait d'obtenir le pardon de Mona, fille de son époux, seule personne qui puisse sauver Maryam en lui offrant son pardon devant des millions de spectateurs... Maryam est incarnée par l'actrice Sadaf Asgari, peu connue hors de l'Iran elle a pourtant déjà joué dans "Disappearance" (2017) de Ali Asgari et "Rooz-Haye Narenji" (2018) de Arash Lahooti. Elle est entourée d'acteurs iraniens plus connus et expérimentés avec Behnaz Jafari actrice révélée dans "Le Tableau Noir" (2000) de Samira Makhmalbaf et vue depuis dans "Shirin" (2008) de Abbas Kiarostami etqui retrouve le réalisateur après "Une Famille Respectable" (2012), Babak Karimi acteur fétiche de Asghar Farhadi avec "Une Séparation" (2011), (2013) et (2016), et vu plus récemment dans le film belge (2016) de Stephan Streker, puis Fereshteh Sadre Orafaee vue dans "Le Ballon Blanc" (1995) et "Le Cercle" (2000) tous deux de Jafar Panahi puis dans (2011) de Mohammad Rasoulof... D'abord, précisons que le Yalda est une fête religieuse, une des quatre fêtes les plus importantes du calendrier persan qui célèbre le solstice d'hiver au 21 décembre, et qui correspond à la naissance de Mihtra dieu du Soleil... Le pauvre bougre qui se retrouve un jouet de la télévision spectacle est un sujet récurrent au cinéma, on pense forcément à des films comme "The Truman Show" (1998) de Peter Weir, "Slumdog Millionnaire" (2008) de Danny Boyle ou, plus proche du sujet de télé poubelle "Live !" (2008) de Bill Guttentag. Mais pour ce film le sujet est encore plus profond car il joue sur une société plus éloignée que la notre, une religion (Islam) qui fait toujours débat, un point central (la peine de mort) qui demeure toujours un sujet épineux même en Occident, il est aussi question de la condition de la femme qui est encore plus d'actualité depuis 2-3 ans et il y a le pouvoir des médias et de la puissance des images.

Un melting-pot explosif qui peut offrir un scénario puissant pour un drame qui ne peut laisser personne insensible. Mais si on s'attend à de la manipulation on ne s'attend pas forcément dans le sens là, car le producteur de l'émission et son équipe font en fait tout pour que Mme Zia offre le pardon à Maryam ce qui change un peu la donne. Le pardon car Allah est forcément miséricordieux et que ça offre un spectacle qui fait de l'audimat, et donc beaucoup d'argent, ce qui force logiquement la main à la "victime" puisque le pardon est aussi rémunéré d'une forte somme. Un pardon dont la valeur devient finalement bien peu "religieux" et/ou "moral". Malheureusement, côté intrigue, le scénario est si dirigé que c'est biaisé d'emblée. En effet, outre l'émission, le scénario est tout dirigé vers l'innocence de Maryam et non vers le pardon éventuel, nuance ! Ainsi la fille du défunt est une mégère vénale et imbue de sa personne et froide, Maryam a tout de l'ingénue plus forte qu'il n'y paraît, tandis que malgré le jeu par SMS la télé est montré comme un outil de bienfait qui sauve les condamnés de l'échafaud au service de la Miséricorde de dieu. Le rebondissement ultime est géré très maladroitement, où comment Mme Zia, peut-être au doute avant de grâcier Maryam, a aussi un don de voyance puisqu'elle devine en un coup d'oeil furtif le pot aux roses ! Niveau invraisemblance, la fin est également hors catégorie, où on voit une condamnée à mort (au mieux elle aura tout de même quelques années de prison) qui se promène comme elle veut, seule et sans surveillance aucune, dans les couloirs des studios. Massoud Bakhshi signe un drame qui manque de neutralité, par un scénario aussi manipulateur que les producteurs de l'émission, et qui pêche par des rebondissements tirés par les cheveux. Résultat, on sort un peu du récit et on passe à côté d'une émotion plus forte. Dommage...