Un grand merci à StudioCanal pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le film « Le trou » de Jacques Becker.
« Il n’y a pas que ceux qui ne sont pas assistés qui travaillent. Il y a aussi ceux qui s’ennuient ! »
Accusé de tentative de meurtre sur sa femme, Claude Gaspard est enfermé à la prison de la Santé. Mais des travaux l’obligent à changer de cellule. Ses quatre nouveaux compagnons de cellule lui font part de leur désir d'évasion et creusent, avec une énergie farouche, un tunnel qui les mènera à la liberté. Leur plan aboutira-t-il ?
« C’est étrange, mais c’est la première fois de ma vie que je me sens bien dans ma peau »
Fils de bonne famille, Jacques Becker se découvre très jeune deux passions pour le cinéma et pour le jazz. Par le biais d’amis communs, il fait la connaissance de Jean Renoir qui l’engage et dont il deviendra l’assistant durant toute la décennie des années 30. Mais après plusieurs tentatives ratées d’émancipation (il ne peut finir son premier film, « L’or de Cristobal », du fait de sa mobilisation en 1939), c’est finalement pendant la guerre qu’il parvient à réaliser ses premiers films que sont « Dernier atout » (1942), « Goupi mains rouges » (1943) et « Falbalas » (1945). Il s’impose au cours des années 50 comme une figure majeure du cinéma français de son époque, se montrant aussi à l’aise dans le registre de la comédie (« Ali Baba et les quarante voleurs », « Les aventures d’Arsène Lupin ») que dans des registres plus sombres (« Casque d’or », « Touchez pas au grisbi » qui relance la carrière de Jean Gabin). En 1959, il se lance dans l’adaptation du roman « Le trou », dans lequel José Giovanni raconte sa réelle tentative d’évasion de la Prison de la Santé survenue quelques années plus tôt. Un projet ambitieux pour lequel il fait alors le choix de s’entourer de comédiens non-professionnels, dont Jean Keraudy, ancien compagnon de cellule de Giovanni qui participa lui-même à ladite tentative d’évasion. Malheureusement, à l’issue d’un tournage éprouvant, Jacques Becker décède brutalement d’une crise cardiaque à l’âge de 53 ans durant le montage du film.
« Ce soir on est dehors ! »
« Le trou » est une merveille de titre à double sens, qui désigne à la fois la prison et le tunnel que creusent les prisonniers pour s'en évader. Un même mot qui désigne donc à la fois l'enfermement de ces hommes et l'espoir de leur possible retour à la liberté. Une entreprise aussi ingénieuse que folle, qui donnera lieu à un thriller au cordeau doublé d’une grande aventure humaine. Mais au final, qu’importe la réussite de leur entreprise, c’est avant tout la dimension humaine qui intéresse ici le cinéaste qui redonne par ce projet une forme d’humanité à ces personnages (que le cinéaste se refuse à juger), louant leur esprit de résilience, leur abnégation ainsi que cet instinct de (sur)vie qui les habite et semble ne jamais vouloir s’éteindre. D’ailleurs, ce projet commun les poussera à travailler ensemble et à jouer la carte du collectif, alors même que la prison est davantage un contexte propice à l’individualisme. Mais surtout, « Le trou » force le respect par son approche assez inédite, qui consiste pour le cinéaste à chercher à filmer l’univers carcéral avec la plus grande authenticité (en huis clos et sans la moindre musique). Un parti pris gagnant tant sa restitution de l'exiguïté oppressante des espaces, la promiscuité constante des hommes (matelas à même le sol, sanitaires sans cloison et absence totale d’intimité) et la ritualisation des journées (repas, promenade, tour de garde, extinction des feux...) participent à rendre le film pleinement immersif. C’est ce que l’on retiendra principalement de cette fable morale filmée à hauteur d’homme dans laquelle la politesse compte bien moins que le code de l’honneur.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition. Il est présenté en version originale française (2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Préface de Jean-Baptiste Thoret (10 min.), du module
« Le Trou » revu par Jean Becker (40 min.), de plusieurs archives INA (« Jean Kéraudy : là où mon bras passe, je passe » (10/09/1970, 40 min.), « Jacques Becker (1906 1960) Cinéastes de notre temps » (18/11/1967, 76 min.) et « Cinépanorama » (11 min.)). Il comprend également une Interview de Philippe Leroy et une Bande-annonce originale.
Édité par StudioCanal dans la collection « Make my day ! » (dont il constitue le premier numéro hors-série), « Le trou » est disponible en combo blu-ray + DVD + le livre « Explorer « Le Trou » de Jacques Becker » à propos du film (180 pages) depuis le 2 septembre 2020.
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