Réalisateur : Viggo Mortensen
Avec : Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Terry Chen, Laura Linney,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h52min.
Synopsis :
John vit en Californie avec son compagnon Eric et leur fille adoptive Mónica, loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Son père, Willis, un homme obstiné issu d’une époque révolue, vit désormais seul dans la ferme isolée où a grandi John. L’esprit de Willis déclinant, John l’emmène avec lui dans l’Ouest, dans l’espoir que sa soeur Sarah et lui pourront trouver au vieil homme un foyer plus proche de chez eux. Mais leurs bonnes intentions se heurtent au refus absolu de Willis, qui ne veut rien changer à son mode de vie...
Critique :
Drame intime à la vulnérabilité émotionnelle déchirante, #Falling peut autant se voir comme une oeuvre naturelle que profondément cathartique pour Mortensen, une tragédie sur deux âmes cohabitant dans le présent, tout en regardant le passé comme quelque chose de tout aussi vivant pic.twitter.com/SDJgYMvVtA
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 16, 2020
Il y a toujours quelque chose de profondément intéressant à l'idée de voir un grand comédien se décider à passer derrière la caméra, à l'idée de voir s'il laissera s'exprimer une vraie vision de cinéma, de voir s'il laissera parler les influences des cinéastes avec lesquels il a tourné... ou non.
Alors quand le génial Viggo Mortensen saute le pas, il est impossible de ne pas y apporter un oeil plus que certain, d'autant plus que le bonhomme est un artiste accompli (acteur, peintre, photographe, musicien, éditeur via sa propre maison d'édition indépendante,...), mais aussi un comédien qui n'a jamais eu peur de quitter sa zone de confort, ni même de franchir les barrières de la langue.
Avec une patience et une mélancolie incroyablement poétique, rappelant furieusement les efforts posés du grand Clint Eastwood sur la dernière décennie, tout en s'appuyant sur sa propre éducation pour mieux aborder avec minutie les thèmes universels de la famille et de l'accompagnement vers la mort, Mortensen réinvente son histoire au travers du filtre protecteur de la fiction, et fait de Falling une merveille de drame intime, à la vulnérabilité émotionnelle déchirante.
Pas si éloigné dans son ton, du magnifique Wildlife de Paul Dano (la encore un premier passage derrière la caméra d'un immense comédien du circuit indé US), le film s'articule sur le conflit intense entre un fils et son père, un patriarche au caractère difficile - pour être poli - qui a dominé sa famille pendant des décennies, et dont le glissement vers la démence (qui lui offre l'opportunité de s'exprimer sans le moindre filtre), n'a fait qu'empirer les choses; une opposition dont le prisme n'est pas celui commun, de la rancune, mais celui plus oblique de la lente mise en images dès la source (un bon tiers du métrage se déroule en flashbacks), des cicatrices laissées par une telle parentalité, aussi authentique que destructrice.
Enchaînant avec fluidité les va-et-vient dans le temps, pour mieux illustrer les échecs irréparables d'un homme en tant que mari et père, et la manière dont il vit son monde aujourd'hui, comme si sa démence au présent, pouvait se voir comme des réponses émotionnelles aux événements du passé, Mortensen dresse le portrait captivant et poignant d'une âme littéralement incapable de se connecter avec d'autre humain que lui-même (il n'a que du mépris pour les sentiments des autres), et qui voit une trahison en chaque chose (comme le fait qu'ils pourrissent ses ex-femmes, ou que son fils soit homosexuel et heureux de l'être, une ignominie pour homophobe affirmé qu'il est).
Incarné à la perfection par un Mortensen tout en décence et en retenue, mais aussi et surtout par un Lance Henriksen incroyable (indiscutablement, son plus beau rôle à ce jour), Falling peut autant se voir comme une oeuvre naturelle que profondément cathartique pour son auteur, un drame familial puissant sur deux hommes cohabitant dans le présent tout en semblant voir le passé comme quelque chose de tout aussi vivant.
Une belle ode à la tolérance, emprunt de colère et de remords, abordant la sénilité avec sensibilité et justesse, allant plus loin que les simples sujets du rejet, du pardon et de la rédemption, en creusant le sillon réconfortant (naïf ?) sur une vérité implacable : la tolérance même quand elle est offerte à une âme mauvaise (mais chez qui l'affection peut aussi étonnamment exister) profite à la fois au donneur qu'au destinataire.
C'est ce qu'on appelle, tout simplement, un brillant premier passage derrière la caméra...
Jonathan Chevrier