Prix du Jury 2019 au Festival de Cannes ex-aequo avec "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly, ce film est une co-production franco-brésilienne avec notamment le producteur Saïd Ben Saïd qui était par exemple derrière "Maps to the Stars" (2014) de David Cronenberg, (2016) de Paul Verhoeven et "Aquarius" (2016) du réalisateur-scénariste Kleber Mendonça Filho. Ce dernier déjà remarqué avec "Les Bruits de Recife" (2014) signe là un film avec Juliano Dornelles qui réalise pour la première fois après avoir d'abord été Chef Décorateur justement pour Flho sur ses précédents films. Une collaboration en duo dont l'idée remonterait à un Festival de Brasilia en 2009 où les deux hommes ont été marqué par les disparités sociales d'où est venue l'idée qu'une population méprisée se vengerait d'une population plus aisée et oppresseuse. "Bacurau" signifie "engoulevent", soit "un oiseau crépusculaire et nocturne qui possède un plumage cryptique très complexe..." pour qui Juliano Dornelles dresse un parallèle : "il ne sera remarqué que s'il a lui-même envie d'apparaître. Le village de Bacurau se porte ainsi, il est intime du noir, il sait se cacher et attendre, et préfère même ne pas être aperçu."...
Dans un futur très proche, un village pauvre du nord du Brésil fait le deuil de leur matriarche Carmelita qui s'est éteinte à 94 ans. Etonnament, des événements bizarres s'accumulent dont la disparition de Bacurau des cartes géographiques, mais les choses semblent devenir incontrôlable après la découverte d'une ferme où la famille a été massacré... La plupart des acteurs composant le casting sont inconnus hors des frontières du Brésil. On peut citer Barbara Colen et Ruben S. Santos qui était déjà dans "Aquarius", et Sonia Braga également dans "Aquarius" mais surtout une des grandes stars sud-américaines vie dans "Le Baiser de la Femme Araignée" (1985) de Hector Babenco, "Milagro" (1988) de Robert Redford, ou plus récemment dans "Les Oubliées de Juarez" (2007) de Gregory Nava, "Wonder" (2017) de Stephen Chbosky. L'un des rôles principaux est tenu par Thomas Aquino dont c'est le premier rôle important après notamment un petit rôle dans "La Plage du Désir" (2014) de Karim Aïnouz. Enfin, l'acteur le plus fameux est Udo Kier, acteur allemand au plus de 200 films dont pas des moindres avec entre autre "Histoire d'O" (1975) de Just Jaeckin, (1977) de Dario Argento, "Lili Marleen" (1981) de Rainer Werner Fassbinder, "Breaking the Waves" (1996) de Lars Von Trier ou plus récemment "Traîné sur le Bitume" (2018) de S. Craig Zahler... Pour commencer, la définition qu'y voit Juliano Dornelles avec l'oiseau "Bacurau" est un peu poussif car on s'aperçoit que les habitants de Bacurau ne font justement rien de spécifique pour être plus ou moins invisible, bien au contraire. Ils cherchent avant tout à s'accrocher au reste du monde comme le symbolise l'importance de l'eau dès les premières minutes du film, ensuite ils s'inquiètent pourtant de la disparition de leur ville des cartes. Un parallèle qui s'avère donc fumeux. Par là même, une "population méprisée qui se vengerait de l'oppresseurs" devient une thématique dont le récit dévie franchement du fait même de l'identité et de la provenance de ces "oppresseurs".
Pourtant, la première partie débute de façon particulièrement intriguante avec des habitants qui semblent vivre de fait en autarcie, qui ont des moeurs pour le moins singulières, et surtout dont les émotions semblent aussi primaires que léthargiques. Mais si ce début séduit de par ses questionnements et ses mystères on finit par souffler tant la mise en place est fastidieuse. Il faut une grosse demi-heure avant que l'intrigue démarre vraiment, une demi-heure pour qu'on commence à comprendre que certains passages sont aussi superflus qu'inutiles comme la colère de la doctoresse lors des obsèques, un cercueil d'où jaillit de l'eau ou l'insistance de fait sur l'importance de leur musée municipale. L'histoire prend une tournure inattendue quand un ovni apparaît derrière un pauvre bougre (qui ne le sera pas tant !), un véritable rebondissement mine de rien qui lance définitivement le film même si ensuite un twist arrive bien trop tôt (qui sont les "méchants"). On entre alors dans un western métaphysique et dystopique avec une grosse dose de chasse à l'homme comme des tonnes de films souvent du genre horreur et/ou thriller comme "Les Chasses du Comte Zaroff" (1932) de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, "Punsihment Park" (1971) de Peter Watkins ou dernièrement la série B (2020) de Craig Zobel. Les deux réalisateurs-scénaristes entrent donc dans un mélange des genres entre anticipation, western, drame social, survival et du "cangaço", genre typique brésilien qui aurait comme comparaison les westerns teintés du folklore de l'outback australien. Pour le meilleur, on peut noter les paysages et les gueules qui renvoient au mythe du western, avec une mise en scène plutôt inspirée avec travelling, mise en valeur des décors, un surréalisme assumé et cette atmosphère singulière qui promet tellement... Malheureusement, le fond s'avère un peu vain, voir fantoche tant les deux cinéastes semblent s'être pris les pieds dans le tapis, ou même s'être un peu perdu dans les méandres de leur scénario de base. Pour les petits détails, la nudité gratuite, l'absence d'émotion générale (à l'exception notable des mamans) tous étant plutôt amorphes, voir le jeu ou le charisme de certains qui frisent le ridicule comme le nomme Lunga. Mais le plus décevant demeure le fond du propos avec la rivalité prolétaires/oppresseurs qui changent profondément les choses quand on sait qui sont les "chasseurs" venus d'ailleurs, les sujets sociaux comme la pauvreté ou la rareté de l'eau qui sont pas du tout approfondis, tandis que l'importance du musée s'avère juste accessoire, une déception. Très bon point pour la représentation abrupte et réaliste de la violence, excellence du climax qui impose une angoisse constante. En conclusion, un film au potentiel énorme, à l'ambition certaine mais qui s'éparpille et finalement qui ne prend jamais l'ampleur et la densité qu'on y décèle pourtant. Grand déception, note indulgente.