[Compétition]
De quoi ça parle ? :
D’une jeune chilienne de dix-neuf ans qui rêve d’autres horizons. Pas forcément très loin, non. Juste quitter Tocopilla, cette ville coincée entre l’océan, le désert et les montagnes volcaniques. Une terre aride et poussiéreuse où se concentrent ennui, misère et perversions. Une zone au bord de l’effondrement, au sens propre, avec la constante menace d’un tremblement de terre, et au sens figuré.
Por qué nos gustó La Francisca?
Parce que la terre natale du cinéaste Alejandro Jodorowsky est un formidable décor de cinéma, propice tant aux récits allégoriques qu’aux films naturalistes. Le cinéaste chilien en avait d’ailleurs fait le théâtre de son film poético-autobiographique, La Danza de la realidad, autour de son enfance difficile. Ici, le ton est beaucoup plus réaliste. Les seuls moments un peu fantaisistes sont le début du film, où Francisca contemple l’horizon à travers des verres de lunettes roses, et son escapade dans la ville la plus proche de Tocopilla, prise en stop par deux étrangers. Deux façons d’échapper à un quotidien des plus moroses.
La jeune femme est obligée d’aider ses parents à tenir une station-service miteuse. Pendant que son père part faire le plein d’alcool au bar local, c’est elle qui tient la boutique, sert l’essence et lave les vitres sous le regard parfois lubrique des conducteurs. Elle met de côté chaque pourboire pour pouvoir un jour fuir cette ville maudite. Peut-être même serait-elle déjà partie si elle ne devait pas s’occuper aussi de son petit-frère, Diego, atteint d’autisme, et s’il n’y avait pas sa meilleure amie, Yessica, qui sert des empanadas dans une gargote du quartier en attendant mieux.
Le seul moment où elle peut souffler un peu, c’est le soir. Elle rejoint souvent Yessica pour bavarder ou flirter avec les garçons. Mais là encore, il n’y a pas vraiment l’embarras du choix. Elle pense un temps trouver son bonheur auprès de Pato, un beau garçon qui possède une moto, potentiellement capable de l’emmener au bout du monde, mais elle réalise bien vite qu’il n’est même pas fichu de l’emmener faire une virée hors de la ville. Et comme il est en plus un indécrottable coureur de jupons, Francisca comprend vite que son avenir ne passe pas par lui. Pourtant, comparé aux autres personnages masculins du film, il est absolument parfait. Le père de Francisca, lui, règne en despote sur sa famille et ne manque jamais une occasion de battre son épouse, notamment pour lui rappeler ses obligations conjugales. Et il est lui-même moins dangereux que le “gentil” professeur de Diego, qui insiste pour donner des cours particulier au jeune garçon, afin de “l’aider à développer son plein potentiel”. Un loup déguisé en agneau, ou plutôt un rapace, un “aigle noir”, comme ces oiseaux que le petit garçon se met bientôt à dessiner, dans des croquis de plus en plus agités…
Cette jeunesse chilienne n’est pas du tout légère et insouciante. Le film est dur, douloureux. Il laisse un goût de cendres dans le fond de la gorge. Avec une mise en scène qui joue sur le côté oppressant des lieux, Rodrigo Litorriaga dépeint un univers sordide, une ville maudite qui mérite bien son surnom de “Coin du Diable”. Seule la douceur du visage de Francisca, jeune femme courageuse et généreuse, nous aide à supporter ce court séjour en apportant un peu de lumière dans les ténèbres. Dans le rôle, Javiera Gallardo livre une grande performance, toute en intériorité.
Autres avis sur le film :
”Une histoire prenante”
(Nicolas Dabe, Mammouth)
”Epopée tragique d’une jeune femme marquée par le drame”
(Cinevox)
Crédits photos : image torée du film fournie par le FIFF de Namur