Réalisatrice : Sofia Coppola
Avec : Rashida Jones, Bill Murray, Marion Wayans,...
Distributeur : Apple TV + France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h41min.
Synopsis :
Une jeune mère de famille reprend contact avec son extravagant playboy de père pour une aventure à travers New York.
Critique :
#OnTheRocks ou une oeuvre tendre et sèchement drôle, une comédie au féminin intelligente, ironique et légère, qui cite l'âge d'or d'Hollywood tout en démontrant que Coppola a pleinement les capacités de se renouveler, et d'enrichir la gamme des genres qu'elle aborde avec minutie. pic.twitter.com/eEdNh63ZPk
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 17, 2020
Il ne faut pas se laisser berner par la séduction sombre et la douceur vaporeuse du prologue du nouveau petit bijou de Sofia Coppola, tant On The Rocks n'a résolument rien à voir avec Lost in Translation ou même Somewhere, à tel point qu'il pourrait même presque donner l'impression qu'il est tourné par une autre réalisatrice (comme pour The Bling Ring au fond, la mauvaise impression générale en moins)... ou presque.
Littéralement hors des sentiers battus, aussi bien dans son histoire que dans le casting convoqué (Marion Wayans et Rashida Jones, tandis que l'habitué Bill Murray agit en trompe l'oeil), flanqué dans un New York sévèrement mélancolique (nostalgique de ce qu'il n'est plus, et dont la resonnance actuelle est encore plus terrible vu le contexte sanitaire dû au Covid-19), le film dénote de tout ce que la fille du grand Francis Ford jusqu'à aujourd'hui et ce, même si elle se montre toujours aussi amer face au mariage, sorte de passage au purgatoire obligé pour arpenter le chemin de la propre compréhension de soi-même (révérence assumée au cinéma de Bresson).
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Pire, son héroïne Laura, n'a rien de l'héroïne typique de l'univers " Coppola ", petit bout de femme au tempérament implosif et littéralement hors de la norme, une auteure face au syndrome de la page blanche, dont les meilleures amies sont ses deux filles (sad but true) et dont le quotidien entropique est rythmé par des standards de jazz et une dislocation de l'intérieur, de son cocon familial.
Une femme d'autant plus bousculée par l'arrivée improbable et atomique d'un père qu'elle connaît sans l'avoir jamais vraiment assez côtoyé, Felix (l'immense Bill Murray, dans le rôle d'un anti-Bob Harris de Lost in Translation), un playboy/connard charmant façon boule de démolition humaine venu d'une autre époque, qui va incarner un petit diable sur son épaule (et bouffer son esprit de bêtises/spéculations paranoïaques), même s'il est évident que sa fille, est l'amour de sa vie.
Un film anti-Sofia Coppola qu'on vous dit, comme si la cinéaste avait non seulement encaisser difficilement toutes les critiques - souvent - injustes à son encontre, pour concocter un autoportrait froid de son propre cinéma, et peut-être même aussi de sa propre personne, tant Laura peut clairement se substituer à son auteur, en tant que femme dans l'âge moyen, faisant le point sur sa vie tout en ayant pleinement conscience d'avoir grandi dans l'ombre d'un figure bigger than life, dont elle devait partager le cœur avec d'autres - et surtout le septième art.
Et c'est en cela que On The Rocks est son plus bel (et pertinent) effort depuis Lost in Translation, tant elle ne cherche jamais à écrire plus que ce qu'elle ne connaît déjà, exposant d'un air faussement blasé l'inconfort puis l'exorcisme vibrant du bourdonnement intérieur palpable de son héroïne (Rashida Jones, dans son plus beau rôle), dont l'énergie instable et l'expressivité brute de ses humeurs et sentiments (ajouté aux excès fantastiques et cyniques d'un Bill Murray joliment en roue libre, mais d'une sincérité indéboulonnable), rendent l'épopée jamais redondante malgré un ton volubile imposant (le film est de loin le plus bavard de la cinéaste), et un regard dénué de toute critique sur la bourgeoise new-yorkaise.
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Comme libérée face à l'idée que tous ses films ne doivent pas forcément porter sa touche à tout prix (ni même se ressembler, un virage déjà entamé avec l'étonnant Les Proies), Sofia Coppola croque une oeuvre jazzy, tendre et sèchement drôle sur des personnages qu'elle n'intime pas de changer malgré leurs travers (doux questionnement sur le thème du mariage, entre la capacité des hommes à être fidèle et les les concessions/compromis des femmes pour que l'union fonctionne), et s'amuse de son conflit sur l'affection père-fille de deux êtres aux attitudes diamétralement opposées, mais à l'alchimie incandescente.
Une comédie dramatique au féminin intelligente, ironique et légère, qui rappelle l'âge d'or d'Hollywood (jusque dans la photographie léchée de Philippe Le Sourd, qui caresse avec gourmandise les quartiers chics nocturnes de Manhattan) et qui démontre sans forcer que Coppola a pleinement les capacités de se renouveler, et d'enrichir la gamme des genres qu'elle aborde avec minutie.
Jonathan Chevrier