Premier long métrage pour le réalisateur-scénariste iranien Hassan Yektapanah qui fut l'assistant réalisateur de quelques grands iraniens notamment sur les films "Le Miroir" (1997) de Jafar Panahi, "Le Goût de la Cerise" (1997) de Abbas Kiarostami et "Le Petit Homme" (2000) de Ebrahim Forouzesh. Bien lui en a pris, le cinéaste obtient dès sa première expérience au Festival de Cannes la Caméra d'Or 2000. Le réalisateur signe un film dans la veine socialo-poétique du cinéma iranien...
Djomeh est un immigré afghan qui travaille avec un cousin dans une ferme laitière appartenant à Mahmoud. Il tombe amoureux de la jeune épicière et se décide à la demander en mariage ce qui ne manque pas de créer quelques tensions dans le village. En effet, la différence de niveau sociale et ethnique ne sont pas à l'avantage du jeune homme. Pas décourager, il se tourne vers son patron pour lui demander d'être son intermédiaire afin de demander la main de la jeune épicière à son père, d'abord réticent, Mahmoud qui n'est pas insensible à l'histoire difficile de Djomeh commence à y réfléchir... La plupart du casting est composé d'acteurs non professionnels notamment les rôles importants comme l'épicière interprétée par Mahbobeh Khalili, l'aveugle par Valiollah Beta et le cousin joué par Rashid Akbari qui ne participeront à aucun autre film. Le rôle titre est tenu par Najil Nazari alors inconnu, tandis que son patron est incarné par Mahmoud Behraznia vu auparavant dans "Magass" (1997) de Daryush Shokof, et qu'on reverra notamment dans "Le Secret de Baran" (2001) de Majid Majidi et récemment encore dans "Careless Crime" (2020) de Shahram Mokri. Mais le plus amusant c'est que Najil Nazari jouera une seconde et dernière fois dans un film, ce sera justement pour "Shah-zadeh" (2014) de Mahmoud Behraznia alors devenu réalisateur... Le cinéaste nous plonge dans le quotidien très terre à terre de la campagne iranienne, qui ne semble pas si éloigné des campagnes reculées européennes. Une jeune immigré semble s'être intégrer dans ce petit coin où il a fait sa place, toute modeste qu'elle est au sein d'une petite laiterie. Discret et travailleur son patron Mahmoud n'a rien à lui reprocher et même si il peut être dur ce patron semble s'être un peu attacher à son employé. Un quotidien routinier qui va doucement se déliter donc quand ce jeune immigré va vouloir épouser une iranienne, de niveau social plus élevé de surcroît.
La première partie est quasi documentaire, on suit Djomeh dans son travail quotidien avec son cousin Habib et son patron Mahmoud. Entretien de la laiterie, soins des vaches, récoltes et livraisons de lait... etc... mais on nous montre aussi le quotidien du village, les habitudes, les visites à l'épicerie, le rapport entre les gens surtout et notamment entre les iraniens et Djomeh, entre les hommes et les femmes, entre Djomeh et la petite épicière... etc... Mais surtout le scénario est partagé entre le village et la ferme, entrecoupé des trajets en camion où Djomeh discute beaucoup après son patron. Un trajet en champs/contre-champs qui va façonné la relation entre Djomeh et Mahmoud mais qui va aussi préparer à l'avenir comme l'éventuel mariage entre Djomeh et l'épicière. Le récit évolue à partir du moment où Djomeh annonce son intention de se marier, à partir du moment où Mahmoud sait et comprend que le mariage risque de ne pas plaire à beaucoup de monde au village même si Djomeh pense que la religion commune est un lien nécessaire et utile. Yektapanah s'attache à rester ancrer dans un docu-fiction qui montre aucune ambition sur le fond de son propos. En effet, son histoire n'ouvre pas à une polémique ou à une morale comme chez Kiarostami ou Panahi par exemple, le cinéaste reste neutre, il relate juste les faits comme un témoin discret. Il pousse d'ailleurs la chose jusqu'à une fin ouverte qui est aussi surprenante que judicieuse ; la demande en mariage a-t-elle vraiment été faîte ?! La réponse est-elle oui ou non ?! Et pourquoi pas, est-ce que la demande a été faîte réellement pour Djomeh ?!... La dimension documentaire ne fait aucun doute, sorte de conte moderne où un homme n'est pas rejeté tant qu'il reste à sa place mais qui veut aussi construire son avenir dans un univers limité à un village entouré de montagnes. On peut regretter que ces paysages restent un peu trop en retrait, et surtout, on aurait aimé un peu plus de passion dans les émotions. Djomeh est toujours timoré, les habitants amorphes, l'épicière trop muette même quand elle vend simplement ses produits, seul Mahmoud semble être un minimum sanguin. Néanmoins, l'immersion dans la campagne iranienne ne manque pas d'une belle innocence, d'une certaine poésie parfois mais tous ces personnages, tous ces travaux routiniers manquent tout de même un peu de vie.
Note :