Acteurs : Lily James, Armie Hammer, Kristin Scott Thomas,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Thriller, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
En Angleterre, une jeune mariée s'installe dans le domaine familial de son époux, où elle est poursuivie par l'ombre obsédante de la première femme défunte de son mari.
Critique :
Ben Wheatley revisite le succès littéraire de Daphné du Maurier dans une nouvelle adaptation classieuse, à voir sur Netflix.Malgré de bonnes intentions, #Rebecca n’arrive jamais à se détacher du fantôme d'Hitchcock, même s'il n’en est pas un remake. Mais comme tout bon roman gothique nous l’a appris, il existe des spectres tenaces et intemporels, difficiles à faire disparaître... (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/iPld1eFGGp
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 22, 2020
Copyright Kerry Brown/Netflix
L’oeuvre de l’autrice a fait les joies du réalisateur Alfred Hitchcock, qui a adapté pas moins de trois de ses romans : la nouvelle Les Oiseaux, L’Auberge de la Jamaïque (rebaptisé La Taverne de la Jamaïque) et bien sûr, Rebecca, qui lui donnera le seul Oscar de sa carrière. Quatre-vingt ans plus tard, le cinéaste britannique Ben Wheatley prend le risque de passer après ce film culte. Son Rebecca n’est pas un remake, mais belle et bien une nouvelle adaptation du livre. Pourtant, comment ne pas comparer les deux films, quand nous avons d’un côté un monument de la culture cinématographique et de l’autre une oeuvre peu inspirée, ironiquement fade alors que la version de 1940 devait composer avec le Code Hays en vigueur à l’époque ? À l’instar de son héroïne, qui doit vivre dans l’ombre de Rebecca, Ben Wheatley se place dans l’ombre de Hitchcock. Le cinéaste a cependant l’excellente idée de ne pas mimer la mise en scène de ce dernier et d’y mettre sa pâte.
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Qui est cette fameuse Rebecca ? Rare sont les histoires portant le nom d’un personnage absent. Rebecca est un fantôme, un spectre qui ne vit plus. Pourtant, sa présence est réelle : son nom est sur toutes les lèvres, son aura parfume les murs de Manderley, le manoir des de Winter, où se passe la moitié du récit. Une histoire empreinte de gothique, où le fantôme n’est pas visible, mais intériorisé. La jeune dame de compagnie, qui ne possède aucun prénom, ne sait pas encore les terribles épreuves qui l’attendent. Incarnée par Lily James, la future Mrs de Winter est diaphane et n’existe pas à l’extérieur de sa fonction. Teint pâle, geste brusque et maladroit, elle n’a aucune consistance, comme si la vie n’avait pas de prise sur elle. Le personnage devient solide à sa première rencontre avec M. de Winter, un veuf à la réputation d’être inconsolable depuis la mort brutale de sa femme. C’est comme si l'héroïne n’existait pas avant de rencontrer le beau partie que constitue Maxim (Armie Hammer), qui lui donne un nom, une famille et un but. Après un mariage éclair, elle arrive dans la magnifique propriété de Manderley faire connaissance de sa nouvelle vie de femme du monde et surtout de la terrifiante Mrs Danvers (Kristin Scott Thomas), l’intendante. Mais l’ex-épouse décédée hante le manoir et se joue de la nouvelle épouse, qui ne sent pas à la hauteur.
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Le côté touche-à-tout du cinéaste l’aide ici à changer d’ambiance, entre le conte de fée du début, l’histoire de fantôme du milieu et l’enquête policière à la fin. C’est même peut-être le seul bon point du film malheureusement. Wheatley profite que le film soit en couleur pour en jouer et proposer une lumière en adéquation avec l’état émotionnel du personnage. Le côté léchée et brillant du début montre son admiration, dans le sud de la France bourgeoise et dorée. Manderley se pare de bleu la nuit, où la maison devient inquiétante et lourde de secret pour Mrs de Winter qui a du mal à rassembler les pièces du puzzle et du rouge le jour, dans des plans psychédéliques comme la scène du bal. La fin se grisaille pour alimenter le doute et l’enquête policière. Mais ces petits gimmick de mise en scène peine à faire corps avec le récit pourtant dense. Rebecca a du mal à s’incarner comme un film réel et manque cruellement d’ampleur. Est-ce la faute à un montage saccadé, où nous avons l’impression de voir une succession de saynète ? Ou la faute à une direction d’acteur juste passable, où les profondeurs des personnages de Maxim et Mrs Danvers sont à peine effleurées (le film lisse toute ambiguïté de ses deux personnages, là où se cache l’angoisse du récit…) ? Le cinéaste enchaîne les mauvais choix pour nous pondre une adaptation très fade d'une histoire pourtant intense, passionnelle et angoissante.
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Malgré de bonnes intentions, le Rebecca de Ben Wheatley n’arrive jamais à se détacher du fantôme de Hitchcock, même si le film n’est pas un remake. Mais comme tout bon roman gothique nous l’a appris, il existe des spectres tenaces et intemporels, difficiles à faire disparaître. Peut-être que l’histoire de Daphné du Maurier est enfermée dans l’année 1940, sous les traits de Joan Fontaine, Laurence Olivier et Judith Anderson. Et ce n’est pas la version 2020 qui viendra la délivrer.
Laura Enjolvy
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On a beau se demander qu'elle est la nécessité de croquer une nouvelle adaptation d'un brillant best-seller (ce qu'est le roman de Daphné du Maurier), alors que deux ans à peine après sa parution, le roi Hitchcock en avait signé la version la plus définitive qui soit; le septième art implique que tout soit possible et, qu'évidemment, tout cinéaste est dans le droit d'offrir son adaptation personnelle d'un roman ou autre, et plus directement de ce sommet de la littérature romantico-gothique.
Prenant au pied de la lettre les mots mêmes de du Maurier (" J'ai rêvé l'autre nuit que je retournais à Manderley "), Ben Wheatley se met donc à l'oeuvre, attirant de facto notre curiosité compte tenu de sa brillante filmographie et des moyens conséquents de la firme Netflix, même s'il était plus qu'évident qu'il serait cloué sur l'autel de la comparaison inévitable, avec son illustre aîné.
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Fait en grande partie pour ceux qui visitent l'atmosphère gothique et mystérieuse de l'oeuvre de du Maurier pour la première fois, tout en étant clairement frappé par un complexe d'infériorité dont il ne s'extirpera jamais vraiment, Rebecca sauce 2020 n'en reste pourtant pas moins, un thriller romantique et rétro établissant certaines modernités clées dont le spectateur sera seul juge de trouver pertinents ou non - l'âge des comédiens/personnages et une photographie bien trop colorée en tête.
Psychologiquement, le film fait une étude experte des insécurités que quiconque puisse ressentir en entrant dans la "peau" d'une autre personne, plaquant le public sur la même perspective de la nouvelle Mme de Winter, en nous partageant intimement sa paranoïa, arrivant même pendant ses deux premiers tiers, à naviguer sans trop couler entre le respect louable du matériau original (formidable récit manipulateur, pétri de masochisme émotionnel et de sautes d'humeur cauchemardesques) et la structure maladroite de sa propre identité (pas toujours défendable mais au moins singulière); avant de proprement déraillé au moment clé (quand Max frigidement obsédé par le souvenir de sa femme décédée, annonce justement être impliqué dans sa disparition), et de transformer son final en une version cheap de Nancy Drew - là où Hitchcock lui, en avait livré sa vision.
Un gros sentiment toc s'en dégage donc, quand on connaît un tant soit peu les possibilités sombres du tandem Wheatley/Laurie Rose, comme s'ils avaient consciemment réprimés leurs penchants (malgré quelques séquences d'inquiétude vraiment intrigante mais jamais poussées, comme lorsque la pauvre Mme de Winter est trompée par Danvers pour qu'elle se déshonore au bal costumé), rendant ce retour à Manderley plus doux et beaucoup moins pervers qu'il n'aurait du l'être (un comble quand High Rise était lui aussi, bâti sur les ressentiments de classes férocement enracinés), mais surtout ressemblant douloureusement à un live-action Disney désincarné.
Copyright Kerry Brown/Netflix
Reste alors, dans cette petite évasion vide et émotionnellement sans frictions/frissons, des comédiens faisant ce qu'ils peuvent pour donner du corps à leurs personnages (Lily James est d'une douceur et d'un charme résistants joliment à la condescendance, mais son alchimie avec Armie Hammer est proche de l'encéphalogramme de la grenouille, et ce dernier est même à la limite du miscast, tandis que Kristin Scott Thomas en impose), une reconstitution historique léchée et un vrai travail sur les costumes.
C'est maigre, vraiment maigre...
Jonathan Chevrier