Synopsis : " Two billion years ahead of us, a future race of humans finds itself on the verge of extinction. Almost all that is left in the world are lone and surreal monuments, beaming their message into the wilderness. "
Les lumières de la salle de cinéma s'allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position "je m'installe comme à la maison" ce n'est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique...
Compositeur islandais né dans la ville de Reykjavik, Jóhann Jóhannsson c'est fait connaître du grand public international à compter de 2013. Année de la consécration et début d'une fructueuse collaboration entre ce compositeur aux sonorités atypiques et un cinéaste en vogue. Denis Villeneuve, le cinéaste québécois qui, à l'image de Jóhann Jóhannsson traversait pour la première fois les frontières de son pays natal pour les États-Unis. Terre promise, cette terre d'accueille pour tous ces artistes dont on promet monts et merveilles. Si certains s'y brûlent les ailes, d'autres y gagnent au change. Un québécois et un islandais en terre promise, deux talents émergeants qui se sont trouvés en ne faisant pas comme les autres. Prisoners, Sicario, Arrival. Trois films complètement différents, tant sur le fond que sur la forme. Trois collaborations exemplaires portées par des sonorités étranges, mystérieuses et haletantes, qui captent le spectateur et permettent de développer une atmosphère qui va donner du corps à l'image.
Ne jamais prendre à défaut l'image et le travail de mise en scène du cinéaste, mais venir le souligner. Mettre en avant chaque intention, chaque émotion. Des compositions musicales qui évoquent sans mettre en pleine face. De belles nappes musicales dont les sonorités restent néanmoins dans le mémoire du spectateur. Aujourd'hui décédé, Jóhann Jóhannsson est un compositeur qui va manquer à une industrie qui l'a malheureusement découvert sur le tard. Un compositeur atypique, qui lègue à l'histoire du cinéma des compositions de qualité, ainsi qu'un long-métrage qui fera date. Adaptation de la nouvelle écrite par le philosophe Olaf Stapledon, Last and First Men raconte l'histoire d'une humanité postérieure à la nôtre (deux millions d'années après nous), qui s'apprête à vivre son extinction. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Une humanité futuriste, robotisée tels que les représentations artistiques (cinéma et la littérature en primeur) de science-fiction nous les vendent depuis toujours ? Ou simplement déshumanisée ? Pour ne pas dire désabusés. Last and First Men, ou comment raconter tout ça et rien à la fois.
Œuvre qui tient davantage de l'essai philosophique que de l'histoire à la dramaturgie didactique, Last and First Men généralise et raconte l'histoire de l'Humanité par le prisme d'une civilisation inconnue, mais sur le point de disparaître. Une Humanité qui se sait mourante, en voie de disparaître et qui grâce -ou à cause de- à cette prise de conscience, s'oriente dans une certaine quête de sagesse. Retour sur ce dont l'être humain a été capable, civilisation après civilisation. Ses maux, ses troubles, sa décadence et sa folie. Mot après mot, phrase après phrase, se dégage du script narré par la voix magnétique de l'actrice Tilda Swinton, une fascination pour cette civilisation hypothétique. Une civilisation que l'on apprend à connaître, dont on découvre chaque rouage, et ce, afin de développer une définition de ce qu'est : l'humanité. Jugement moral de la manière d'être d'individus au sein d'une société, ainsi que de la société en elle-même. Un texte fascinant, même si abstrait de par ses questionnements philosophiques et son exploration de l'humanité en temps que qualité morale. Un texte auquel l'image va donner du corps et la musique une ampleur.
Si l'on pense aisément à Chris Marker et ces cinéastes qui ont marqués le cinéma expérimental par leurs manières de raconter des histoires, Last and First Men est en ce sens plus accessible. Une œuvre expérimentale qui n'en demeure pas moins atypique, car dépourvue de mise en scène et d'interprètes. Un pur essai cinématographique ou l'image et le son ne vont être que des outils offerts aux spectateurs afin qu'ils puissent se laisser bercer, se plonger corps et âme au cœur de cette civilisation et des problématiques parcourues par le texte lu. Un livre audio agrémenté grâce aux outils offerts par ce médium qu'est le cinéma. Plus qu'un simple livre audio, Last and First Men devient fascinant lorsque l'on se penche sur les images. L'exploitation par Jóhann Jóhannsson, des architectures brutalistes de l'ex-Yougoslavie pour leur aspect futuriste. Faire porter à croire au spectateur qu'il fait face aux fondations d'une civilisation future alors qu'elles appartiennent au passé. À un passé douloureux. Des bâtiments aux allures surréalistes, mais qui ramènent à ce que l'Humanité a fait de pire (guerres et massacres humains). Information qui n'est pas dite textuellement, mais qui, une fois énoncée, offre au film et à ce choix d'images, une dimension incroyable.
Last and First Men, un essai sur l'extinction d'une humanité futuriste qu'il nous serait impossible de conseiller tout en sachant que la personne va aimer. Il faut le voir, il faut être conscient de ce que l'on est sur le point de voir, ou, être ouvert esprit de nature. être prêt à accepter la proposition narrative et audiovisuelle offerte par Jóhann Jóhannsson et son équipe. Jóhann Jóhannsson qui nous offre une œuvre posthume, un chef d'œuvre posthume aussi fascinant pour certains, qu'insaisissable pour d'autres. Une œuvre qui fait de cet artiste, un auteur à part entière et non un simple compositeur.
" Jouer avec les formes du brutalisme architectural pour délivrer un essai sur l'extinction d'une humanité futuriste. Imagerie nourrie par la voix de Tilda Swinton, ainsi que par des nappes musicales majestueuses. "