Nuit de Halloween, ironie du sort où on apprend la mort d'un des acteurs les plus mythiques du cinéma des 60 dernières années. Sean Connery, 007 originel et éternel, est mort ce 31 octobre 2020 à l'âge de 90 ans.
Né en 1930 à Edimbourg en Ecosse, Thomas Sean Connery est le fils aîné d'un père chauffeur d'engins de chantier et d'une mère femme de ménage. Le père est d'ascendance irlandaise et catholique, sa mère écossaise protestante. À la naissance de son frère (1938), il travaille comme livreur de lait le matin avant l'école puis comme apprenti boucher après l'école. Il abandonne définitivement sa scolarité à 17 ans et s'engage dans la marine britannique. Il en profite pour se faire deux tatouages devenus célèbres : "papa et maman" puis "Ecosse pour toujours". Au bout de trois années il doit quitter la marine après un ulcère à l'estomac. Il commence à travailler dans divers métiers, maçon, livreur, maître-nageur et même vernisseur de cercueils et modèle pour l'école des Beaux-Arts d'Edimbourg.
Il pratique un temps le culturisme, mais le fait qu'il ait terminé 3ème au concours de Mister Univers en 1950 est une légende. Il n'apparaît pas au palmarès officiel et il suffit de comparer les photos avec les lauréats de l'époque (Steeve Reeves et Reg Park) pour comprendre que Sean Connery ne pouvait objectivement gagner. Néanmoins, il a dû obtenir cette place d'honneur lors d'un concours annexe. En tous cas, c'est lors d'un de ces concours qu'un autre compétiteur lui propose de passer une audition pour la comédie musciale "South Pacific" en 1951.
Sean Connery est un sportif, et même un très bon footballeur à tel point qu'un manager de Manchester United le repère et lui propose un contrat pour 25 livres sterling payable après chaque fin de match. Nous sommes en 1953, mais la future star expliquera : "J'ai compris qu'un footballeur professionnel pouvait avoir son passé derrière lui à 30 ans et j'en avais déjà 23. J'ai décidé de devenir acteur, ce qui s'est avéré être l'une des décisions les plus intelligentes que j'aie jamais prises."
Il obtient un rôle de figuration non crédité dans le film "Voyage en Birmanie" (1954) de Herbert Wilcox, à la suite de quoi il continue à passer quelques auditions que ce soit pour le théâtre ou la télévision surtout. Il trouve pourtant encore quelques rôles sur grand écran pour "Train d'Enfer" (1957) de Cy Enfield, "Les Criminels de Londres" (1957) de Montgomery Tully et "Au Bord du Volcan" (1957) de Terence Young. 1957, la vraie année où Sean Connery peut enfin se considérer comme acteur.
Il tourne régulièrement pour la télévision, téléfilms et apparitions dans des séries TV avec quelques films au cinéma le plus souvent dans des seconds voir des troisièmes rôles. On peut citer "Je Pleure mon Amour" (1958) de Lewis Allen, "Atlantique, Latitude 41°" (1958) de Roy Ward Baker, "Darby O'Gill et les farfadets" (1959) de Robert Stevenson, "La Plus Grande Aventure de Tarzan" (1959) de John Guillermin et surtout il participe au casting historique de la superproduction "Le Jour le Plus Long" (1962) dirigé par le nabab Darryl F. Zanuck et quelques autres réalisateurs.
Alors que l'acteur est particulièrement remarqué pour sa performance dans le téléfilm "Anna Karénine" (1961) le London Express organise un concours pour trouver la perle rare qui pourra incarner le héros James Bond 007 créé par le romancier Ian Fleming. Devant plus de 600 candidats, Sean Connery est choisit par les producteurs Harry Saltzman et Albert R. Broccoli notamment après que ce dernier ait vu l'acteur dans "Darby O'Gill et les farfadets". Néanmoins, l'auteur Ian Fleming émet des réserves appuyées : "il ne ressemble pas à l'idée que je me faisais de James Bond (...) je recherche le capitaine de frégate Bond, pas un cascadeur qui a trop grandi" !... Finalement l'auteur se laisse convaincre surtout après l'avis de son épouse qui précise que l'acteur a le "charisme sexuel requis" !
Ainsi, Sean Connery incarne pour la première fois sur grand écran 007 dans "James Bond contre Dr. No" (1962 - ci-dessus) de Terence Young. Le succès est énorme, Connery devient instantanément un star et le succès est si impressionnant que Ian Fleming décide ensuite d'imaginer un héritage écossais et suisse à son héros ! Premier film d'une longue saga, d'emblée cultissime avec une entrée en matière devenue mythique :
"J'admire votre courage, Mlle, euh... ? - Trench, Sylvia Trench. J'admire votre chance, M. ... ? - Bond, James Bond."Le succès du premier film 007 apporte une nouvelle dimension à l'acteur désormais au sommet, les propositions affluent, son cachet explose en conséquence. Succès oblige il enchaîne aussitôt avec "Bons Baisers de Russie" (1963) de Terence Young. Il tourne ensuite "La Femme de Paille" (1964) de Basil Dearden et surtout "Pas de Printemps pour Marnie" (1964 - ci-dessus) de Alfred Hitchcock avant de reprendre le costume de James Bond dans "Goldfinger" (1964 - ci-dessous) de Guy Hamilton qui demeure sans aucun doute un des meilleurs de la franchise encore à ce jour.
Après avoir transformé l'essai 007, l'acteur est encore sous contrat avec EON Productions pour de prochains Bond mais l'acteur fait aussi montre de choix audacieux en témoigne sa performance dans l'excellent et pourtant méconnu "La Colline des Hommes Perdus" (1965) de Sidney Lumet.
Il est 007 une 4ème fois dans "Opération Tonnerre" (1965) de Terence Young. Anecdote amusante : c'est à partir de ce Bond que l'acteur a dû porter un pastiche afin de cacher sa calvitie naissante ! Sa notoriété suffit alors pour effectuer un caméo dans son propre rôle dans "Un Monde Nouveau" (1965) de Vittorio De Sica avant d'endosser une fois encore le costume de Bond dans "On ne Vit que Deux Fois" (1967) de Lewis Gilbert.
Mais cette fois l'acteur décide d'abandonner ce rôle qui lui colle trop à la peau, lasser des scénarios trop semblables et peur de rester identifier à ce héros emblématique. 007 sera repris alors par un certain George Lazenby pour "Au Service Secret de sa Majesté" (1969) de Peter Hunt.
L'acteur en profite et multiplie les expériences, un western avec "Shalako" (1968 - ci-dessus) de Edward Dmytryk avec Brigitte Bardot, un drame slave avec "La Tente Rouge" (1969) de Mikhaïl Kalatozov, un drame social et policier dans le très bon "Traître sur Commande" (1970 - ci-dessous) de Martin Ritt avant de retrouver un de ses réalisateurs fétiches avec "Le Dossier Anderson" (1971) de Sidney Lumet.
S'ouvre alors pour Sean Connery une décennie riche et foisonnante de grande qualité, les seventies étant sans conteste l'apogée de sa carrière niveau qualitatif.
Citons "The Offence" (1973) de Sidney Lumet, le kitsh et culte "Zardoz" (1973 - ci-dessus) de John Boorman, le classique "Le Crime de l'Orient-Express" (1974) de Sidney Lumet, le chef d'oeuvre "L'Homme qui Voulût être Roi" (1975) de John Huston où il partage l'affiche avec Michael Caine, les fresques "Le Lion et le Vent" (1975) de John Milius et surtout le sublime "La Rose et la Flèche" (1976 - ci-dessous) de Richard Lester où il incarne un Robin des Bois vieillissant aux côtés de sa Marianne alias Audrey Hepburn...
L'acteur replonge dans la Seconde Guerre Mondiale avec "Un Pont Trop Loin" (1977) de Richard Attenborough, l'époque victorienne avec "La Grande Attaque du Train d'Or" (1979 - ci-dessous) de Michael Crichton, suivi d'une immersion dans la révolution castriste "Cuba" (1979) de Richard Lester et un film catastrophe à l amode seventies avec "Meteor" (1979) de Ronald Neame.
Après quelques films dont "Bandits, Bandits" (1981) de et avec les Monty Python, Sean Connery surprend son monde en acceptant de jouer... James Bond ! Mais cette fois, il reprend 007 dans un film hors franchise officielle de EON Productions. L'acteur accepte de reprendre son rôle dans un remake officieux de "Opération Tonnerre" intitulé "Jamais plus Jamais" (19873) de Irvin Kershner, le titre faisant référence à un commentaire de l'acteur qui déclara après "Les Diamants sont Eternels" (1971) : "... plus jamais !" Sortit la même année que l'officiel (1983) de John Glen avec Roger Moore, ce remake maladroit sortira grand perdant au box-office et sera les adieux définitifs de Sean Connery à son personnage icônique.
Après ce qu'on peut considérer comme un petit passage à vide (1979-1985), l'acteur revient en force avec une succession de grands films, de grands rôles et de grands succès.
Il incarne un moine pendant l'Inquisition dans "Le Nom de la Rose" (1986 - ci-dessus) de Jean-Jacques Annaud, il est un immortel en kilt dans "Highlander" (1986) de Russell Mulcahy, il est dans le groupe de Elliott Ness face à Al Capone dans le magnifique "Les Incorruptibles" (1987 - ci-dessous) de Brian De Palma pour lequel il obtient l'Oscar du Meilleur Second Rôle, il est officier de l'US Army dans "Presidio : Base Militaire, San Francisco" (1988) de Peter Hyams, il incarne le papa du héros dans l'inénarrable "Indiana Jones et la Dernière Croisade" (1989) de Steven Spielberg puis retrouve un de ses réalisateurs préférés pour "Family Business" (1989) de Sidney Lumet.
Au sommet, star incontestée ayant réussit (un peu !) à démontrer qu'il n'ait pas que James Bond il débute les années 90 avec panache, avec "À la Poursuite d'Octobre Rouge" (1990) de John McTiernan et un caméo marquant dans "Robin des Bois, Prince des Voleurs" (1991) de Kevin Reynolds, même si cette décennie va s'avérer plus commercial et exempt de films ou de rôles de prestige.
Citons pêle-mêle "La Maison Russie" (1991) de Fred Schepisi, la suite "Highlander le Retour" (1991) de Russell Mulcahy, "Medicine Man" (1992) de John McTiernan, "Soleil Levant" (1993) de Philip Kaufman, "Juste Cause" (1995) de Arne Glimcher, "Lancelot le Premier Chevalier" (1995) de Jerry Zucker, l'action movie aussi bourrin que surestimé (1996 - ci-dessus) de Michael Bay, le médiocre et oubliable "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" (1998) de Jeremiah S. Chechick, et puis le sentimental "La Carte du Coeur" (1998) de Willard Carroll et la fantaisie "Haute Voltige" (1999 - ci-dessous) de Jon Amiel.
Il débute le 21ème siècle avec le séduisant "À la Rencontre de Forrester" (2001) de Gus Van Sant mais se perd dans le film "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" (2003) de Stephen Norrington où il incarne Allan Quatermain au sein d'un groupe de héros divers dont Tom Swayer , Capitaine Nemo ou encore Dorian Gray (?!)... Le succès au box-office reste honnête (deux fois son budget environ) mais l'accueil critique est désastreux, Sean Connery lui-même n'étant pas particulièrement fier de ce qui va rester son dernier long métrage devant la caméra.
L'acteur annonce après ce film sa retraite cinématographique. Il précise en 2004 qu'il souhaite prendre sa retraite pour se consacrer à son autobiographie. En 2005 il insiste sur sa retraite à cause de plusieurs désillusions entre par "les idiots qui sont maintenant à Hollywood" et par l'échec de "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires" (ci-dessous). Cependant, il semble qu'il était partant pour une superproduction sur Saladin et les Croisades mais le projet est annulé après la mort du producteur Moustapha Akkad dans un attentat en 2005.
Durant sa retraite, il avoue avoir reçu des propositions pour les sagas "Matrix" et "Le Seigneur des Anneaux" mais les avoir refusées affirmant "ne pas les comprendre". Il prête sa voix 007 pour un jeu vidéo, puis réfute sa participation à un "Indiana Jones 4" en 2007. Malgré tout, l'acteur revient discrètement au cinéma, une ultime fois, en prêtant sa voix pour le film d'animation "Sir Billi" (2012) de Sascha Hartmann.
Sean Connery se marie une première fois à la comédienne Diane Cilento (1962-1973) avec qui il aura Jason, futur acteur. Fils avec qui il aura une relation difficile dont Diane Cilento dira : "Mon fils n'a jamais reçu un centime de son père et il n'a aucune intention de lui laisser une part de son importante fortune", tout en précisant que Sean Connery accuse son fils de n'avoir une carrière que grâce à son "illustre filiation".
Il se remarie avec l'artiste-peintre française Micheline Roquebrune en 1975 après s'être exilé fiscalement en Espagne trouvant la fiscalité britannique trop lourde. En 2010, cela n'empêchera pas d'être poursuivi pour fraude fiscale en Espagne dont il sortira blanchi à l'exception notable de seize autres personnes et son épouse (?!). L'acteur immigrera une dernière fois pour Nassau aux Bahamas.
L'acteur s'engagera particulièrement pour l'indépendance de l'Ecosse, surtout à partir des années 90 devant un des plus fameux contributeurs du Parti National Ecossais et en militant activement sur chaque élection. Un parti pris qui retardera de nombreuses années son anoblissement, qu'il obtiendra et acceptera néanmoins en 2000 des mains de la reine Elizabeth Ière alors qu'il choquera les conservateurs en arrivant à la cérémonie en kilt traditionnel.
Sur sa carrière, l'acteur sera souvent conspué pour ne s'être jamais défait de son accent écossais discréditant souvent certains de ses personnages quand ils étaient censés être d'une autre nationalité comme russe ou américain. L'acteur se défendait en déclarant que c'était par respect pour son pays.
Sean Connery, malgré ses efforts pour démontrer qu'il n'était pas que James Bond, reste pourtant bel et bien la parfaite incarnation de 007 aux yeux de la plupart des gens. Pourtant l'acteur affirmera souvent qu'il déteste tellement le personnage qu'il pourrait le tuer, adoucissant un peu le propos de temps à autre.
L'acteur offre pourtant une filmographie très diversifiée et éclectique, avec de nombreux chefs d'oeuvres hors 007, et quelques performances mythiques qui font que l'acteur demeure un acteur majeur du Septième Art, surtout durant les années 60-70 et 85-91.
Sean Connery est mort dans son sommeil à son domicile aux Bahamas ce samedi 31 octobre 2020 à l'âge de 90 ans